dim 09 mars 2025 - 22:03

Sagesse – Force – Beauté

Des qualités à cultiver en soi ! Par son travail et sa réflexion, l’initié doit en faire le fondement de son parcours. Tel est le but ultime de ses efforts, de son savoir et de son élévation spirituelle.

Approfondissons cette idée.

Les mathématiciens s’accordent à reconnaître en Euclide la maîtrise de l’Essentiel. Mais qu’était cet Essentiel ? Il s’agissait, et il s’agit toujours, de la science des mathématiques et de la géométrie, intimement liées à la Sagesse. Bernard de Clairvaux, abbé de Cîteaux, en fit une discipline d’étude pour les moines bâtisseurs, qui la nommèrent le « Trait » et l’adaptèrent à l’architecture sacrée. Les artisans du bâtiment en tirèrent un enseignement, transformé en art de concevoir et d’édifier, donnant naissance au Compagnonnage, avec ses règles strictes de savoir et de secret. De là, nous pouvons dire que la Franc-Maçonnerie a émergé, vénérant, peut-être plus qu’ailleurs, la Sagesse comme vertu, prudence, don de l’esprit et science du discernement.

C’est sur la colonne du Nord, où il prend place après son initiation, que l’apprenti rencontre la Sagesse, imposée par l’obligation du silence. Ce silence lui permet d’écouter – non pas seulement d’entendre – puis de méditer sur ce qu’il a vu et perçu durant la Tenue, pour en extraire, avec sagesse, les leçons nécessaires à son cheminement. Car la Sagesse est une quête intérieure : elle diffère de la science, l’une étant profane, l’autre sacrée. Elle réside en chacun, jeune ou vieux, sans limite d’âge. Les anciens n’en détiennent pas davantage que les autres, malgré la croyance populaire.

3 Piliers
3 Piliers – Sagesse Force et Beauté

La Sagesse inspire des sentiments qui nous rendent capables d’apprécier le monde avec discernement, sans préjugés liés à la condition sociale, économique ou matérielle, pour offrir amitié, respect, aide ou amour. Elle régule nos instincts, nous guide vers une juste perception des situations et nous pousse à agir avec équité envers tous, en évitant les impulsions nuisibles à notre raison. Si nous dévions, elle nous révèle nos erreurs et nous ramène sur la voie droite. Pour cela, comme les compagnons calculant leurs constructions, il faut faire appel à la Force – celle des matériaux pour eux, celle de notre caractère pour nous. Une Force maîtrisée par la Sagesse, car sans elle, nul ne peut se dominer ni reconnaître ses fautes.

Lors de son initiation, le néophyte reçoit un mot lié à la colonne qui lui est assignée, signifiant « La force est en lui » ou, plus simplement, « En Force ». Ce principe lui est donné pour qu’il l’emploie avec toute la Sagesse dont il dispose, en contrôlant ses élans et en prenant conscience du travail à accomplir pour polir son ego, tailler sa pierre – comme le dit le rituel – et en faire un élément digne du Temple intérieur qu’il commence à bâtir en s’engageant dans cette voie.

La Sagesse ne s’enseigne pas, elle s’acquiert. Marcel Proust écrit : « On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même, après un trajet que personne ne peut faire pour nous. » Les Chinois disent : « Le sage s’interroge lui-même, le sot interroge les autres. » Elle est un pilier de la connaissance, visant non le pouvoir, mais elle-même comme finalité.

Peinture de James Tissot représentant Bezalel (circa 1896).

