Thomas Denicourt, dit Boulonnais, l’Épicurien du Savoir, Grand Maître Général de l’OITAR. (Ordre Initiatique et Traditionnel de l’Art Royal). Un homme jeune, presqu’un jeune homme à la vie bien remplie, né à l’OITAR alors qu’il était doctorant en physique, 23 ans après toujours aussi passionné.
Pourquoi entrer en franc-Maçonnerie alors que vos études vous prenaient beaucoup de temps ?
Osons le dire, un alignement de planètes à un moment de ma vie ? Ma boulimie de découverte, de savoir, de comprendre… Un concours de circonstances aussi va se mêler de mon approche.
À l’époque, je suis thésard et je tombe un soir, par hasard, sur une émission de télé qui évoque la sortie d’un livre grand public, plutôt antimaçonnique. Je ne connaissais rigoureusement rien de la maçonnerie à cette époque. Sur le plateau, les auteurs du livre et quelques maçons. Le calme des maçons devant ce qui me paraissait être l’agressivité des auteurs m’avait interpellé. Quelques jours plus tard, un magazine dans la salle d’attente d’un médecin, encore un peu plus tard, un jeu de rôle organisé par un ami, jeu de rôle dont le thème portait sur la Franc-maçonnerie.
Tout cela se produit en quelques semaines et trop de clins d’œil successifs auront éveillé ma curiosité, mon besoin d’apprendre et de comprendre. Un ami se révèle finalement et quelques mois après j’étais initié à l’OITAR nous étions en 2001 et j’avais 26 ans.
Depuis votre vie a bien changé et vous êtes toujours là. On pourrait dire de vous que vous êtes un homme « overbooké » et pourtant !
Il est vrai que par moment je me sens nomade – j’aime à dire vagabond – et que mon emploi du temps est souvent bousculé. Je travaille à Lille dans une société de service informatique avec 40 personnes dans mon équipe à manager, mais je vis dans un village à côté de Rennes. Mon épouse est universitaire et nous avons deux filles de 16 et 13 ans. Une ado, avec tout ce que cela sous-entend…, et l’autre qui va y arriver !
De l’apprenti à ce jour des années se sont écoulées et un long chemin vous a conduit à cette fonction, une des plus haute en Franc-maçonnerie.
Pour illustrer ce chemin et son fil, je pourrais raconter que l’apprenti que j’ai été, fut fasciné par Le Point de Centre (le cercle pointé et tangenté de la maçonnerie anglaise) ! Un symbole fort chez nous déposé au centre du tapis de loge dès l’ouverture des travaux. Ce premier symbole m’a marqué et suivi tout au long de mon parcours, au point qu’aujourd’hui il est représenté sur mon tablier de Grand Maitre Général. Au fond, je transporte encore avec moi aujourd’hui mon premier coup de cœur d’apprenti !
Honnêtement, je ne savais pas vraiment ce que je cherchais en entrant en franc-maçonnerie. Mais j’y ai fait des rencontres magnifiques, et aujourd’hui, j’y trouve une soupape, un espace de respiration salutaire au milieu d’une vie sociétale, familiale et professionnelle très remplie. La Franc-maçonnerie est une façon de regarder le monde autrement, son histoire, son actualité, et de comprendre qu’il ne devrait pas y avoir tant de distance entre les peuples et les hommes.
La Franc-maçonnerie est pour moi un monde de calme, sans pression, sans enjeu autre que d’apprendre et s’enrichir spirituellement et intellectuellement. Le fait de ne pas avoir d’enjeu, pas d’objectif à atteindre, pas de date limite pour tel ou tel travail, ne pas être jugé, ne pas avoir de note, tout cela est précieux, et chaque maçon devrait prendre conscience de cette chance. Un espace privilégié, un temps qui laisse le temps au temps, un rythme qui reste le nôtre… on ne trouve cela nulle part ailleurs qu’en Franc-Maçonnerie.
Comment en arrive-t-on à la fonction de Grand Maître ? Campagne électorale (humour), élection, choix… ?
Faisons déjà la différence entre un Ordre et une Obédience.
Dans ma conception des choses, une obédience a un mode de fonctionnement relativement pyramidal, le pouvoir de décision est en haut de la pyramide, les décisions doivent être approuvées hiérarchiquement.
Dans toute son organisation, notre Ordre a deux espaces de décision et deux seulement : la chambre du milieu de chaque loge et le Suprême Conseil Universel.
- La chambre du milieu car chaque loge est autonome et libre de ses choix : initiations, radiations, finance, programme de travail… dans la mesure où elle respecte scrupuleusement les exigences de notre rite.
- Le Suprême Conseil Universel, qui est le seul espace autorisé à apporter une modification à notre rite (rituels et textes régulateurs) et que les loges ont donc obligation d’appliquer.
Cela m’amène une seconde précision : nous sommes un ordre aussi car nous ne pratiquons qu’un seul rite, le Rite Opératif de Salomon (à l’instar d’un ordre monastique qui ne suit qu’une Règle).
Chez nous, il n’y a pas le poids de la structure : celle-ci n’est là que pour animer les loges, proposer, dynamiser fédérer, mais n’impose rien.
Revenons à la fonction de Grand Maitre Général. Il n’y a pas de campagne électorale , mais une proposition dont l’acceptation se manifeste in fine par un vote unanime du Suprême Conseil dont il est un des membres désigné pour animer le bleu. D’ailleurs ce choix unanime est un principe valable pour toutes les décisions prise à tous les niveaux dans l’OITAR.
Je me faisais une montagne de cette fonction. Je pensais que cela allait être compliqué à la fois à gérer et à vivre. En fait, pas tant que cela. Je suis bien entouré, j’ai inclus cette fonction et ses charges dans ma vie quotidienne et privée.
Je suis très amusé de constater que cette fonction semble en train de rajeunir. Regardez les nouveaux Grands Maîtres : du GO, 48 ans ; de la GLMF, 49 ; De OITAR, 49. Preuve en est que les initiés restent fidèles et que les plus jeunes acceptent des fonctions à responsabilité. La FM ne s’endort pas.
Cela reste une lourde fonction.
Évidemment. Des déplacements à organiser, des décisions à prendre avec le soutien de mes Grands Maitres Territoriaux. C’est un espace de créativité extraordinaire et le plaisir de rencontres étonnantes. Certes la fonction est importante elle est responsable des loges bleues et du respect du Rite Opératif de Salomon (ROS) dans ces loges, selon les préceptes du Suprême Conseil qui en est le garant.
Il faut aussi savoir dire non aux nombreuses sollicitations qui ne manquent pas d’accompagner la fonction ! Pas toujours facile mais cela permet de respirer sans culpabilité et d’assumer cette fonction sereinement.
Un conseil à ceux qui manquent d’assiduité et disent ne pas avoir le temps.
Osons dire que le temps on le trouve pour les choses dont on a envie. Alors là c’est la même chose. Il faut inclure l’agenda FM dans son quotidien. On le fait bien pour le sport, la méditation, la religion, les associations…
Apprendre à dire non et oser faire des choix qui vont nous enrichir et nous apporter une respiration dans la société d’aujourd’hui.
N’oublions pas que la Franc-maçonnerie est un espace privilégié où tout est possible de dire, aucun compte ne sera demandé, un espace de respiration, aucun jugement de valeur, juste le respect de l’autre et un chemin personnel parcouru à son propre rythme sachant que les Sœurs et les Frères seront toujours là pour tendre la main dans cette chaîne universelle.
Tout de même fabuleux dans le monde dans lequel on vit, non ?