sam 28 décembre 2024 - 02:12

Ici, tout est symbole

Ici, tout est symbole. Avec cette phrase sibylline, il est indiqué au néophyte que tout est révélé au moment de son initiation. L’initié voit tout, possède tout au moment où il reçoit la Lumière : tous les symboles qui l’aideront dans sa recherche sont à sa portée; ils sont exposés à ses regards.

Le franc-maçon appréhendera degré après degré leurs significations : «tout ce que vous pourrez y voir, tout ce que vous pourrez y entendre, tout ce qui s’y fait, a une haute signification qu’il vous appartiendra de chercher à comprendre, à approfondir.»

Les symboles et les rites des sociétés initiatiques s’articulent autour de quelques thèmes esquissés dans la cérémonie d’initiation :

– La mort et la renaissance avec la descente au cœur de la terre, dans la caverne ; la nuit obscure des gestations, la terre fécondée, l’eau purificatrice et fertilisante, la matrice aveugle et la grotte protectrice, la source, les profondeurs d’où surgit l’être revivifié par le bandeau enlevé.

– Et puis l’ascension, le dépassement, l’élargissement, la montée vers l’au-delà avec tout  ce qui exprime l’élan invincible et toujours recommencé vers l’inaccessible, avec l’amour ardent qui promeut la vie.

– Et encore, les mouvements d’ordre transversal, les voyages, les migrations, les passages, la poursuite méthodique de l’exploitation du réel et de l’imaginaire, la marche du connu vers l’inconnu, la quête, condition de la découverte, l’errance fécondante.

– Et surtout, ce qui a trait au dépouillement, à l’abandon progressif, au renoncement de ce qu’il faut quitter pour laisser plus de place à ce qui compensera la perte de tout le reste.

Rien n’est plus naturel pour l’homme que d’exprimer ses idées, ses pensées par un symbole. Les deux grandes catégories de symbolisme sont ceux des mythes (évènementiels) et ceux de la révélation du monde archétype (structurels).

La partie ésotérique de la langue des mystères possédait, au contraire, des clefs indispensables pour son intelligence. La doctrine philosophique, connue sous le nom de science-sagesse-sacré, dont on peut suivre les traces dans toutes les religions du monde, possédait et possède encore au moyen de la langue des mystères, une langue universelle, qui comprend  au dire de Ragon sept dialectes, dont chacun se  rapporte à l’un des sept mystères de la nature auquel il est plus particulièrement approprié. Chacun de ces dialectes comporte un symbolisme spécial.

Les orientalistes modernes (indianistes, égyptologues, etc.) éprouvent une difficulté extrême pour l’interprétation des anciens écrits de l’Orient parce qu’ils ne veulent pas reconnaître que tous les documents soumis à leur étude ont été écrits dans  la langue symbolique universelle, connue jadis de toutes les nations, qui n’est maintenant intelligible que pour un petit nombre d’initiés.

Les sept clefs de la langue des Mystères avaient été placées sous la garde des hiérophantes, les grands initiés de l’Antiquité. On ne connaît aujourd’hui aucune fraternité possédant les sept clefs de cette langue archaïque ; les théosophes prétendent que les mahatmas seraient seuls à les posséder. Les prêtres égyptiens auraient possédé toutes ces clefs, mais depuis la chute de Memphis, l’Égypte a perdu successivement tout son ésotérisme et, partant, toutes les clefs de la langue des mystères.

Les annotations des chiffres et de la musique sont des symbolismes authentiques.