Dans Exode (31, 2-3), il est dit : « Vois, j’ai nommé Betsaléel, fils d’Uri, fils de Hur, de la tribu de Juda. Je l’ai rempli de l’esprit de Dieu, lui donnant la Sagesse (hokhmah), l’intelligence et le savoir pour toutes sortes d’ouvrages. » Cette Sagesse, attribut divin, est celle que Dieu déploie pour créer l’Univers. Dans Proverbes, elle se tient dès l’origine auprès du Créateur : « Quand il disposa les cieux, j’étais là ; quand il affermit les fondations de la terre, j’étais à ses côtés comme un frère de lait. »

Attribut divin, la Sagesse forme avec la Force et la Beauté la triade qui soutient la Loge, reflet de l’Univers. Associée à la lumière émanant du Vénérable Maître, elle s’harmonise avec la Force, elle aussi issue de lui. Anderson nous rappelle : « Cette géométrie selon laquelle le Grand Architecte a ordonné le monde, Il l’a inscrite dans le cœur d’Adam, créé à Son image. » Il ajoute : « Nous ne faisons que tenter de L’imiter, sans atteindre Sa perfection. » Nous, Maçons, savons que le sacré réside en nous, tout comme la Sagesse, qu’il nous faut cultiver, bien que sa pleine révélation reste hors de ce monde.

C’est pourquoi la Force – de travail et de caractère – est essentielle. Comme le deuxième pilier soutient l’édifice, elle porte nos efforts pour tailler notre pierre avec passion, la rendant belle et admirable, capable d’inspirer autrui à nous rejoindre dans cette quête de vertu. Les bâtisseurs, nos possibles ancêtres, dressaient leurs plans avec Sagesse, choisissaient les pierres pour leur Force et les assemblaient pour créer la Beauté, en harmonie avec leurs calculs. De même, nous devons évaluer nos engagements, mesurer nos capacités et viser un accomplissement qui, bien que discret, rayonnera par notre exemple.

Si notre travail améliore notre être, alors il pourra être admiré pour sa Force et sa Beauté. Car une œuvre réalisée avec cœur, même imparfaite, est toujours belle. Ainsi, nous portons au-dehors ce que nous avons reçu dans le Temple, éclairant le monde profane de notre lumière, comme les compagnons ornaient leurs édifices de sculptures attirant les regards et invitant à entrer. Que notre rayonnement suscite chez autrui le désir de partager notre quête de Beauté et de connaissance !

À la fermeture des travaux, le Vénérable Maître, éteignant la colonne Sagesse, proclame : « Que la paix règne sur la terre. » Le sage, en paix avec lui-même et le monde, ne sait pas : il comprend. Son silence n’est ni faiblesse ni ignorance, mais quête de paix pour lui et pour l’Univers, dans une méditation sans fin.

Mes Frères, je n’ai pas défini ces trois piliers – Sagesse, Force, Beauté – comme on le fait souvent. J’ai voulu partager ce qu’ils m’inspirent, à moi, Franc-maçon, contemplant leur présence à chaque Tenue, cherchant un sens à ma vie sur ce chemin de lumière.

4 Commentaires

  1. Merci MTCF pour ce texte que je reçois, pour cette inspiration qui ruisselle. Qui résonne en moi, pour ma toute première planche, commune avec d’autres frères.
    Bbb
    HR

  2. Mon TRF Christian,
    Un seul mot, merci!
    Merci pour cette simplicité dans l’expression de « l’essence ciel » qui parle en nous.
    Très Fraternellement,
    DI

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Christian Belloc
Christian Bellochttps://scdoccitanie.org
Né en 1948 à Toulouse, il étudie au Lycée Pierre de Fermat, sert dans l’armée en 1968, puis dirige un salon de coiffure et préside le syndicat coiffure 31. Créateur de revues comme Le Tondu et Le Citoyen, il s’engage dans des associations et la CCI de Toulouse, notamment pour le métro. Initié à la Grande Loge de France en 1989, il fonde plusieurs loges et devient Grand Maître du Suprême Conseil en Occitanie. En 2024, il crée l’Institution Maçonnique Universelle, regroupant 260 obédiences, dont il est président mondial. Il est aussi rédacteur en chef des Cahiers de Recherche Maçonnique.

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