jeu 20 mars 2025 - 05:03

Découvrir le Soi, une alchimie spirituelle

(à partir des enseignements de C.G. JUNG)

Parmi les plus grands mystères que l’humanité ait jamais contemplés se trouve celui du Soi. Présent à la fois dans les traditions spirituelles anciennes et au cœur des théories psychologiques modernes, le Soi désigne ce principe fondamental, source et centre de notre être.

Carl Gustav Jung

Il est à la fois ce que nous sommes le plus profondément et ce que nous connaissons le moins. Son approche exige patience, rigueur et humilité, car découvrir le Soi, c’est se livrer à une véritable alchimie spirituelle : une transformation intérieure progressive, transmutant les ombres en lumière et le plomb de l’ego en l’or de la conscience.

I. Qu’est-ce que le Soi ? Définitions croisées entre spiritualité et psychologie

Le Soi est un terme complexe qui traverse les âges et les disciplines, prenant racine dans des approches aussi diverses que la sagesse orientale, l’hermétisme, la philosophie grecque ou la psychologie analytique.

Dans la tradition spirituelle, le Soi désigne la partie la plus essentielle de l’être humain : immuable, intemporelle et sacrée. Il est la flamme divine, l’étincelle de l’Absolu en nous. Le Vedanta le nomme Atman, identique en essence à Brahman, le Tout. Pour les mystiques chrétiens, il est l’image de Dieu en l’homme, ce noyau spirituel qu’il faut révéler par purification et prière. L’alchimie opérative, quant à elle, le symbolise par la pierre philosophale, aboutissement ultime du Grand Œuvre.

En psychologie analytique, Carl Gustav Jung définit le Soi comme « la totalité de la psyché », unifiant le conscient et l’inconscient, et orientant l’individu vers l’accomplissement de son être véritable. Il écrit ainsi :

« Le Soi est l’archétype de l’ordre, l’image de Dieu dans l’âme humaine. »

Dans ces deux dimensions – spirituelle et psychologique – le Soi n’est pas un objet que l’on possède, mais un état d’être vers lequel on chemine, une réalisation intérieure, fruit d’un long travail de transformation.

II. Les obstacles à la découverte du Soi : entre illusion et oubli

Si le Soi est ce que nous sommes le plus intimement, pourquoi semble-t-il si difficile à atteindre ? La réponse réside dans les voiles qui s’interposent entre nous et cette réalité profonde.

L’ego, le grand usurpateur

L’ego, nécessaire à notre fonctionnement social, devient un obstacle lorsqu’il prend toute la place. Il s’identifie aux rôles, aux masques, aux possessions et croyances, créant l’illusion d’un « moi » autonome et séparé. Le Soi, lui, ne cherche pas à dominer ou posséder, il est pur Présence.

Le poids du conditionnement

Famille, culture, éducation, médias… Dès l’enfance, nous sommes façonnés par des systèmes de pensée et des croyances limitantes. Ces schémas inconscients nous éloignent du contact direct avec notre essence. Jung écrivait à ce sujet :

« Ce que tu ne fais pas remonter à la conscience te revient sous forme de destin. »

Jung

La peur du vide

Découvrir le Soi implique souvent de traverser le désert intérieur, d’accepter l’effacement temporaire de ce que nous croyions être. Ce dépouillement effraie. Pourtant, c’est dans ce silence dépouillé que la vraie lumière surgit.

L’attachement au connu

Nous résistons au changement et préférons souvent la sécurité illusoire des habitudes, même si elles nous font souffrir. Or, accéder au Soi suppose de sortir des cadres habituels de la pensée pour embrasser l’inconnu.

La nature des oppositions : l’alchimie intérieure

L’obstacle majeur à la rencontre du Soi est la dualité. Nous sommes traversés par des forces opposées : lumière et ombre, raison et intuition, action et contemplation. L’alchimie spirituelle consiste précisément à réconcilier ces contraires, non par l’écrasement de l’un par l’autre, mais par leur intégration harmonieuse.

« La pierre philosophale, c’est l’union des opposés en un seul vase. »

(Dicton alchimique)
Allégorie alchimique extraite de l’Alchimie de Nicolas Flamel, par le Chevalier Denys Molinier (xviiie siècle) et représentant les énergies conscientes et inconscientes se combinant pour guérir la personnalité

Ainsi, découvrir le Soi, c’est cesser de fuir ses zones d’ombre, apprendre à aimer ses blessures, à reconnaître en chaque conflit intérieur l’occasion d’une synthèse supérieure. C’est transformer le plomb des passions en or de la sagesse, par un lent et humble travail sur soi.