Depuis son premier ouvrage, Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, Guénon a fixé les caractéristiques du symbolisme pouvant être décom­posées ainsi en six points, soit :

– le symbolisme utilise des formes ou des images comme signes ou objets aux idées suprasensibles;

– il représente les enseignements de la métaphy­sique ;

– il fonctionne par niveaux successifs et dynamiques, ce qui ne permet pas de s’arrêter à l’un ou l’autre palier ;

– les symboles sensibles – le soleil, la lune – et non les étoiles ne désignent pas les astres correspondants, mais les principes universels se manifestant dans le monde sensible ;

– il fonctionne invariablement, conformément à l’ordre hiérarchique, c’est-à-dire de haut en bas, ce qui rend le symbole à un niveau inférieur de son symboli­sant ;

– Au-delà de ce qui est symbolisable, le principe reste non symbolisable et inexprimable.

En Franc-maçonnerie, pour pratiquer le symbolisme, il faut regarder ce qui existe comme une grande écriture. C’est penser la pensée et parler un langage qui abrite des concepts avec leur contraire «levant une aurore de paroles». Le symbolisme rassemble ce que le principe de non contradiction met épars.

Le symbolisme est ce langage d’une parole qui donne prise sur les choses. Le mot prononcé est la matrice qui fait accéder au monde de la chair et de l’existence. La pensée symbolique est une pensée qui n’invente pas le monde, mais le rencontre et qui essaye de le comprendre dans son extension. Le symbolisme est une herméneutique qui, en reprenant au passé ce que d’autres avaient déjà sédimenté, embellit la vérité par la spécificité de l’intuition de celui qui la complète.

La symbolique maçonnique se fonde principalement sur quelques symbolismes (étant entendu qu’une symbolique est un ensemble de symboles et de symbolismes) : le symbolisme de la construction (les outils, les pierres, la géométrie) et le symbolisme du Temple qui en dérive, le symbolisme de la lumière, le symbolisme des nombres…

S’ajoutent à ces symbolismes deux symboliques importantes : la symbolique biblique, omniprésente, et un ensemble de symboliques supplémentaires, apparues au gré des circonstances historiques : symbolique alchimique, rosicrucienne, chevaleresque, templière, kabbalistique, militaire, forestière, astrologique, animale.

Le rapport du Convent du GODF, daté du 2 septembre 1992, consacré au symbolisme maçonnique, dit à ce propos : Le symbolisme demeure un outil permettant l’élévation de l’esprit. Il ouvre une fenêtre vers une autre dimension de la réalité. Il est une manière d’exprimer l’indicible, ou plutôt de l’approcher. Il est le langage de la mémoire de l’humanité. Cela rejoint la définition qu’en donnait René Alleau : «science des relations des êtres sensibles et intelligibles avec leurs archétypes conçus par la sagesse incréée, manifestée par le Verbe, et incarnée dans la Nature. Par là, le Symbolisme fixe aussi les archétypes des quatre éléments de la connaissance humaine, la science, la philosophie, l’art et la religion, dont la quintessence est le savoir initiatique, et qui doivent, grâce à ce savoir, retrouver leur antique unité dans la civilisation future» (Congrès du Symbolisme», Atlantis, n° 200).

La méthodologie maçonnique est fondée sur l’apprentissage du réel relié à la symbolique ; l’éclairement de l’un par l’autre constituant la base de la conscience éclairée.

Dire que qu’ici tout est symbole, c’est surtout de ne pas oublier que le franc-maçon lui-même fait partie de ce tout.

Qu’entendre par symbole ?

Nec loquens, nec celans, sed significans (ni parlant, ni cachant mais signifiant, Héraclite). Les symboles reflètent la complexité trop souvent inextricable des choses.[1]

Un prêtre du IVe siècle, Rufin d’Aquilée, a montré, dans son Explication du symbole des apôtres, comment ce nom est entré dans le monde chrétien : «Le nom grec symbolon peut être traduit par indicium (signe de reconnaissance), mais aussi par collatio, (assemblage, rassemblement), c’est-à-dire ce que plusieurs rassemblent en une seule chose ; c’est ce que firent les apôtres.» En effet, le symbole des apôtres, aussi appelé Credo, est le regroupement en un seul texte des articles de leur foi. Le Catéchisme du concile de Trente définit le mot «symbole» comme : cette profession de foi et d’espérance chrétienne que les apôtres avaient composée, ils l’appelèrent «symbole», soit parce qu’ils la formèrent de l’ensemble des vérités différentes que chacun d’eux formulât, soit parce qu’ils s’en servirent comme d’une marque et d’un mot d’ordre qui leur ferait distinguer aisément les vrais soldats de Jésus-Christ des déserteurs et des faux frères qui se glissaient dans l’Église pour corrompre l’Évangile, 1566.

