ven 08 novembre 2024 - 13:11

10 reliques incroyables du christianisme : de la larme de Jésus à l’âne voyageur (Par Laurent Ridel)

De notre confrère decoder-eglises-chateaux.fr

Dans le catalogue très fourni des reliques chrétiennes, on peut trouver des morceaux parfois inattendus et des éléments insolites liés au Christ et à la Vierge. Les reliques chrétiennes, c’est un peu comme un cabinet de curiosités : préparez-vous à y trouver des parties du corps pour le moins inattendues !

Certaines reliques, d’ailleurs, ne sont ni des restes corporels, ni même des objets : tout ce qui avait un lien, même lointain, avec Jésus ou la Vierge devenait précieux. Pour les églises, ces trésors étaient inestimables, attirant des foules de pèlerins venus en quête de guérison ou d’un vœu exaucé.

Entre légende et dévotion, ce patrimoine sacré touche parfois des sommets d’étrangeté

Le Saint Prépuce

De ce petit morceau de chair retranché lors de la circoncision du Christ, 18 églises en revendiquaient la possession dans l’Europe du Moyen Âge : l’abbaye de Charroux, la cathédrale du Puy-en-Velay, les basiliques de Conques et de Saint-Jean de Latran à Rome, la collégiale d’Anvers, Saint-Jacques de Compostelle…

La circoncision de l’Enfant Jésus
La circoncision de l’Enfant Jésus, peinture, XVe siècle, Musée des Beaux-Arts de Lyon

Dans la même veine, notez d’autres lieux qui estimaient détenir une dent du lait, ou le « saint nombril » de Jésus, autrement dit son cordon ombilical. Ces exemples témoignent de l’appétit des fidèles et des clercs pour les restes corporels du Christ alors même que, par son ascension au Ciel, la Terre en est normalement dépourvue. Grand collectionneur, le duc de Jean de Berry, frère du roi de France Charles V, conservait plusieurs reliques dignes d’un magasin de farce et attrapes : l’alliance de mariage de la Vierge, une coupe ayant servi aux noces de Cana, une épine de la couronne et un fragment du Buisson ardent.

Les reliques de l’âne de Vérone

Après que le Christ fut entré à Jérusalem, la légende explique qu’il rendit la liberté à sa modeste monture. L’âne partit vers l’ouest, mais se heurta à la Méditerranée. Miraculeusement les vagues s’aplanirent et la mer durcit. L’animal en profita pour marcher jusqu’en Italie où il termina sa vie. Une chapelle de Vérone conserve les restes de cet infatigable voyageur. 

Le christ des Rameaux
Des églises possédaient des statues de bois représentant Jésus monté sur une ânesse et qu’on déplaçait en procession notamment lors de la fête des Rameaux. Exemple ici du XVe siècle, exposé au musée du Moyen Âge à Paris, en provenance d’Allemagne du Sud.

Les larmes du Christ

Si on a bien réussi à retrouver le prépuce du Christ, ne soyons pas surpris qu’on ait mis la main sur une de ses larmes.

Depuis le XIe ou le XIIe siècle, l’abbaye de la Trinité-de-Vendôme conservait une larme que Jésus aurait versée sur la tombe de son ami Lazare. Les pèlerins s’en approchaient dans l’espoir de guérir leurs problèmes d’yeux, dont la cécité. Concrètement, la relique constitue un cas d’ »aberration minérale » selon l’historienne de l’art Isabelle Isnard : un cristal de roche emprisonnait une goutte d’eau. Nous perdons la trace de cette sainte Larme au XIXe siècle. 

Le suaire de Turin

Cette relique textile a fait couler beaucoup d’encre, car il correspondrait au linceul du Christ. Plus extraordinaire, l’image du crucifié se devine sur le tissu !

En 1988, une analyse au carbone 14 a conclu à une origine médiévale du suaire. Il n’aurait donc aucun lien avec le Christ. Toutefois, des scientifiques et des amateurs remettent en cause les conditions de l’analyse et donc la fiabilité des résultats. Comme l’Église refuse une nouvelle étude, la vérité sera difficile à établir. Chez les historiens, le débat existe aussi. Pour ma part, j’ai de fortes réserves sur l’authenticité (voir ma vidéo). Prudemment, le Vatican ne reconnaît pas le suaire comme une relique, mais comme une image.

linceul de Turin
Partie du linceul de Turin photographié par Giuseppe Enrie en 1931. On devine l’image du corps du Christ (Wikimedia Commons).

Le lait de la Vierge

En Europe, 69 sanctuaires revendiquaient la possession de ce lait dont Rocamadour ou la cathédrale de Laon. « Au XIIe siècle, les clercs [laonnais] n’étaient pas dupes de la nature de ce lait », explique l’universitaire Paule-Vincenette Bétérous. « Celui-ci était tenu pour de la poudre provenant de la grotte de Bethléem, donc une sorte de craie diluée, qui passait pour favoriser une lactation abondante ». Par contre, les fidèles saisissaient-ils cette subtilité ?

Vierge allaitante
Vierge allaitante, marbre, vers 1330-1350, Musée des Beaux-Arts de Lille.

La maison de la Vierge

Une relique ne se limite pas à des restes corporels. À Lorette, sur la rive italienne de mer Adriatique, on conserve depuis 1291 les murs de la maison de la Vierge, celle qu’elle habitait à Nazareth et dans laquelle elle reçut la visite de l’ange de l’Annonciation. Selon l’historien Yves-Marie Bercé, cette possession originale généra le plus grand et le plus fameux pèlerinage du monde occidental aux XVIe et XVIIe siècles.