IV. Outils pratiques pour lever les voiles et approcher le Soi

La quête du Soi n’est pas théorique : elle demande un engagement dans des pratiques concrètes, qui façonnent l’être au quotidien.

Le silence et l’écoute intérieure

Créer des espaces de silence permet de calmer le tumulte mental et d’écouter la voix discrète du Soi. La méditation, la prière contemplative ou la simple observation attentive de soi sont des portes d’accès.

Le questionnement profond

Crâne et vieux livres sur une table
Crâne posé sur 2 vieux livres sur une table ancienne. Un livre en premier plan avec ses pages ouvertes. Alchimie, recette, magie, grimoire

S’interroger sincèrement : Qui suis-je ? Qu’est-ce qui m’anime au plus profond ? Quels sont mes schémas récurrents ? Ce travail d’enquête intérieure éclaire les angles morts et libère des automatismes.

La transmutation des émotions

Accueillir ses émotions sans jugement, les observer et comprendre leur origine permet de les alchimiser. Derrière la colère peut se cacher une peur. Derrière la peur, un désir de protection. Derrière ce désir, un appel du Soi.

Le symbolisme et les archétypes

Les symboles universels – ceux que l’on retrouve dans les mythes, les rites, la franc-maçonnerie – sont des clefs précieuses pour dialoguer avec l’inconscient et ouvrir des passages vers le Soi.

L’action juste

La recherche du Soi ne se fait pas dans le retrait du monde, mais dans l’harmonisation de l’être intérieur et de l’agir extérieur. Vivre en cohérence, dans la simplicité, l’humilité et le service, affine la conscience et ancre le Soi dans le réel.

Alchimie laboratoire
Alchimie laboratoire

Conclusion

Découvrir le Soi, c’est accepter de mourir à ses illusions pour renaître à sa véritable nature. C’est un chemin de dépouillement, de réconciliation et d’unification intérieure. Tel l’alchimiste dans son laboratoire, l’initié œuvre patiemment à la transmutation de ses ténèbres en lumière, conscient que l’or qu’il cherche n’est autre que lui-même.

« Ce que tu cherches te cherche aussi. »

(Rumi)

Ainsi, l’alchimie spirituelle du Soi n’est pas un aboutissement, mais un processus vivant, un retour constant à l’Essence, une marche silencieuse et féconde vers le Centre, là où l’Être se sait un avec le Tout.

Olivier de LESPINATS
Extrait du futur ouvrage « Chemin du Soi au Moi »

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Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats est né en 1961 au sein d’une vieille famille de la noblesse poitevine. Famille dont ses ancêtres ont été Francs-Maçons dès 1738, au sein de la loge « l’Intimité » à l’Orient de Niort. Après des études supérieures d’ingénieur et d’officier, il est devenu expert en ingénierie financière publique, chargé de Travaux Pratiques universitaire et directeur de nombreuses sociétés de conseils et de services auprès du secteur public en France et à l’International. Initié en 1991 à la GLNF au sein de la Respectable Loge « La Clé de Voûte » à l’Orient de Coulommiers, il deviendra en 2000 Vénérable Maître de la Respectable Loge « Saint-Fursy » à l’Orient de Lagny. Désireux de rejoindre une obédience mixte, il démissionnera de la GLNF en 2011 pour rejoindre la GLCS dans un premier temps avec la création d’une loge à Nantes, puis en 2017 la Grande Loge Mixte Nationale avec la création d’une loge à Saintes en 2023. En 2019, à la demande du Passé Grand Maître et du Conseil Fédéral, il deviendra le 4ème Grand Maître de la GLMN pour un mandat de 3 ans. Parallèlement à son parcours en loges bleues, il poursuivra l’enseignement maçonnique pour atteindre le 33ème degré du REAA et celui de CBCS au RER. Reconnu pour son expertise en symbolique ésotérique, il a créé en mars 2020 au sein de la GLMN une newsletter « l’Epi de blé » présentant de nombreuses planches sur la tradition de l’art royal et la vie de l’obédience. En parallèle, il vient d’acquérir et poursuivra, sous une forme moderne, l’ancienne revue « Le Symbolisme ».

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