Par la suite, le nom français «symbole» ajouta à ces sens celui de figure ou d’image qui sert à représenter une réalité, le plus souvent abstraite. On ne s’étonnera pas que ce dernier sens soit assez proche de celui d’«emblème», puisque ce nom est tiré, lui aussi, du verbe grec ballein. Le verbe sumballein, en grec ancien signifie réunir, rassembler, et dérive de bolein, lancer, car sumballein avait primitivement le sens de lancer ensemble. De ce point de vue, son antonyme, diaballein, origine du mot diable, signifie lancer en travers, séparer. Mais, symbole n’est pas emblème, symbole n’est pas attribut, symbole n’est pas allégorie, symbole n’est pas métaphore, symbole n’est pas analogie, symbole n’est pas parabole, symbole n’est pas apologue.

Le mythe, comme le symbole, est un mode d’expression propre à un groupe, à une société, à un moment donné. Ils disent la voracité, la maternité, la haine, l’amour, la peur, la solitude, et même le meurtre, ils disent aussi l’équilibre, la fraternité, l’harmonie, le mystère. Ils montrent l’homme dans son rapport avec lui-même, avec les autres, et avec le cosmos.

La fonction symbolique s’articule en ses sept aspects essentiels : 1) Sa nature : elle possède une portée ontologique, de l’être, qui n’est pas seulement subjective, poétique ou anthropologique. 2) Sa direction : elle «circule» de haut en bas, permettant ainsi de distinguer l’ordre de l’être, et l’ordre du connaître. 3) Son expression : tout y est donné en bloc dès le départ, puis découvert par un processus d’approfondissement. 4) Son architectonique : à la fois fermement structurée, et indéfiniment ouverte. 5) Sa vie intérieure : animée par une différence ontologique entre le symbolisé et le symbolisant. 6) Sa référence absolue : elle désigne une transcendance non symbolisable, qui est en quelque sorte le «plafond» du symbolisme. 7) Sa correspondance avec des états humains, car la connaissance est continûment assimilée et intériorisée : chaque étape ayant des corollaires dans un niveau d’intelligibilité et dans un stade de la réalisation humaine.

Son apprentissage, sa transmission dans le cadre d’une éducation, ou d’une tradition, crée un type très particulier de lien entre l’individu et le collectif, un lien où la part de l’imaginaire et du sentiment devient particulièrement importante. Ce lien, les penseurs grecs (surtout les néoplatoniciens) lui ont donné un nom : le symbole, rejoignant ainsi l’autre origine du mot, sumbolé, «l’articulation».

Le mot dérive du grec sumbolon, qui servait à désigner une chose composée de deux parties. Les sumbola, représentaient en Grèce les deux moitiés d’une tablette ou d’un objet quelconque qu’on avait brisé lors d’un contrat et que chacun des deux contractants conservait en souvenir de l’entente.Le symbole aurait ainsi deux parties issues d’une tesselle originelle : une première partie qui reste en notre pouvoir, c’est l’objet lui-même et une deuxième partie hors de notre vue, en possession d’une personne tierce : c’est la contrepartie qui ne réapparaît qu’à l’issue d’un périple. Cette contrepartie va se réunir à la première pour reformer le tout originel.

