La transe, cet état modifié de conscience fascinant, traverse les siècles et les cultures, offrant un terrain d’exploration aussi mystique que scientifique. Associée à des pratiques spirituelles, artistiques ou thérapeutiques, elle suscite autant de fascination que de questionnements. Mais que savons-nous réellement de cet état ?
Origines et définitions
Le mot “transe”, issu du latin transire signifiant “passer” ou “s’écouler”, prend dès le Moyen Âge une connotation particulière : celle du passage entre la vie et la mort. Dans les traditions spirituelles hindoues, le terme samadhi véhicule une idée similaire, évoquant un état de conscience transcendante.
Georges Lapassade, anthropologue et spécialiste des états de conscience, décrit la transe comme un « état second » mêlant dimensions psychologiques et sociales. Pierre A. Riffard, philosophe, y voit un phénomène de dédoublement ou de multiplication de la personnalité, souvent accompagné de sensations d’autonomie psychique, comme l’impression d’être habité par une force extérieure.
Diverses formes de transe
La transe se décline en plusieurs formes selon les contextes :
- Transe chamanique : pratiquée depuis des millénaires, elle permet au chamane d’accéder à des réalités spirituelles pour guérir ou guider son groupe.
- Transe hypnotique : utilisée en thérapie, elle aide à atteindre des états profonds de relaxation et à modifier des schémas de pensée.
- Transe médiumnique : souvent associée au spiritisme, elle implique des communications supposées avec des esprits.
Plus récemment, des états similaires ont été observés dans des contextes modernes, notamment lors de soirées techno, où la musique répétitive et l’énergie collective déclenchent une sorte de transe inconsciente chez les participants.
Des techniques universelles, mais risquées
Les moyens pour entrer en transe varient selon les traditions et les objectifs. La danse rotative des derviches tourneurs, la respiration accélérée pratiquée dans le rebirth, ou encore l’usage de plantes enthéogènes dans les rituels chamaniques ne sont que quelques exemples. Ces pratiques peuvent cependant être dangereuses, surtout lorsqu’elles sont menées sans encadrement par des personnes expérimentées. Les effets physiologiques, comme l’hyperventilation ou l’usage de substances psychoactives, nécessitent une grande prudence.
Un phénomène social et scientifique
Bien que souvent perçue comme un phénomène mystique, la transe intéresse également les chercheurs. Des études neurologiques montrent que la transe modifie l’activité cérébrale, en particulier dans les régions associées à la conscience de soi et au contrôle moteur. La transe chamanique, par exemple, s’accompagne souvent d’une diminution de l’activité dans le cortex préfrontal, ce qui peut expliquer les sensations de lâcher-prise ou de connexion spirituelle.
Dans le DSM-5, manuel de référence en psychiatrie, on parle de « transe dissociative » pour décrire certains troubles pathologiques où l’individu perd temporairement la maîtrise de ses actions ou de sa personnalité. Ce diagnostic reste toutefois rare et concerne généralement des cas extrêmes.
Un lien entre tradition et modernité
Si la transe est profondément ancrée dans les traditions spirituelles, elle s’inscrit également dans des pratiques modernes. Que ce soit dans une rave party ou lors d’une séance de yoga intense, elle illustre l’universalité des mécanismes humains de modification de conscience.
Entre mysticisme, thérapie et spectacle, la transe continue de captiver l’humanité. Elle nous rappelle que, quelles que soient nos cultures ou nos croyances, l’exploration des états de conscience demeure une quête essentielle pour mieux comprendre notre esprit et nos émotions.
Les multiples visages de la transe
La transe, loin d’être un phénomène monolithique, se manifeste sous des formes variées, chacune avec ses particularités et son contexte d’apparition. Voici un panorama des principales catégories de transe, classées par ordre alphabétique :
- Transe cataleptique : caractérisée par une rigidité musculaire et une perte temporaire de contrôle moteur, souvent observée dans des états hypnotiques profonds.
- Transe chamanique : associée aux rituels de guérison et de connexion spirituelle dans les cultures traditionnelles.
- Transe cognitive auto-induite : produite volontairement par des techniques mentales comme la méditation ou la concentration intense.
- Transe convulsive : marquée par des spasmes ou des mouvements incontrôlés, souvent liés à des contextes religieux ou rituels.
- Transe de personnalités multiples : présente dans le trouble dissociatif de l’identité, où plusieurs personnalités cohabitent au sein d’un même individu.
- Transe de possession : impliquant l’incorporation supposée d’un esprit ou d’une entité extérieure.
- Transe de vision : état mystique lié à des visions spirituelles ou prophétiques.
- Transe d’inspiration créative ou divine : vécue par les artistes ou écrivains en état de “flux” ou lors de théopneustie (inspiration divine).
- Transe divinatoire : comme celle de la Pythie de Delphes ou de l’oracle de Nechung au Tibet, utilisé pour prédire l’avenir.
- Transe ecsomatique : expérience de sortie hors du corps (O.B.E.), souvent rapportée lors de méditations profondes ou de Near Death Experiences (N.D.E.).
- Transe érotique : associée aux états de plaisir intense ou d’orgasme.
- Transe extatique : état mystique transcendental, recherché dans certaines pratiques religieuses.
