Cette carte postale ancienne (CPA) des funérailles de Maurice Berteaux, se présente à la fois comme une scène solennelle et un témoignage historique précieux. Elle capture un moment unique où la République française rend hommage à un de ses serviteurs dévoués, sous le regard attentif de la Franc-maçonnerie, dont les symboles et la présence imposante marquent de manière indélébile cet adieu collectif.
Au centre de la scène
Au centre de la scène, les rangs serrés des francs-maçons avancent avec gravité. Leurs costumes sombres, ornés de tabliers maçonniques et d’écharpes blanches, créent une harmonie visuelle empreinte de respect et de dignité. Les chapeaux hauts-de-forme ajoutent une touche d’élégance formelle, tandis que les visages graves témoignent du poids de l’événement. Ces hommes, figures importantes de la République et gardiens des idéaux maçonniques, sont là pour rendre un dernier hommage à Maurice Berteaux, non seulement en tant que ministre de la Guerre, mais aussi en tant que frère maçon, un homme qui partageait avec eux une vision du monde fondée sur la liberté, l’égalité, et la fraternité.
Le cadrage de la CPA
Le cadrage de la CPA, avec l’alignement précis des silhouettes, accentue la solennité du moment. La foule qui se tient en arrière-plan, presque anonyme, renforce l’idée que cet hommage dépasse le cadre personnel pour devenir un acte public, une cérémonie nationale. La présence des monuments parisiens en arrière-plan, à peine visibles dans le lointain, rappelle que cette procession a lieu au cœur de la capitale, dans un lieu où l’histoire de la République française s’est souvent écrite.
Le texte
Le texte qui surmonte l’image, « FUNÉRAILLES DE M. MAURICE BERTEAUX, Ministre de la Guerre, mort accidentellement le 21 Mai 1911. La Franc-Maçonnerie », encadre le sens de la scène avec une simplicité poignante. Il suggère non seulement la perte d’un homme d’État, mais aussi celle d’un membre éminent de la communauté maçonnique, une communauté qui, à travers ses rituels et symboles, cherche à donner du sens à la vie et à la mort dans un cadre philosophique et spirituel.
Cette image n’est pas seulement un document historique ; elle est aussi un symbole de la relation intime entre la République française et la franc-maçonnerie au début du XXe siècle. En ce jour funèbre de mai 1911, la République laïque et la franc-maçonnerie se rejoignent dans une célébration de la vie d’un homme dont l’engagement pour les valeurs républicaines était indéfectible.
Le sigle F.F. Paris visible en haut à droite indique les initiales de l’imprimeur
Le sigle F.F. correspond à Fernand Fleury, un imprimeur parisien renommé. Il a travaillé principalement pour des éditeurs locaux et était basé au 43 avenue de la République à Paris, dans le 11e arrondissement.
Fernand Fleury est particulièrement connu pour son travail sur des séries de cartes postales, et parmi celles-ci, la série « TOUT PARIS » est sans doute la plus célèbre, comptant au moins 2300 cartes. Cette série est très recherchée par les collectionneurs en raison de sa qualité et de son intérêt historique.
Fernand Fleury n’était pas seulement un imprimeur, mais un acteur clé dans la diffusion de la culture visuelle parisienne à travers ses cartes postales. Son travail d’imprimeur consistait à transformer les images fournies par les photographes ou les éditeurs en cartes postales de haute qualité, souvent colorisées ou enrichies de détails, qui étaient ensuite largement distribuées.
Le fait que cette carte postale portant la mention « F.F. Paris » ait été imprimée par Fernand Fleury ajoute une dimension supplémentaire à son intérêt, en la reliant à une figure importante de l’industrie de la carte postale en France. Cela confirme aussi que cette carte est un produit de qualité, issu d’une tradition d’excellence dans l’impression et la reproduction d’images.
Maurice Berteaux est un homme politique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, ainsi qu’un franc-maçon actif
Sa vie et sa carrière politique
Maurice Berteaux est né le 3 juin 1852 à Saint-Maur-des-Fossés, dans une famille bourgeoise. Son père était un industriel dans le domaine du textile. Maurice Berteaux a suivi des études de droit avant de se lancer dans le monde des affaires en tant qu’associé dans l’entreprise familiale. Cependant, son intérêt pour les affaires publiques le pousse rapidement vers la politique.