Les symbolon pouvaient également servir de signe de reconnaissance entre deux individus par aboutement des deux morceaux. Le partage en deux permet la reconnaissance et la sécurité à deux personnes ne se connaissant pas : les deux parties de l’objet ou, plutôt, le dispositif lié qu’elles permettent, sont au sens propre un symbole. Les deux parties du sumboleum s’assemblaient par la facette fraîchement apparue, mais comme chacune des parties était en trois dimensions, elles pouvaient se rattacher à de nombreuses autres pierres comme les pièces d’un puzzle, jusqu’à l’infini.

On en voit l’usage avec les objets rattachés aux dossiers d’enfants trouvés ou assistés. En particulier dans cette note jointe à un procès-verbal d’admission d’un enfant trouvé (sur Théodore Deschamps, admis le 14 mars 1809 sous le matricule 956. Archives de Paris), vraisemblablement rédigée par ses parents. Ces derniers espèrent un jour récupérer l’enfant, et ont laissé avec l’enfant une demi-carte à jouer (6 de pique), grâce à laquelle ils pensent pouvoir, le moment venu, prouver leur identité de parents en présentant l’autre moitié de la carte.

On appelle signifié la représentation, l’évocation qui dissimule le signifiant, cette moitié invisible, ineffable, ce qui positivement ne peut être vu, nommé, mais seulement évoqué, suggéré.

Si le signe distingue et donc sépare, le symbole, lui, permet la convergence en réunissant ce qui est épars. En favorisant la pensée intuitive, les symboles facilitent le dépassement des limites personnelles, sociales, présentes ou passées et autorisent l’impression de comprendre ce qui est commun à tous les hommes et à toutes les civilisations.

Le symbole consiste en un être, en une forme, en un objet qui révèle à l’homme la conscience et la connaissance de dimensions qui ne sont pas connues comme une évidence. Le symbole ne recouvre pas d’obscurantisme, il dévoile, il révèle une connaissance du monde toujours plus vaste, qu’une parole enfermerait et réduirait dès lors qu’elle se donnerait à entendre sous forme de discours. Parce que le symbole condense en lui un nombre illimité de significations, il est par excellence le support de toute pensée effectivement synthétique et l’instrument de ceux qui travaillent sur eux-mêmes à effacer la coupure qui sépare la réalité du réel ; comme tout est signifiant, il s’agit de retrouver leur rapport. «Si les formes n’appartiennent pas à la perception ou à la pensée à la manière de conditions de possibilité, elles n’appartiennent pas non plus à la chose où elles résideraient tranquillement en attente d’être découvertes. Elles appartiennent à la problématique de la réalisation conçue comme une conquête»[2]

Gilbert Durand définit le symbole dans son livre L’imagination symbolique comme étant un signe que renvoyant à un indicible et invisible signifié et par là étant obligé d’incarner concrètement cette adéquation qui lui échappe, et cela par le jeu des redondances mythiques, rituelles, iconographiques qui corrigent et complètent inépuisablement l’inadéquation.

Les symboles délivrent des messages. Ils sont des ponts entre la réalité vécue et celle de l’univers, des ponts de compréhension, des ponts de sensibilité. Ils permettent de prendre contact avec ce que l’intelligence, dans sa finitude, ne peut pas comprendre.

 «Le décryptage d’un symbole, pour être efficace, exige en effet que soit pratiquée une certaine chirurgie: extraire l’os archétypal. Car c’est lui qui donne le sens. Pour ce faire, un peu de doigté est nécessaire. La pertinence veut que l’on se demande quel est l’archétype actif dans cet objet de pensée ou d’expression. Tout ce qui se monte et participe de la métaphore doit être repéré, retenu comme élément significatif. Sa particularité est à relier à celle des indices voisins au sein d’une cohérence généralement facile à pressentir dans une chaîne de signifiants. Voir en quoi la logique interne de l’image passe d’un indice à l’aube, sans se perdre. La continuité de l’expression imagée est déjà libératrice du sens.» (Dominique Aubier).

