Assez !
Un mot tellement banal. Adverbe solitaire comme interjection exaspérée, ou en modération d’un adjectif ou d’un verbe, il exprime des nuances variées, dont témoigne l’étymologie indo-européenne dans un vaste champ lexical occidental. Sat, en latin, satis.
« Ich bin sat », dit l’Allemand repu à l’issue de son banquet.
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Idée de satiété, la saturation se profile déjà. Un contentement évident, mais à la limite, rapidement atteinte, de l’excès et de son insupportabilité.
Le latin sous-entend dans la satisfaction une dette à acquitter, quitte à fournir une excuse, une justification, un motif de disculpation. Donner satisfaction, c’est faire amende honorable, fournir une réparation acceptable pour une offense, tel le péché envers Dieu. Un satisfecit.
Dans le palmarès de certaines écoles d’antan, on notait une hiérarchie significative : derrière les félicitations, sans conteste, venait la distinction. La satisfaction n’obtenait qu’une troisième place, le candidat avait prouvé sa compétence et sa bonne volonté, mais on était en droit de lui réclamer réparation d’un espoir quelque peu déçu…

Le glissement vers la satiété témoigne d’un individualisme qui exige de satisfaire quelque désir que ce soit, à tel point que l’on trouve dans ce champ lexical la saoulerie, soûlerie. Plaisir de l’ivresse, comme désir et besoin, qui ne trouvera de cesse que dans une satisfaction sans limite.
J’ai envie, donc je satisfais sans vergogne la revendication de mes désirs. Le soulagement de mon insatiable faim est à ce prix.
Satisfaction comme un entre-deux entre la satiété en équilibre éphémère et la saturation en goutte d’eau à déborder du vase ? Faute de meilleur ? La satisfaction sur le seuil pas encore franchi de l’addiction ?
Annick DROGOU
Plus on réfléchit à ce mot « satisfaction », moins on est satisfait. Il y a des mots apparemment séduisants, et même de grands séducteurs qui ne doivent pas nous abuser. La satisfaction fait partie de ces mots comme l’ « honneur », un autre mot qui devient dangereux quand on l’écrit au pluriel. Plus on s’approche du mot « satisfaction », plus on le trouve boiteux. C’est pourtant ce mot qu’il faut faire marcher.
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Légitime ou lâche satisfaction, c’est cette notion même de satisfaction qu’il faut mettre en mouvement. Mettre en tension. Si on s’assied pour s’installer dans la satisfaction, on est perdu, comme on s’enfonce dans des sables mouvants. Certes, on a besoin de satisfaction, mais ce ne peut être qu’un point d’étape, pour mieux reprendre force sur le chemin de la vie.
Non à la satisfaction qui endort, à cette satisfaction de parvenu autocentré, celle du contentement. Mais de quoi se contente-t-on d’ailleurs ? Et ce n’est pas qu’une question morale. Inversement, il n’est pas conseillé non plus d’être toujours insatisfait, de s’emmurer dans la frustration. Frustré par rapport à quoi, à qui ? Jamais satisfait ? Oublions la satisfaction et embrassons la joie. Soyons joyeux plutôt que satisfaits. La joie ne ment pas, ne trahit pas, elle est toujours plus grande et généreuse que la satisfaction.
Est-ce bien mieux quand on chante avec les Rolling Stones…
« I can get no… satisfaction »
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