Il devient conseiller municipal de Chatou, une commune des Yvelines, où il montre un engagement constant pour le développement local. En 1893, il est élu député de Seine-et-Oise.
Rappelons qu’en 1968, dans le cadre de la réorganisation administrative de la région parisienne, le département de la Seine-et-Oise a été supprimé et son territoire a été divisé en plusieurs nouveaux départements dont celui des Yvelines (chef-lieu : Versailles) correspondant à la partie ouest de l’ancienne Seine-et-Oise.
Maurice Berteaux s’affirme rapidement comme un républicain radical-socialiste, une tendance politique prônant la laïcité, la démocratie parlementaire, et les réformes sociales progressistes.
Il se distingue par son engagement en faveur des réformes militaires et par son attachement aux valeurs républicaines. En 1904, il est nommé ministre de la Guerre dans le gouvernement d’Émile Combes, où il s’efforce de moderniser l’armée française tout en luttant contre l’influence cléricale dans les affaires militaires, en ligne avec la loi de séparation des Églises et de l’État.
Le 21 mai 1911, alors qu’il est redevenu ministre de la Guerre dans le gouvernement de Joseph Caillaux, et qu’il assistait au départ de la course aérienne Paris-Madrid à Issy-les-Moulineaux, il trouve la mort tragiquement, frappé par un aéroplane piloté par l’aviateur Train qui s’est écrasé.
Son parcours maçonnique
Maurice Berteaux était également un franc-maçon très actif, particulièrement au sein du Grand Orient de France, la principale obédience maçonnique en France, connue pour son engagement en faveur des valeurs républicaines, laïques, et démocratiques.
Maurice Berteaux fréquentait assidûment la loge de Saint-Germain-en-Laye, une ville située non loin de sa résidence à Chatou. Sa présence régulière et son implication dans les activités de la loge témoignent de son attachement aux principes maçonniques, qu’il transposait dans son action publique, notamment dans la défense de la laïcité et des libertés républicaines.
Ses prises de position en faveur de la laïcité et contre l’influence de l’Église dans les affaires publiques reflètent cet engagement. Il a notamment soutenu la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, un projet soutenu par de nombreux francs-maçons de l’époque.
Par la suite, en reconnaissance de son engagement, une loge maçonnique fut créée et porta son nom. Cette loge symbolise l’héritage qu’il a laissé non seulement dans la sphère publique, mais aussi au sein de la franc-maçonnerie. Elle perpétue sa mémoire et continue d’œuvrer selon les principes et valeurs qu’il défendait, tout en rendant hommage à sa contribution à la fois à la République et à la franc-maçonnerie.
Son héritage
Maurice Berteaux a laissé une empreinte significative dans l’histoire politique et militaire de la France. Sa mort prématurée a été largement déplorée, tant pour sa contribution à la République que pour son rôle dans la modernisation de l’armée française.
Aujourd’hui, Maurice Berteaux est souvent commémoré comme un fervent défenseur de la République et un réformateur militaire engagé. Plusieurs lieux publics en France portent son nom, en hommage à son dévouement à la nation et à la République.
Pour en savoir plus sur ce grand défenseur des idées républicaines, nous vous invitions à lire Un grand parlementaire de la IIIe République, Maurice Berteaux (1852-1911) (Clio 94 n° 11, 1993, p. 139-143) que nous devons à l’un des contributeurs de 450.fm, notre TCF Jean-Pierre Thomas ou encore l’article de J. Marec « Maurice Berteaux, député et ministre de la Guerre (1852-1911) », dans le Bulletin. des Amis du Vieux Saint-Germain (n° 42, 2005).
La fin de notre feuilleton estival des CPA
Cette carte postale achève avec élégance notre série estivale. Tandis que 12 millions d’écoliers, collégiens et lycéens s’apprêtent à reprendre le chemin de l’école dès le lundi 2 septembre, cette CPA nous rappelle que pour les 169 500 francs-maçons de France, c’est aussi le retour aux temples, lieux de réflexion et de méditation, où ils poursuivront leur quête d’amélioration personnelle et sociale. Comme l’année scolaire, la vie maçonnique est rythmée par des cycles de travail, d’apprentissage et de transmission, et c’est dans ce contexte que la mémoire de Maurice Berteaux continue de vivre, non seulement comme celle d’un ministre, mais aussi comme celle d’un frère maçon dont l’héritage demeure gravé dans les cœurs et les esprits.