mar 10 décembre 2024 - 09:12

Malgré l’interdiction papale, la popularité des Francs-maçons est restée longtemps ininterrompue.

De notre confrère hongrois mult-kor.hu

« Tout dans la Révolution française, y compris les crimes les plus terribles, a été prémédité, planifié, combiné, décidé et scellé. Tout a été causé par la méchanceté la plus basse, perpétrée par des gens qui tissaient depuis longtemps les fils du complot au sein des sociétés secrètes », écrivait en 1797 l’ancien moine jésuite l’abbé Augustin Barruel.

L’un des premiers « maîtres » des théories historiques du complot, il a contribué de manière significative au fait que le mouvement franc-maçonnerie est resté dans la conscience publique pendant de nombreuses décennies comme une organisation destructrice et diabolique responsable du déclenchement de la Révolution française.

Francs-maçons
Rassemblement des francs-maçons

Jésus-Christ le franc-maçon

Au fil du temps, d’innombrables théories sont nées sur l’origine de l’entreprise, dont la grande majorité sont le fruit de l’imagination. Selon certains, l’histoire des francs-maçons remonte à Noé, mais il y a aussi ceux qui associent l’organisation à des personnages historiques tels que Moïse, Solón, Zarathoustra ou l’archange Michel. De plus, selon une théorie, Jésus-Christ était également franc-maçon, mais il n’a même pas obtenu le plus bas diplôme d’apprenti.

Dans son ouvrage Les Constitutions des francs-maçons, publié en 1723, le révérend protestant James Anderson désigne Ádám comme le père du mouvement. Et les frères Bédarride vont encore plus loin : ils relient directement le fondement de la franc-maçonnerie à Dieu.

Les racines de la franc-maçonnerie remontent à la maçonnerie médiévale
Les racines de la franc-maçonnerie remontent à la maçonnerie médiévale

Aujourd’hui, les historiens contestent déjà l’exactitude de la vision traditionnelle, vieille de plusieurs siècles, selon laquelle l’organisation était directement liée au métier des maçons médiévaux qui ont construit les immenses cathédrales, c’est-à-dire les soi-disant avec maçonnerie opératoire. Il est cependant un fait que les symboles, les rites et les expressions du mouvement peuvent en dériver.

Les maçons médiévaux d’Angleterre et d’Écosse installaient leur logement temporaire sur le chantier de construction, appelé loge. Les maçons travaillant sur des constructions de grande envergure appartenaient à la classe supérieure des artisans et bénéficiaient de divers privilèges.

Les maîtres possédaient un vaste savoir-faire auquel les profanes ne pouvaient accéder, ils poursuivaient donc leurs activités dans une atmosphère de mystère. La pierre naturelle utilisée lors de la construction était appelée « pierre de taille », c’est-à-dire « pierre libre », et les personnes qui travaillaient avec ce matériau de construction étaient appelées francs-maçons. Le titre n’était décerné qu’aux meilleurs maîtres.

Assemblée des francs-maçons pour l'admission de nouveaux membresAssemblée des francs-maçons pour l’admission de nouveaux membres

Les maçons recevaient partout un noble patronage et étaient considérés comme des membres hautement respectés de la société. Les seigneurs aristocratiques rivalisaient pour obtenir leurs faveurs et, à l’aube des temps nouveaux, ils pouvaient eux-mêmes devenir membres des loges, où ils pouvaient découvrir les ficelles secrètes du métier. Après que les loges soient devenues de plus en plus de membres non-maçons et que leurs activités aient été déterminées par les idées et la philosophie plutôt que par l’architecture, au XVIIIe siècle, au lieu de l’opératif, ce qu’on appelle la franc-maçonnerie spéculative est devenue dominante.

Réprimandes papales inefficaces

Après la création de la première Grande Loge moderne en 1717 à partir de la fusion de plusieurs loges en Angleterre, la franc-maçonnerie a commencé à se répandre rapidement en Europe. Les premières loges dont il est prouvé qu’elles existaient en France étaient des émigrants anglais, écossais et irlandais, principalement II. Il a été créé vers 1725 par des disciples exilés du roi Jacques.

La franc-maçonnerie a acquis une grande popularité dans le pays en quelques années en raison du pouvoir de la nouveauté, de l’anglomanie conquérante parmi les Français, du pouvoir de séduction de l’égalitarisme propagé par l’organisation et du mystère de l’organisation. En 1740, le nombre de loges atteignait vingt-cinq (selon certains historiens, même quarante).

L’Église a accueilli avec réserves l’apparition de « sociétés agissant avec l’exigence de renverser l’ordre social existant ». XII. En 1738, Clément interdit aux croyants d’adhérer à la franc-maçonnerie dans une bulle papale, XIV. Benoît condamna le mouvement en 1751.

Cependant, les tribunaux français n’ont pas enregistré les documents, donc l’activité des francs-maçons n’était pas interdite dans le pays. Bien que les décrets pontificaux n’aient pas d’effets directs en France, la machine de propagande contre les francs-maçons est lancée. Les ennemis de l’organisation ont tenté de ridiculiser la compagnie de diverses manières, notamment lors de représentations théâtrales et dans les colonnes des journaux.

Malgré cela, la franc-maçonnerie n’a pas perdu sa popularité. Malgré les interdictions papales, le clergé – dont les membres appartenaient souvent aux éléments les plus éclairés de la société – était représenté en grand nombre dans les loges maçonniques. Et les prêtres qui ne rejoignaient pas l’organisation pouvaient même bénéficier de l’adhésion à la loge de leurs confrères prêtres, car s’ils ne pouvaient pas prendre soin de la population pauvre de leur village, dans de nombreux cas, ils se tournaient vers leurs confrères maçons pour obtenir de l’aide.

