Dans Chroniques d’Histoire de la Grande Loge Nationale Française : des faits et des hommes, Francis Delon propose un récit détaillé de l’histoire de la Grande Loge Nationale Française (GLNF), une obédience relativement marginale dans le paysage maçonnique français jusqu’au milieu des années 1960. Son essor s’accélère notamment avec l’arrivée, en 1965, de près d’un millier de frères de la Grande Loge de France (GLDF), opposés à un rapprochement avec le Grand Orient de France. Ce passage est crucial dans le développement de l’obédience et constitue un des axes centraux du livre. Francis Delon met en lumière la manière dont la GLNF est devenue, en un demi-siècle, une des puissances maçonniques les plus influentes en France et la première grande loge régulière du continent européen.
Le développement de la GLNF repose en partie sur une doctrine énoncée par Jean Baylot dans son ouvrage La Voie substituée publié en 1968, qui affirmait que la maçonnerie française avait dévié de son chemin depuis la Révolution française. Cette doctrine fut essentielle à la réorientation de la GLNF vers une maçonnerie plus traditionnelle, en rupture avec le militantisme politique et anticlérical qui caractérisait d’autres obédiences maçonniques en France. Francis Delon offre une analyse fine de cet événement charnière en insistant sur les enjeux doctrinaux, mais aussi sur la dimension spirituelle et intellectuelle qui sous-tend ce changement de cap.
Le livre plonge également dans les détails historiques des loges de recherche comme « Villard de Honnecourt » n° 81, fondée sous l’égide de Jean Baylot en 1964, qui a joué un rôle central dans la diffusion de travaux maçonniques historiquement méconnus, notamment ceux de la « Quatuor Coronati ». L’ouverture de la GLNF vers l’international est également mise en lumière, notamment à travers son rayonnement auprès de l’élite francophone iranienne, qui aspirait à sortir de l’isolement maçonnique, ainsi qu’à travers les relations avec des personnalités influentes de la maçonnerie comme Marius Lepage ou le baron Yves Marsaudon.
Francis Delon ne se contente pas d’un simple récit historique. Son analyse s’articule autour des grandes figures qui ont façonné cette obédience, telles que Michel Riquet, dont le dialogue avec l’Église catholique après le concile Vatican II permit un rapprochement inédit entre la franc-maçonnerie traditionnelle et les milieux religieux modérés.
Le style de Francis Delon est précis, méthodique, et bien documenté, ce qui confère à l’ouvrage une grande rigueur académique tout en étant accessible aux profanes intéressés par l’histoire maçonnique. En tant que collaborateur régulier de publications telles que Les Cahiers Villard de Honnecourt et Renaissance Traditionnelle, il fait preuve d’une maîtrise indiscutable des archives et des faits historiques qu’il mobilise pour offrir un panorama complet de cette période.
Pour approfondir et développer les différents chapitres de cet ouvrage, nous vous proposons une large vue d’ensemble tout en analysant quelques éléments saillants abordés par l’auteur.
La préface rédigée par Jean-Pierre Servel, Grand Maître d’Honneur de la GLNF, pose les jalons du livre et souligne l’importance du travail accompli par Francis Delon dans la préservation de la mémoire historique de l’obédience. Jean-Pierre Servel souligne les moments charnières qui ont permis à la GLNF de passer d’une petite obédience marginale à la deuxième puissance maçonnique de France. La préface met également en exergue la rigueur académique de l’ouvrage et son importance pour les membres de la GLNF et les chercheurs en histoire maçonnique.
L’introduction pose le cadre historique du développement de la Grande Loge Nationale Française (GLNF). Francis Delon y décrit l’état de l’obédience à la fin des années 1950, marquée par une faible présence française et une prédominance anglo-saxonne. L’introduction aborde les défis rencontrés par la GLNF pour recruter de nouveaux membres et maintenir sa régularité, tout en évoquant les premiers signes de son expansion grâce à l’arrivée des Frères de la Grande Loge de France, hostiles au rapprochement avec le Grand Orient de France.
Le chapitre I « Des faits » est une analyse des moments historiques fondateurs qui ont contribué à la croissance de la GLNF.
La partie intitulée « La scission écossaise de 1964-1965 : du Groupement de loges traditionnelles à la Grande Loge de District » traite de la scission au sein de la Grande Loge de France en 1964-1965. En raison de désaccords doctrinaux, principalement autour de la question de la régularité maçonnique et du rapprochement avec le Grand Orient de France, plusieurs Frères quittent la GLDF pour former un nouveau groupement de loges traditionnelles. Cet événement est crucial pour l’histoire de la GLNF, car il marque le début de l’arrivée massive de Frères écossais qui vont renforcer les effectifs et les pratiques rituelles de la GLNF.