La représentation de la déité pose la question : «Comment peut-on dire en images ce qui est sans image et prouver ce qui est dépourvu de mode, qui dépasse toutes les pensées et toute intelligence humaine?[3] Ainsi à la Renaissance apparaissent des emblemata, «proposées à la méditation et à la réflexion, non pas sous la forme du décryptage logique d’un rébus moderne, mais plutôt  comme la recherche d’une illumination intérieure». Par exemple, en 1548, Emblemata Andreae Alciati définit ainsi les emblèmes : «Mais icy, Emblèmes ne sont autre chose que quelques peintures ingénieusement inventées par hommes d’esprit, représentées, & semblables aux lettres Hiéroglyphiques des Égyptiens, qui contenoient les secrets de la sagesse de ces anciens là par le moyen de certaines devises & comme pourtraits sacrez : de laquelle doctrine ils ne permettoient que les mystères fussent communiquez sinon à ceux qui en estoient capables, & qui d’ailleurs estoient bien entendus : & non sans bonne raison en excluoient le vulgaire profane.»

Au Moyen Âge, il y a des hiérarchies, des interdits des valorisations, par exemple le végétal est toujours plus pur que l’animal, les pierres précieuses et plus encore les perles sont plus valorisées que l’or. C’est le matériau qui donne sa valeur à l’œuvre d’art, ensuite son rapport à lumière que l’on appelle l’éclat, la couleur, la forme et tout en dernier le travail de l’artisan.

En littérature, les bestiaires sont des ouvrages où sont catalogués des animaux, réels ou imaginaires, dont les propriétés, généralement merveilleuses, sont présentées comme symboles moraux ou religieux, ainsi dans le Physiologus, texte grec du IIe siècle, associant des citations de la Bible à des descriptions d’animaux, créant une typologie chrétienne à partir de la juxtaposition d’une image zoologique et d’un emblème christique. Là aussi il y a une hiérarchie que l’on retrouve dans la matière animale des parchemins. Jamais une reliure de livre religieux ne sera en peau de truie. Il sera en agneau, au mieux en cerf (cervus, le cerf et servus, le serviteur, un des surnoms du Christ).


En nous permettant de découvrir le troisième terme entre deux éléments opposés, le symbole nous apporte la Sagesse; en nous transmettant le numineux, l’énergie propre à l’archétype, il nous communique la Force; en conciliant ce qu’il y a en nous de conscient et d’inconscient, le symbole nous invite à l’Harmonie.

Le symbole est donc un médiateur ayant deux caractères : il est à la fois fragmentaire et complémentaire. Le symbole est  un fragment de vérité qui renvoie à la Vérité, un fragment d’être qui renvoie à l’Être.

Et si dans notre vie quotidienne nous vivons dans le fini, la pensée symbolique permet d’accéder à l’Infini. Les symboles sont des catégories de pensée, ils sont indicateurs de comportement.

Les symboles ne sont que les vêtements qui habillent les énergies qu’ils représentent. Leur polyvalence les rend toujours délicats à utiliser et l’usage de la seule raison est souvent insuffisant. «La particularité de l’essence symbolique est de traverser tous les sens cognitifs et réflexifs en y laissant une trace «ressentie», que l’objet signifiant soit présent, absent ou substitué. L’expression «ressenti» associée à l’essence exprime qu’il est possible de lire le réel dans une dimension qui ne se borne pas aux limites du sens discursif et de s’affranchir de l’inconstance du sens relatif».

