Roland Desné (1931-2020) était un historien, philosophe et écrivain français spécialiste des Lumières. Né à Issy-les-Moulineaux, il adhère au Parti Communiste Français en 1950 et côtoie des figures éminentes comme Louis Aragon et Paul Éluard. Engagements : Il est initié en franc-maçonnerie dans la loge de Metz « La Noble Amitié » en 1974, appartenant au Grand Orient de France, qu’il quitte en 1980 pour la loge de Paris « Que sais-je ? » puis en 2000 pour la Loge « Montaigne », également parisienne. Parallèlement, il s’investit au sein de la loge d’études et de recherches « Sources », sous l’égide du Suprême Conseil du Rite écossais ancien et accepté. Il est également impliqué dans le Centre d’études et de recherches marxistes.
Événements marquants : Il contribue à l’organisation des célébrations du Bicentenaire de la Révolution française en 1989.
Éducation et carrière académique : Après des études à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, il devient agrégé et travaille comme professeur d’université et chercheur au CNRS, finissant sa carrière comme professeur émérite à l’université de Reims où il fonde le département de littérature comparée.
Publications et contributions : Il publie dans plusieurs revues et collabore sur l’édition des œuvres de l’abbé Meslier, reçoit un prix de l’Académie française en 1972, et participe à la création de la revue “Dix-Huitième Siècle” et de l’Annuaire international des dix-huitiémistes.
Roland Desné est passé à l’Orient Éternel à Paris en 2020.
Progressive ou Progressiste ?
Le sens du mot « progressive » dans la constitution du Grand Orient de France : une réflexion de Roland Desné
Dans l’article 1er de la constitution du Grand Orient de France, la franc-maçonnerie est qualifiée de « philanthropique, philosophique et progressive ». Si les deux premiers adjectifs définissent clairement une raison d’être – l’amour de l’homme et de la sagesse –, le mot « progressive » peut sembler moins évident. Est-il question de gradation, de développement par étapes ? Roland Desné, professeur émérite et spécialiste du XVIIIe siècle, propose une analyse historique et sémantique qui éclaire ce terme.
Un mot au cœur de la définition maçonnique
Desné souligne que l’adjectif « progressive » ne désigne pas une manière d’exister, mais une raison d’être, au même titre que « philanthropique » et « philosophique ». Il ne s’agit pas de simples amateurs de progression graduelle, mais de partisans du progrès, engagés dans une dynamique de transformation et d’amélioration collective. Autrement dit, la franc-maçonnerie est « progressiste », et ce sens découle directement de l’intention des rédacteurs de 1849.
Contexte historique et évolution du mot
L’histoire lexicale du mot confirme cette interprétation. À partir du XVIIIe siècle, le terme « progressif » s’enrichit des valeurs liées au « progrès », un concept clé du siècle des Lumières. Les philosophes comme Condorcet promeuvent une vision des « progrès de l’esprit humain » qui inspire largement la franc-maçonnerie. Dès 1830, des discours officiels du Grand Orient adoptent cette orientation : « favoriser les progrès de l’esprit humain » devient une mission explicite de l’Ordre.
En 1849, lorsque « progressive » est intégré dans la constitution, il est utilisé dans son acception philosophique et sociale. Le terme exprime l’engagement des francs-maçons pour des idées favorisant la démocratie et l’émancipation sociale, en phase avec les idéaux de la révolution de 1848.
Pourquoi pas « progressiste » ?
Si le mot « progressiste » existait déjà, pourquoi les rédacteurs ne l’ont-ils pas utilisé ? Roland Desné avance une raison simple : en 1849, « progressiste » était encore un néologisme peu répandu, perçu comme moins légitime dans un texte officiel. Par tradition puriste, les rédacteurs ont préféré l’ancienneté de « progressive », bien que les deux mots soient sémantiquement proches.
Une actualisation nécessaire ?
Aujourd’hui, « progressive » est ambigu. Il évoque davantage une progression graduelle qu’un engagement pour le progrès, une confusion renforcée par l’évolution du mot « progressif ». Desné suggère qu’un futur Convent pourrait remplacer « progressive » par « progressiste » dans l’article 1er de la constitution. Ce changement clarifierait le sens et alignerait les francs-maçons modernes sur les intentions de leurs prédécesseurs, affirmant leur attachement au progrès en tant qu’idéal politique et social.
Un héritage à revendiquer
Adopter le terme « progressiste » serait une manière de réaffirmer la vocation de la franc-maçonnerie à être un acteur du progrès. En ces temps où certains n’en voient que les « dégâts », ce choix s’imposerait comme un message fort, fidèle à l’esprit des Lumières et à l’héritage des maçons du XIXe siècle. Une opportunité de conjuguer tradition et modernité.
Source : cairn.info
Effectivement, ce terme incite à la confusion ! Au lieu de discuter au convent sur les virgules mal placées, une actualisation de ce terme serait la bien venue !