Le Groupement de loges traditionnelles, formé en octobre 1964, est décrit comme une étape clé dans le processus de séparation d’avec la GLDF. Il s’agissait de créer une nouvelle entité maçonnique capable de maintenir la régularité tout en restant fidèle aux principes du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA). Cette décision précède la création officielle de la Grande Loge Écossaise dont la fondation officielle est le 6 novembre 1964, une étape décisive dans la structuration du nouvel ordre maçonnique. Cette entité provisoire se donne pour mission de poursuivre les pratiques écossaises en France et d’intégrer progressivement les loges issues de la GLDF tout en se rapprochant de la GLNF.
En 1965, la Grande Loge de District voit le jour. Cette nouvelle structure permet de formaliser l’intégration des loges traditionnelles au sein de la GLNF. Le chapitre explore les négociations, les accords institutionnels et les ajustements nécessaires pour opérer cette fusion.
Avec « De la Grande Loge de District à l’intégration au sein de la G.L.N.F. », ce passage décrit le processus d’intégration formelle de la Grande Loge de District à la GLNF. Les démarches administratives, les rituels adoptés et les changements dans la gouvernance sont analysés dans ce sous-chapitre. La GLNF bénéficie alors de l’apport des loges écossaises, qui enrichissent sa tradition tout en solidifiant sa présence en France.
« Les origines du Rite Écossais Ancien et Accepté à la Grande Loge Nationale Française » permet ensuite de comprendre l’introduction et la reconnaissance officielle du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) à la GLNF. L’accent est mis sur le contexte historique de la reconnaissance de ce rite en 1955, ainsi que sur les tensions entre la GLNF et le Suprême Conseil de France.
Intitulé « Des hommes », ce second chapitre met en avant les figures clés qui ont marqué l’histoire de la GLNF. Il s’agit de personnalités influentes dont les actions et les décisions ont façonné le développement et l’idéologie de l’obédience.
C’est à travers le sous-chapitre « Un témoignage inédit sur les événements de 1965 : la correspondance Marsaudon-Van Hecke (1965-1966) » que l’auteur explore la correspondance entre Yves Marsaudon, dignitaire de l’Ordre de Malte et promoteur du Rite Écossais Ancien et Accepté, et le Grand Maître Ernest Van Hecke, qui fut l’un des principaux artisans de l’intégration des loges écossaises au sein de la GLNF. Cette correspondance révèle les tensions, les doutes, mais aussi la vision partagée de ces deux hommes sur l’avenir de la Maçonnerie en France.
Ensuite, avec « Le père Michel Riquet, artisan du dialogue entre la franc-maçonnerie régulière et l’Église catholique », Francis Delon met en lumière cet autre personnage majeur qu’est le prêtre jésuite Michel Riquet (1898-1993) résistant, théologien et prédicateur de renom. Il a joué un rôle crucial dans le rapprochement entre la maçonnerie dite régulière et l’Église catholique, surtout après le concile Vatican II. Son action est présentée comme fondamentale pour comprendre l’ouverture de la GLNF à des personnalités de divers horizons sociaux et religieux.
Marius Lepage est l’une des figures les plus importantes du renouveau maçonnique français. Sa quête de régularité maçonnique et son combat contre l’anticléricalisme au sein du Grand Orient de France l’amènent à rejoindre la GLNF, où il devient une figure influente du Rite Écossais Ancien et Accepté. Ce sous-chapitre revient sur son parcours, son œuvre et ses contributions à la consolidation de la GLNF.
« Sur les traces de Jean Bossu (1911-1985) : un cherchant en quête d’authenticité » Francis Delon retrace le parcours de ce vosgien natif d’Épinal, journaliste de tendance libertaire et historien, connu pour avoir créé le principal fichier des francs-maçons français appelé couramment « Fichier Bossu ». Un autre personnage central de l’histoire de l’obédience. L’auteur souligne ainsi l’importance de sa contribution intellectuelle.
Enfin c’est avec « Chrétien et franc-maçon : sur les pas de Jean Oluf Heineman (1919-2003) » que s’achève l’ouvrage. Sans doute méconnu, pour ne pas dire inconnu, Jean Oluf Heineman, ressortissant norvégien, n’en est pas moins un exemple de l’influence internationale de la GLNF. Chrétien convaincu, il illustre la fusion des valeurs maçonniques et chrétiennes. Son rôle dans les relations maçonniques scandinaves et son engagement pour le développement de la maçonnerie traditionnelle font de lui un personnage clé dans l’histoire de la GLNF. Notons que la postface est de Thierry Zarcone, Directeur de recherche au CNRS GSRL Groupe Sociétés Religions Laïcités.
Francis Delon, la bio
Francis Delon, titulaire d’une maîtrise d’histoire contemporaine de l’Université Paris IV et d’un DESS en histoire et métiers des archives de l’Université d’Angers, est un archiviste expérimenté et érudit. En 2010, il est fait chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres en reconnaissance de ses contributions culturelles et historiques.