La grande majorité des membres des loges étaient des citoyens, mais les nobles et les aristocrates étaient également représentés en grand nombre dans l’organisation. On disait qu’au début, le roi lui-même, XV. Lajos souhaitait également rejoindre le mouvement.

Tablier maçonnique du 19ème siècle provenant d'Italie. Tabliers décorés de divers symboles répandus parmi les francs-maçons au XVIIIe siècle.
Tablier maçonnique du 19ème siècle provenant d’Italie. Tabliers décorés de divers symboles répandus parmi les francs-maçons au XVIIIe siècle.

Dès 1738, un noble est élu Grand Maître et en 1771, l’un des aristocrates les plus prestigieux de France, le duc d’Orléans, qui prend le nom de Philippe Égalité pendant la révolution, devient le chef des francs-maçons du pays. Par ailleurs, d’éminents scientifiques et intellectuels rejoignirent la franc-maçonnerie, comme le mathématicien Nicolas de Condorcet, l’astronome Jean-Sylvain Bailly, l’auteur des Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos et Voltaire, qui fut accepté par ses membres en 1778, moins de deux quelques mois avant sa mort, parmi eux se trouve la célèbre loge appelée Nine Sisters.

Les francs-maçons à la révolution

Les loges maçonniques de France se sont réunies en 1773 sous le nom de Grand Orient de France. Beaucoup de membres plus âgés ne l’acceptent pas et créent leur propre association sous le nom de Grande Loge de Clermont. Le nombre de membres a continué de croître malgré la rivalité, et à la veille de la révolution, des dizaines de milliers (selon certaines opinions, même soixante-dix mille) pouvaient s’appeler francs-maçons.

Bon nombre des représentants les plus importants de la Révolution française étaient membres de l’une de ces loges. Ce fut le cas, entre autres, de l’homonyme de la cravate, Joseph Guillotine, de l’auteur de l’hymne national français, Rouget de Lisle, et de l’homme politique général monarchiste constitutionnel, le marquis La Fayette.

Eugène Delacroix : La liberté mène le peuple (1830). Les francs-maçons furent ensuite considérés par beaucoup comme les dirigeants de la Révolution française.
Eugène Delacroix : La liberté mène le peuple (1830). Les francs-maçons furent ensuite considérés par beaucoup comme les dirigeants de la Révolution française.

Les francs-maçons étaient représentés dans presque toutes les formations politiques, de la Gironde aux Jacobins, mais on les retrouvait aussi parmi les ennemis de la révolution – par exemple les généraux de la guerre de Vendée. Au début de la révolution, de nombreux francs-maçons issus des couches nobles ont émigré. Mais les deux représentants les plus connus de la révolution, Danton et Robespierre, n’étaient pas non plus francs-maçons.

En 1793, des révolutionnaires modérés, les Girondins, menés par la loge maçonnique de Lyon, lancent un soulèvement contre le gouvernement jacobin à Paris. La rébellion fut écrasée et de nombreux francs-maçons furent exécutés. L’organisation, construite sur la base d’une hiérarchie stricte, était déjà considérée comme antidémocratique, et après le soulèvement, une campagne fut lancée contre elle – même si les francs-maçons étaient également actifs parmi les jacobins – et finalement la plupart des loges furent interdites.

Loges maçonniques dans et autour de Londres sur une gravure française du XVIIIe siècle
Loges maçonniques dans et autour de Londres sur une gravure française du XVIIIe siècle

L’abbé Barruel, émigré en Angleterre, publie en 1797 son ouvrage décrivant la conspiration qu’il envisage et qui définit l’image des francs-maçons pendant un siècle et demi. Cet ouvrage, ainsi que d’autres écrits critiques de la franc-maçonnerie publiés au cours de cette période, ont conduit la grande majorité du clergé et des aristocrates à quitter les loges.

Dans de plus en plus de pays, l’opinion publique s’est retournée contre le mouvement et, à partir de ce moment-là, seuls les républicains sont entrés dans l’ordre compromis des classes supérieures.

Le fantôme de l’abbé Barruel continuait de me hanter

À la fin du siècle, moins d’une centaine des quelque mille loges maçonniques en activité à la veille de la Révolution française restaient en France. Cependant, à partir du premier consulat de Napoléon, une nouvelle période s’ouvre dans l’histoire du mouvement.

La plupart des parents masculins du seigneur de guerre étaient membres de la loge (selon une légende qui n’a jamais été étayée par des sources historiques, il était lui-même membre du mouvement), et il considérait les francs-maçons comme une organisation qui contrebalançait le pouvoir de l’Église catholique.

Il s’est rendu compte que restaurer l’autorité du mouvement populaire pouvait être important pour gagner la société et a donc même apporté un certain soutien aux francs-maçons. En 1810, il y avait déjà 667 loges en activité dans le pays.

Dans les décennies suivantes, non seulement les catholiques, mais aussi les francs-maçons qui essayaient de mettre en valeur leur vision républicaine du monde à l’époque des républiques françaises, purent s’identifier aux opinions exprimées par l’abbé.

Réunion maçonnique sur une gravure française du XVIIIe siècle
Réunion maçonnique sur une gravure française du XVIIIe siècle

Bien qu’après la Seconde Guerre mondiale, les historiens aient dissipé le mythe d’une conspiration maçonnique massive qui aurait déclenché la Révolution française, le débat reste dans leurs cercles sur le rôle réel de la franc-maçonnerie dans la diffusion des idées des Lumières et dans le déclenchement de la Révolution. .

Aujourd’hui encore, de nombreux adeptes d’idées extrêmes partagent les vues de l’abbé Barruel.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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