- Transe haineuse : liée à des sentiments extrêmes, observée chez les berserkers vikings ou les kamikazes.
- Transe hypnotique : induite lors de séances d’hypnose, souvent utilisée en thérapie.
- Transe méditative : atteinte par des pratiques de méditation approfondies, favorisant la sérénité et la clarté mentale.
- Transe médiumnique : vécue par les médiums en communication avec des entités spirituelles.
- Transe néoténique : associée au traumatisme de la naissance, selon des théories psychologiques comme celles d’Otto Rank ou de Stanislav Grof.
- Transe onirique : expérimentée durant les rêves, parfois consciente comme dans le rêve lucide.
- Transe orgasmique : état de fusion entre plaisir physique et abandon mental.
- Transe psychédélique : induite par des substances hallucinogènes, telles que les plantes enthéogènes utilisées dans les rituels chamaniques.
- Transe somnambulique : survenant pendant le sommeil, associée à des comportements moteurs inconscients.
- Transe terminale : vécue au seuil de la mort, souvent décrite dans les récits d’expériences de mort imminente (N.D.E.).
Un phénomène universel et intemporel
La diversité des formes de transe démontre son universalité et son adaptation à des contextes multiples : spirituels, artistiques, psychologiques ou même biologiques. Parfois objet de fascination, parfois incompris ou pathologisé, l’état de transe reste un mystère captivant.
Les recherches contemporaines, en neurologie comme en anthropologie, continuent d’explorer les mécanismes de ce phénomène. Ce qui est sûr, c’est que la transe, dans toutes ses variantes, ouvre une fenêtre sur des dimensions de l’esprit humain que nous ne maîtrisons pas encore pleinement, mais qui témoignent de la richesse et de la complexité de notre expérience intérieure.
La transe et la Franc-maçonnerie : un lien initiatique
Bien que la Franc-maçonnerie ne soit pas explicitement associée à des états de transe, certains aspects de ses rituels et de ses pratiques pourraient évoquer des états modifiés de conscience. Les cérémonies maçonniques, souvent empreintes de symbolisme et de solennité, visent à plonger les initiés dans une expérience introspective profonde, propice à une forme de « réceptivité spirituelle » qui n’est pas sans rappeler certains mécanismes de la transe.
Lors des rituels d’initiation, par exemple, l’atmosphère est soigneusement orchestrée pour favoriser un état de concentration intense. L’utilisation de symboles, de mots de passe, de serments et de gestes codifiés, ainsi que le caractère sacré des lieux, plonge l’initié dans une expérience immersive. Ces éléments, combinés à une musique parfois rythmique et aux discours rituels, peuvent favoriser une altération temporaire de la perception du temps et de l’espace.
Certains chercheurs ont établi des parallèles entre ces expériences initiatiques et les états de conscience modifiée décrits dans d’autres traditions ésotériques. La Franc-maçonnerie, comme d’autres systèmes initiatiques, vise une transformation intérieure, une “illumination” symbolique qui pourrait être rapprochée de formes douces de transe méditative ou cognitive auto-induite.
De plus, des liens indirects avec des pratiques mystiques, comme celles des écoles hermétiques ou alchimiques, suggèrent que les états de transe pouvaient jouer un rôle dans les anciennes formes de quête spirituelle poursuivies par les précurseurs de la Franc-maçonnerie.
Enfin, si la transe n’est pas explicitement nommée dans les enseignements maçonniques, l’idée de « s’élever au-dessus de soi-même » pour atteindre une compréhension supérieure du monde s’inscrit pleinement dans l’objectif des degrés maçonniques. Cette quête intérieure peut être perçue comme une version intellectualisée et ritualisée des états modifiés de conscience retrouvés dans d’autres traditions.
La véritable initiation maçonnique doit conduire à la transe médiumnique divine constante et plus cohabitant en permanence avec notre esprit temporel. Grâce au rituel maçonnique, à appréhender par une lecture ésotérique et non exotérique, chacun(e) a la possibilité de faire venir en soi le Maître intérieur. Une condition est néanmoins requise pour accéder à la vraie lumière : avoir le coeur pur , ne pas avoir fait et faire le mal pour le plaisir du mal. Je sais ce que je viens de vous révéler, je l’ai découvert en Loge, je le vis. ” G dit ” est en vous.
Etant hypnothérapeute et initié, je pourrai ajouter que l’autohypnose en loge est tout à fait possible, entre éveil “extérieur” et réveil “interieur”. J’utilise la posture hiératique classique et l’immobilisme en laissant les sens s’ouvrir est tout à fait intéressant. Il m’arrive ainsi de ressentir les “ambiances” présentes, certains parleraient des égrégores.
Je complèterai un peu ce que tu dis ici : “Transe hypnotique : utilisée en thérapie, elle aide à atteindre des états profonds de relaxation et à modifier des schémas de pensée.”
La transe hypnotique n’est pas relaxation en soi, même s’il peut y avoir relaxation. La transe effectivement peut avoir plusieurs niveaux, mais voyons plutôt cela sur un engagement plus ou moins profond dans un intérieur qui est soi où l’inconscient et ses forces sont plus ou moins présents. Ce qui d’ailleurs peut expliquer l’amnésie de certains moments où le conscient lui s’est retiré.