Francis Delon a également soutenu une thèse de doctorat en études anglophones sur « La Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies Françaises (1910-1940) ». Son expertise et sa profonde connaissance des archives maçonniques en font une figure incontournable dans l’histoire de la franc-maçonnerie française. Depuis 2000, il est archiviste bénévole de la GLNF et a largement contribué à la conservation et à la diffusion du patrimoine maçonnique.
Les Éditions de la Tarente, l’éditeur
L’ouvrage Chroniques d’Histoire de la Grande Loge Nationale Française : des faits et des hommes est publié par Les Éditions de la Tarente, une maison d’édition spécialisée dans les publications maçonniques. Elle propose des ouvrages visant à enrichir les connaissances sur l’histoire de la franc-maçonnerie, tout en assurant la diffusion de travaux originaux et approfondis sur les aspects rituels, doctrinaux et symboliques de la maçonnerie. Cette maison d’édition qui, en mars dernier, a reçu le Prix littéraire 2024 Jean François Var à l’occasion de premières Rencontres Initiatiques, s’inscrit dans une tradition de publication d’études maçonniques rigoureuses, contribuant ainsi à l’éducation et à l’épanouissement des lecteurs intéressés par ces sujets.
En conclusion, l’ouvrage propose une synthèse des évolutions historiques, des figures marquantes et des défis relevés par la GLNF au fil des décennies. Elle met en lumière les leçons tirées de cette histoire riche et complexe, tout en soulignant la pertinence actuelle de la GLNF dans le paysage maçonnique européen et mondial.
Cette exploration montre à quel point Chroniques d’Histoire de la Grande Loge Nationale Française : des faits et des hommes est une œuvre capitale pour comprendre les dynamiques internes de la franc-maçonnerie en France et l’importance de la GLNF dans l’histoire contemporaine du mouvement maçonnique.
Chroniques d’Histoire de la Grande Loge Nationale Française : des faits et des hommes
Francis Delon – Les Éditions de la Tarente, Coll. Fragments maçonniques, 2024, 272 pages, 26 €
Tous les Maçons AUTHENTIQUES sont intéressants à lire et nous rappellent qu’un Maçon n’est à confondre avec le Petit Chaperon Rouge ayant des doutes sur l’origine de sa grand mère . Le CENTRE DE L’UNION regroupe des HOMMES de toutes sensibilités qui dialoguent ensemble non pas pour convaincre l’autre mais pour le comprendre dans un respect mutuel; La FM n’est pas un bien appropriable : elle est respectueuse de tous et demande simplement la pareille : quand certains prétendent parler en son nom ils parlent en fait au nom d’eux même et c’est ce que je suis en train de faire !!!! On constate cependant que la FM est souvent déviée de son rôle et sert parfois de caisse de résonnance à des causes étrangères à la sienne…. Enfin tout cela n’est qu’un simple point de vue
Je n’ai rien contre la GLNF, sinon que leurs rapports (escroquerie) à l’argent permanent, mais la reconnaissance vis-à-vis de la Grande Loge d’Angleterre. Des historiens anglais ont démontrés que deux tavernes sur quatre n’existaient plus en 1717 et aucun procès verbal de tenue pourtant obligatoire à cette date, d’une part puis des Loges existaient en Écosse comme la Loge qui en 1136, portait le nom de : « Saint John Lodge ». Sur ce panneau se trouve la devise « En Dieu est notre fidélité » ; tandis que dans la partie basse, il y est gravé : « John Murdo Premier Grand-Maître de la Loge Saint John de Melrose ». Sur ce panneau se trouve également en compas ouvert à 60°. Portant le N°11, donc il y en avait avant. Puis la Loge « Mary’s Chapel » à Edimbourg.
La constitution de 1738, dont vous ne parlez jamais donne la liberté des Loges à la France et cinq autres pays d’Europe.
James Anderson a brûlé un grand nombre d’archives afin de prouver qu’il avait raison, Est-ce honnête, est-ce moral.
Rappel « Nous construisons des puits pour les vices et des autel à la vertu »
Un grand merci à Yonnel Ghernaouti pour cet article remarquable, “Régularité et tradition : La GLNF au cœur de la maçonnerie française”, qui met en lumière des aspects souvent méconnus mais essentiels de notre Fraternité. Il est particulièrement appréciable que le rôle du Grand Archiviste de la GLNF soit reconnu à sa juste valeur, lui qui brille par son travail exceptionnel, largement salué à l’extérieur, mais trop souvent sous-estimé au sein même de son obédience. Il est regrettable qu’un tel pilier, dont les contributions historiques et culturelles enrichissent notre héritage, soit relégué à des tâches bien en deçà de son mérite. Bravo pour cette mise en lumière nécessaire !
Je vais le lire