De notre confrère sciencesetavenir.fr – Par Laure Dubesset-Chatelain
Porter ses défunts, les garder près de soi, les orner ou les offrir aux vautours… autant de rituels qui nous semblent pour le moins insolites. Pourtant, comme les funérailles occidentales, ces pratiques visent un même but : donner du sens à ce dernier voyage.
Le respect dû aux défunts semble tenir de la loi sacrée, du devoir intemporel. Pas de société humaine sans rites funéraires, pourrait-on affirmer. Ils semblent répondre à deux impératifs. Le premier est sanitaire : éloigner la menace incarnée par la putréfaction d’un corps inanimé. Le second, spirituel. Ritualiser la mort permet de l’inscrire dans un récit, parfois religieux, qui la rend plus acceptable en lui donnant un sens.
Aussi immuables qu’ils paraissent, ces principes se traduisent de façons variées selon les cultures. Si la préservation du corps reste capitale dans les religions monothéistes, la destruction de l’enveloppe charnelle est au contraire indispensable dans les rites bouddhistes tibétains, par exemple, pour prolonger le cycle des réincarnations. Quant au besoin universel de perpétuer le lien avec les disparus, lui aussi nourrit des formes de dialogue très différentes. Les Torajas d’Indonésie ou certains Boliviens conservent ainsi leurs proches, en tout ou partie, à leurs côtés. Ces passerelles entre deux mondes peuvent s’emprunter dans la joie, comme au Mexique, voire dans la dérision, comme en Haïti, comme pour mieux se jouer, peut-être, de ce qui nous attend tous.
Haïti : le respect de l’irrévérence
Les 1er et 2 novembre, les Guédés réveillent les cimetières haïtiens. Incarnés par des adeptes du vaudou, ces esprits de la Mort et de la Résurrection ne font pas dans la discrétion. Poudrés de blanc, vêtus de noir et de violet, chevauchant parfois leurs serviteurs, ils multiplient les poses lubriques au son du rara, une musique traditionnelle, profèrent des obscénités et s’enduisent le corps de rhum pimenté.
Indonésie : une présence palpable
Sur l’île de Sulawesi, en Indonésie, le peuple Toraja, largement chrétien aujourd’hui, reste fidèle à une vieille pratique animiste. Le temps de pouvoir financer les funérailles d’un défunt, celui-ci reste à la maison, comme s’il faisait encore partie des vivants. Son corps, peu à peu momifié, est par la suite placé dans la cavité d’une falaise et régulièrement visité par ses proches. Lors du rituel Ma’nene, la dépouille est nettoyée, habillée et recoiffée.
Ghana : des cercueils éloquents
Depuis les années 1950, une coquetterie funéraire rencontre un succès fou chez le peuple Ga, dans la région d’Accra, la capitale : opter pour un cercueil représentant son métier ou ses rêves inassouvis. Les aspirants au voyage passent ainsi l’éternité dans un avion, les éleveurs de volaille… dans un poulet géant. Chacun ses ailes.
Japon : à prendre avec des baguettes
Dans le rite bouddhiste, les proches du défunt organisent plusieurs cérémonies pour guider son âme vers l’au-delà. Après la crémation, ils saisissent ainsi ses os, des pieds jusqu’au crâne, avec des baguettes, et les placent deux par deux dans une urne. Celle-ci est conservée dans le foyer familial avant d’être déposée dans un caveau.
Mexique : la fête des morts
El Día de los Muertos le “jour des morts” mexicain, est un moment de joie ! Les familles se retrouvent sur la tombe d’un proche pour la décorer, y allumer un cierge et partager les plats préférés du défunt. Héritière de la fête aztèque de hueymiccalhuitl, cette cérémonie est classée au patrimoine immatériel de l’Unesco depuis 2003.
États-Unis : sur un air de jazz
À la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, le jazz est de mise même pour faire son deuil. De la sortie de l’église au cimetière, le cortège funèbre est ainsi accompagné d’une fanfare. Les airs solennels laissent peu à peu la place aux rythmes entraînants, célébrant la vie du défunt. Et tout le monde peut se joindre à ces “Jazz Funerals” !
Bolivie : permission de sortie
Lunettes de soleil, bijoux clinquants et cigarette entre ce qu’il leur reste de dents… Chaque 8 novembre, les ñatitas sont de sortie : ces “petits nez plats”, des crânes conservés chez les proches de leurs anciens propriétaires, sont apprêtés et promenés dans les rues jusqu’au cimetière, avant d’être sagement rangés jusqu’à l’année suivante.
Chine : une lueur d’espoir
Quinze jours après l’équinoxe de printemps, les Chinois prennent part au qingmingjie, la “fête de la Clarté et de la Lumière”, instituée “Journée nationale du nettoyage des tombes” en 1935. Ils déposent alors des offrandes, brûlent de l’encens et de faux billets sur la sépulture de leurs ancêtres. Un moyen de s’attirer leur bienveillance en prouvant leur piété filiale.
Tibet : monter aux cieux
Selon un rituel bouddhiste local encore très respecté, trois jours après son décès, le défunt est déshabillé, drapé de blanc et conduit sur une “aire de découpage”. Là, au son des prières et dans les volutes de fumée de pin et de cyprès, le corps est découpé, enduit de farine, de thé et de lait de yak, puis abandonné aux vautours. Affranchie de son enveloppe terrestre, l’âme pourra prendre son envol.
Bénin : les morts, le retour
Malheur au profane qui oserait s’immiscer dans la cérémonie secrète de l’égoun. Ce rituel, pratiqué à l’origine par l’ethnie Yoruba, consiste à faire revenir l’esprit d’un défunt parmi les vivants lors de rendez-vous réguliers ou pour le consulter. L’égoun-goun, l’esprit du mort associé à un esprit de la nature, prend alors forme humaine et se déplace au son des tambours, dans une riche parure. Là encore, attention : le toucher est réputé fatal.
Chez les francs-maçons
Les rites funéraires maçonniques varient selon les obédiences et les loges, mais voici quelques éléments généralement présents dans les funérailles d’un franc-maçon :
- La cérémonie est souvent appelée “Tenue funèbre” ou “Tenue blanche fermée”.
- Les frères se réunissent en loge, vêtus de noir avec leurs décors maçonniques.
- Le cercueil est placé au centre de la loge, recouvert d’un drap noir sur lequel sont disposés les symboles maçonniques du défunt (tablier, gants, etc.).
- Des bougies sont allumées autour du cercueil, symbolisant la lumière maçonnique.
- Le Vénérable Maître dirige la cérémonie, qui inclut généralement :
- Des lectures de textes maçonniques
- Des hommages au défunt
- Des moments de silence
- Des chants ou de la musique
- Un rituel spécifique peut être effectué, comme la “chaîne d’union” où les frères forment un cercle autour du cercueil.
- Des symboles particuliers peuvent être utilisés, comme le rameau d’acacia (symbole d’immortalité).
- À la fin de la cérémonie, les frères défilent devant le cercueil pour un dernier adieu.
- Certaines obédiences pratiquent le “dernier voyage”, où le tablier et les gants du défunt sont symboliquement brûlés.
- La cérémonie se termine souvent par une agape fraternelle en mémoire du défunt.
Il est important de noter que ces rites peuvent varier et que certains francs-maçons choisissent des funérailles civiles ou religieuses traditionnelles, avec ou sans éléments maçonniques.