ven 21 mars 2025 - 01:03

Derrière le fils de la veuve : une plongée plus profonde dans la mythologie énigmatique

De notre confrère universalfreemasonry.org – Par Jonathan Dinsmore

Quel est le symbolisme du Fils de la Veuve ?

J’ai récemment abordé le sujet du  Fils de la Veuve en Franc-Maçonnerie , ainsi que plusieurs pistes d’interprétation et de recherche sur ce concept, allant de la généalogie biblique à la mythologie archétypale. J’aimerais maintenant vous emmener plus en profondeur sur ce sujet et sur ses sources possibles dans la pensée rosicrucienne, gnostique et ésotérique en général. Là encore, il existe un éventail d’interprétations réalistes et mythologiques, mais la signification occulte de l’une ou l’autre, voire des deux, sera explorée plus en détail.

Au cœur et à l’origine du concept du Fils de la Veuve, selon les écrits rosicruciens de Max Heindel, se trouve une interprétation alternative de l’histoire biblique d’Adam, Eve, Caïn et Abel, qui est elle-même ancrée dans une cosmologie alternative liée à l’histoire biblique de la création, mais assez différente de celle-ci. 

Dans cette interprétation rosicrucienne de la cosmologie biblique, les esprits ou anges des différents éléments représentent, en bref, différentes forces spirituelles et archétypes se déployant lors des premiers événements de la création, et les Anges du Feu jouent un rôle majeur. Dans ce récit, les Anges sont des esprits des différents éléments, et les Esprits du Feu sont ceux qui décidèrent de manifester le potentiel latent de la matière par l’inflammation ; sous la forme du soleil et d’autres étoiles, cette qualité rayonnante offrait un contraste saisissant avec le vide glacial de l’espace et de la matière inerte.

En brûlant, ils créèrent un moteur de manifestation : la chaleur évapora l’eau, qui se recondensa pour retomber et refroidir la surface des planètes, créant ainsi une croûte terrestre habitable pour la vie biologique. Par conséquent, les Esprits du Feu, et tous ceux qui leur sont affiliés, sont alignés sur l’archétype de la puissance dynamique, de la manifestation et de la lumière, et sont aussi d’une nature quelque peu rebelle, libérant ainsi l’énergie des liens de la matière, exactement comme le Feu.

Les Esprits de l’Eau, quant à eux, ont une essence et un objectif diamétralement opposés : éteindre la flamme des Esprits du Feu et maintenir l’énergie liée à la matière. Ainsi, l’eau évaporée se condense et s’abat sur la terre en fusion, la refroidissant et la stabilisant pour lui redonner une existence plus structurée, quoique moins libre. Ainsi, le monde tel que nous le connaissons, et en fait chaque individu, est une combinaison de ces deux forces fondamentales, le Feu et l’Eau, le dynamisme et la retenue, la puissance et la passivité, entrelacées, imbriquées l’une dans l’autre, jouant leur danse polaire sur la scène de la Terre et de l’Air, de la Solidité et de l’Espace.

Quel est le rapport entre la dynamique des éléments, le Fils de la Veuve et la première famille biblique ? 

Le deuxième chapitre de ce récit gnostique de la création nous présente les personnages les plus familiers d’Adam, Ève, Caïn et Abel, avec une apparition moins familière : un ange du nom de Samaël. Dans cette version, Samaël est présenté comme appartenant à la hiérarchie des Anges de Feu et est identique au serpent qui a convaincu Ève de manger du fruit de l’Arbre de la Connaissance. Ainsi, fidèle à son archétype ardent, il a ouvert la voie à la libération du potentiel latent de l’esprit humain de la passivité liquide et bienheureuse de l’existence du Jardin.

Dans cette version de l’histoire, Samaël fit bien plus que de simples escrocs ; il donna également à Ève son premier enfant, Caïn. Cependant, avant la naissance de Caïn, Jéhovah força Samaël à fuir ailleurs, pour avoir corrompu Ève. D’ailleurs, Adam n’avait pas encore été créé dans cette version ; il ne l’a été qu’après le bannissement de Samaël. Cela signifie que Caïn est non seulement un hybride Ange de Feu/Humain, mais aussi le  Fils d’une Veuve , bien qu’il ait eu un beau-père et un demi-frère, Adam et Abel, respectivement. En tant qu’enfant d’un Ange de Feu, on peut affirmer sans risque de se tromper que Caïn n’avait probablement pas grand-chose en commun avec eux.

La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre, comme on dit, et bien que Caïn soit surtout connu pour le meurtre de son (peut-être demi-) frère Abel, enfant d’eau d’Adam, il fut aussi le premier à travailler à labourer le sol, indiquant son identité d’innovateur originel de l’agriculture, la base de toute civilisation, tandis que son frère d’eau Abel suivait le courant et vivait une vie tranquille d’élevage.