Il est habituel dans le cadre de l’initiation d’apporter au nouvel initié un référentiel symbolique traditionnel. Si un sens lui est proposé, cela ne devrait pas être de manière définitive, mais plutôt comme une invitation à parcourir un nouveau chemin, dont la pertinence ne lui apparaîtra que plus tard par son travail personnel, avec une perspective infinie car toute catégorie d’existants est, de proche en proche, en relation de correspondance avec toutes les autres. «Les symboles peuvent s’étudier en vertu d’une explication morale telle qu’elle est souvent présentée dans les rituels et notamment dans les rituels anglo-saxons ou quasi-théologique comme le fait le  Rite Écossais Rectifié. Cependant les explications qui feraient correspondre à chaque symbole un principe moral ou métaphysique ne résument pas l’intérêt qu’ils  présentent et présentent l’inconvénient majeur de fermer la réflexion en en fixant définitivement le sens.»

Chaque décor, chaque mot, chaque geste à l’intérieur du temple recèlent encore d’innombrables richesses qui attendent d’être recueillies. Comme l’écrit Paul Ricœur : «Au contraire des philosophies du point de départ, une méditation sur les symboles part du plein du langage et du sens toujours déjà là; elle part du milieu du langage qui a déjà eu lieu et où tout a déjà été dit d’une certaine façon; elle veut être la pensée avec toutes ses présuppositions. Pour elle la première tâche n’est pas de commencer mais, du milieu de la parole, de se ressouvenir.»

Comme «les docteurs du Talmud, pour qui la période miraculeuse est close; le raisonnement remplace l’inspiration divine; le commentaire livré à la libre interprétation des rabbins supplée à la loi révélée», les herméneutes des symboles ouvrent tout questionnement sur l’ontologique. C’est à la raison humaine qu’il appartient de les comprendre et de les interpréter. Bel exemple de tolérance : le Talmud rapporte avec soin les opinions individuelles, même lorsqu’elles ont été repoussées par la majorité des docteurs, afin de laisser à chacun le droit de rechercher ce qui lui paraît de plus vrai dans les assertions contradictoires des docteurs.

Peu de mots ont reçu autant d’extension que le mot symbole, en la comprendre avec le texte fondamental de Goblet d’Alviella, La migration des symboles.

Prenez plaisir à lire les articles de René Guénon rassemblés sous le titre Symboles de la science sacrée.

Dire en Franc-maçonnerie qu’ici tout est symbole c’est comprendre l’holarchie de l’ensemble des degrés d’un Rite, voire de tous les rites, la «surclée» [néologisme personnel],  même si «les éléments individuels proclament leur identité en se maintenant clairement séparés les uns des autres». C’est ce que Panovsky appelle le «principe d’inférabilité mutuelle» à propos du gothique (paragraphe 12).

Si les symboles, en eux-mêmes, sont polysémiques (un même symbole pouvant révéler plusieurs sens), plusieurs symboles peuvent conduire à la même signification.

Je ne saurais trop vous recommander de lire L’Univers du symbole par Gilbert Durand.

Conférence de Solange Sudarskis, Symboles et rituels, en quoi sont-ils spirituels ?

Visionnez la confrontation d’experts sur le thème quelle est nature du symbole ci-dessous.

Dans votre approche des symboles, n’oubliez pas que cela implique qu’elle définisse en premier lieu leur statut, c’est-à-dire les conditions (sociales, historiques, psychologiques, idéologiques, etc.) de leur production, leurs caractères sémiotiques majeurs, leurs propriétés formelles et/ou logico-sémantiques, leurs modes de lecture ou d’interprétation possibles et, enfin, leur rôle multiforme dans la vie des individus et des groupes.

La pensée peut dépasser la réflexion, la logique, la raison pour atteindre la contemplation, l’extase, en passant par la méditation et les symboles.


[1] Oswald Wirth, Le symbolisme hermétique dans ses rapports avec l’Alchimie et la Franc-maçonnerie, p.8, Dervy.

[2] Jean-Louis Brun, Efficience narrative et la transmission des formes de vie : une approche anthroposémiotique de l’autopoièse dans les pratiques ritualisées, p.285 :

[3] Les noces mystiques du bienheureux Henri Suso, L’anneau nuptial de l’éternelle Déité.

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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