Comme l’âne de Vérone, la construction a aussi traversé la Méditerranée, cette fois grâce à l’aide d’anges qui la transportèrent. Vous savez qui appeler pour votre prochain déménagement.

Les reliques des rois mages

Le Christ et la Vierge ne monopolisent pas les reliques les plus incroyables. La cathédrale de Cologne a l’insigne honneur de posséder les corps de Melchior, Balthazar et Gaspard. Ils trônent dans une superbe châsse longue de plus de 2 m. Quand l’empereur Frédéric Ier Barberousse s’empara de Milan, il récupéra les reliques et les offrit à l’archevêque de Cologne, ravi d’augmenter la réputation de son siège par un tel don. À la différence du saint Prépuce ou du lait de la Vierge, ces reliques sont uniques dans la chrétienté.

Le reliquaire des rois mages dans la cathédrale de Cologne
Le reliquaire des rois mages dans la cathédrale de Cologne, œuvre d’orfèvrerie fabriquée entre 1190 et 1225 par Nicolas de Verdun. Cette châsse est considérée comme le plus grand et le plus ambitieux reliquaire conservé du Moyen Âge (Elya/Wikimedia Commons)

La barbe de saint Pierre

Dans la cathédrale de Poitiers, les évêques et chanoines prêtaient serment, lors de leur intronisation, sur les « barbes de saint Pierre ». Apparemment l’apôtre en avait plusieurs. La changeait-il ? Une telle relique ne manqua pas de déclencher les sarcasmes du protestant Calvin. En fait, le reliquaire conservait selon un prêtre érudit du XIXe siècle « une portion de la mandibule inférieure » de l’apôtre, « à laquelle la barbe était encore adhérente » ! L’information ne manque pas de piquant.

La cathédrale Saint-Pierre de Poitiers
La cathédrale Saint-Pierre de Poitiers se devait d’avoir des reliques de son saint patron.

La sainte ampoule de Reims

Les moines de l’abbaye Saint-Remi de Reims étaient fiers d’être les gardiens d’une fiole originale : apportée par la colombe du saint Esprit, elle contenait une huile sacrée qui aurait servi à l’occasion du baptême de Clovis.

Traditionnellement, cette sainte ampoule sortait du monastère lors de chaque sacre dans la cathédrale de Reims afin que son contenu oigne le corps du roi de France à plusieurs endroits (…que j’oigne, tu oignes, qu’il oigne, que nous oignons ).  En 1793, un député conventionnel Rühl brisa la fiole en public afin de faire disparaître ce symbole monarchique. Mais un abbé aurait, la veille, retiré en cachette un peu du baume. Si bien qu’aujourd’hui l’archevêché de Reims déclare posséder encore du contenu de la sainte ampoule.

Sacre de Louis XII en 1498
Sacre de Louis XII en 1498. Détail d’une peinture du Puy d’Amiens, réalisé en 1502. Musée du Moyen Âge, Paris.

Le saint Mors

On parle ici de la pièce métallique que l’empereur Constantin utilisait pour conduire son cheval. Là encore, à défaut d’avoir des os du premier empereur chrétien, on se rabat sur des éléments supposés plus durables. La sacralité de l’objet était augmentée par son origine : il aurait été fabriqué à partir du fer d’un clou de la crucifixion.

Reliquaire du saint Mors dans l'ancienne cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras
Reliquaire du saint Mors dans l’ancienne cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras (Marianne Casamance/Wikimedia Commons)

L’historien Thierry Pécout s’est interrogé sur la présence saugrenue d’une telle relique à Carpentras. Pour lui, elle est le fruit d’une association métaphorique et linguistique entre un évêque de Carpentras nommé Siffrein et le mors. S’est opéré un double processus : d’abord un rapprochement sonore — « Siffrein » sonne comme « saint-frein » (saint-mors) — ; ensuite, parce que les récits hagiographiques ont associé le mors à la fonction pastorale de l’évêque. Saint Siffrein, en tant qu’évêque, incarne ainsi à la fois la figure de guide (comme un mors contrôle le cheval) et le protecteur spirituel de la cité de Carpentras, renforçant l’idée d’un « frein sacré » qui éloigne les maux et protège la communauté.

Pour ma part, j’étais bien éloigné de cette idée.

La liste des reliques incroyables pourrait être prolongée. Je compte sur vous pour le faire dans les commentaires.

1 COMMENTAIRE

  1. Je répondrai sur deux plans.
    1/Tant que les dynasties arabes du Moyen-Orient laissaient les pellerins chrétiens venir tout allait bien (et déjà ils se faisaient refiler des bibelots merveilleux…) Quand les Ottomans, prenant le contrôle des lieux sains, les interdirent aux pellerins et, plus, les profanèrent, cela déclacha les croisades. ET, quitte à s’être fait envahir, ils établirent un commerce florissant des ces reliques !! En plus de ce que vous rapportez, on connaît aussi “une plume de l’ange qi a annoncé la naissance de Jésus aux bergers ! un flacon contenant un “soupir du petit jésus” !!!
    Pour le prépuce du petit Jésus, l” Église catholique, dans sa grande sagesse, a interdit à toute parroisse d’en faire mention !
    2/ donc bien sûr, toutes ces reliques sont des pantalonades assez plaisantes, mais pour le Linceul de Turin, je l’ai étudié pendant 50 ans (et je continue) : il est autehtique à 95 %, et a dû envelopper Jésus à 90 %. Allez sur mon blog à “Le Linceuln de Turin René Mettey”. Quelques exemples : les “faussaires du moyen-âge qui l’on fabriqué connaissaent le pricipede la photograpie, de l’information 3D, ont fait venir des pollens du moyen-orient pour l’en saupoudrer, alors quil n’avaient ni microscpoe ni notion n de pollen !

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