De plus, après son rejet par Jéhovah, apparemment pour son intelligence et son indépendance trop grandes au goût du dieu jaloux, et l’épisode fratricide qui en résulta, Caïn fonda sa propre civilisation. Ses descendants sont également considérés comme les inventeurs de la métallurgie, de l’écriture et de la musique, soit les prémices de toute innovation intellectuelle et technologique. On pourrait dire qu’ils avaient, pour ainsi dire, le Feu dans le sang, et qu’ils l’utilisèrent pour forger les fondements de la civilisation. 

Pendant ce temps, le frère cadet de Caïn, Seth, et ses générations suivantes, comme leur défunt frère Abel, étaient de naissance purement humaine et avaient donc un tempérament beaucoup plus aquatique, étant pour la plupart obéissants et, bien qu’en phase avec l’esprit et l’intuition, pas si brillants, travailleurs ou innovants.

Selon le mythe, ces deux types de personnes perdurent depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. L’idée est que les individus sont généralement de l’une ou l’autre nature : soit fougueux, rebelles, intellectuels et privilégiant les œuvres à la foi, soit lucides, confiants, fidèles et obéissants, le bon troupeau qui ne fait pas de bruit et s’appuie (espérons-le) sur la direction divine, souvent celle des autorités religieuses. En fait, on pourrait aussi caractériser ces deux types de personnes comme des chèvres et des brebis. 

Quel est le rapport avec la franc-maçonnerie ?

Comme vous le savez probablement, la construction du temple de Salomon est un mythe biblique important dans la tradition maçonnique.

Crédit photo Wolfgang Sauber - Hiram représenté entre les deux colonnes du temple, vitrail de St John's Church, Chester (Angleterre, 1900)
Crédit photo Wolfgang Sauber – Hiram représenté entre les deux colonnes du temple, vitrail de St John’s Church, Chester (Angleterre, 1900)

Ce que beaucoup n’ont peut-être pas compris en étudiant la Bible, c’est que la nécessité pour Salomon d’engager Hiram Abiff, le Maître Artisan, pour construire son temple n’était pas une simple question de délégation ; Salomon était lui-même un descendant de Seth et, malgré toute sa sagesse et son sens poétique, il n’était pas particulièrement à la hauteur de la tâche consistant à concevoir et à superviser la construction du Grand Temple. Il fallait un descendant ardent de Caïn pour mener à bien cette tâche, et 

Hiram Abiff était non seulement un descendant du Fils de la Veuve originel, mais aussi un Fils de la Veuve lui-même. Il est donc à la fois Fils de la Veuve et arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils de la Veuve. 

Certains affirment que cette dualité au sein de l’humanité perdure encore aujourd’hui, l’Église représentant les fils de Seth, étanchant la soif des épuisés avec leur eau bénite à l’entrée de chaque église, les rituels du baptême et le symbolisme du bon berger et de son troupeau obéissant. Pendant ce temps, les fils de Caïn construisent, progressent intellectuellement et technologiquement, fuient l’autorité, domptent les étendues sauvages et illuminent le monde de leur Feu. Peut-être ces deux facettes, celle du bouc et du mouton, du feu et de l’eau, de l’intellect et de l’intuition, sont-elles vouées à se rencontrer, à s’entremêler et à s’équilibrer.

Quoi qu’il en soit, il est difficile de nier que la franc-maçonnerie s’appuie fortement sur le côté ardent de cette équation, comme en témoigne tout le symbolisme autour du fait d’être des artisans, des constructeurs, des intellectuels, de valoriser le travail pour l’amélioration de l’homme, l’initiative personnelle et, bien sûr, l’importance d’Hiram Abiff, le fils de la veuve et maître constructeur de la lignée teintée de feu de Caïn lui-même. 

Qu’est-ce que tout cela signifie ? Comme toute mythologie, on peut l’interpréter de diverses manières ; peut-être y a-t-il une part de vérité littérale, des populations différentes issues d’un passé ancien, nées de tempéraments différents, et cette dichotomie perdure encore aujourd’hui. On pourrait aussi, cependant, y voir le symbole de nos propres polarités intérieures, notre Salomon intuitif, fils sage et aquatique de Seth, ayant besoin de l’intelligence et de la détermination de notre fils de Feu intérieur, Hiram, pour achever la grande œuvre du Temple en nous, et vice versa. Il est toujours possible de formuler ses propres théories, mais la seule façon de savoir avec certitude ce que cela signifie pour un franc-maçon est de lui poser la question.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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