L’ouvrage Sources 14 – Violence et Franc-maçonnerie s’inscrit dans une longue tradition de publications rigoureuses orchestrées par l’Aréopage de recherche du Grand Collège des Rites Écossais – Suprême Conseil du 33e degrés en France 1764-1804 Grand Orient de France. Cet Aréopage, dédié aux investigations académiques et aux réflexions philosophiques, s’efforce de fournir une documentation aussi complète que possible sur les thèmes soumis par le Grand Collège des Rites.
Dans ce quatorzième numéro, les travaux se concentrent sur une thématique aussi intemporelle qu’urgente : la violence, explorée sous ses multiples formes et implications, tant dans le contexte sociétal que maçonnique.
Ce dernier opus s’articule autour d’une structure en quatre parties distinctes, chacune offrant une exploration approfondie et nuancée d’une facette particulière de la violence en lien avec la franc-maçonnerie. Cette division méthodique permet de déployer une analyse complète qui aborde tour à tour l’homme et la violence, la violence au sein de la société, les défis posés par les nouvelles technologies, et enfin, la manière dont la violence se manifeste dans les pratiques et rituels maçonniques.
L’Homme et la violence
L’ouverture de l’ouvrage est marquée par une exploration des racines de la violence humaine, abordées sous différents angles culturels et psychologiques. Spécialiste des civilisations anciennes et chercheur dont les travaux se focalisent sur les dynamiques culturelles et les comportements humains à travers l’histoire, Jean Druart, dans son article « Violence et passion : des Aztèques aux youtubeurs », dresse un parallèle audacieux entre les sacrifices rituels des Aztèques et les dynamiques de violence symbolique présentes dans le monde moderne des réseaux sociaux, notamment chez les youtubeurs. Cette analyse souligne l’évolution, mais aussi la permanence des mécanismes violents au sein des sociétés humaines, leur passage de l’espace physique à l’espace virtuel, sans pour autant perdre en intensité.
Auteur spécialisé dans les études culturelles et religieuses, Gilles Sintes, dans son exploration du « Bouc émissaire », revisite ce concept théorisé par René Girard (1923-2015). Il démontre comment ce mécanisme continue d’opérer dans les sociétés contemporaines, où la violence est souvent détournée vers des individus ou des groupes spécifiques, transformés en victimes expiatoires pour résoudre des tensions sociales. Gilles Sintes éclaire les continuités entre les pratiques anciennes et les phénomènes modernes, soulignant ainsi la persistance de la violence sacrificielle dans des formes parfois inattendues.
Violence et société
La deuxième partie élargit la perspective en abordant des manifestations de la violence dans le cadre institutionnel et écologique. Jean-Claude Couturier, dans « Violence d’État », analyse la manière dont la violence peut être systématiquement utilisée par les États pour maintenir l’ordre ou imposer des politiques, soulevant des questions sur la légitimité et les limites de cette violence institutionnalisée.
Denis Colongo, quant à lui, traite de « La violence de l’économie dignité de l’Homme ». Il explore les relations entre les dynamiques économiques globales et la dignité humaine, montrant comment l’exploitation économique et les inégalités systémiques peuvent engendrer des formes subtiles, mais non moins destructrices, de violence.
Michel Lagarde introduit une dimension écologique avec son article sur la « Violence de l’homme dans la biosphère », où il discute des impacts délétères des activités humaines sur la nature, soulignant que la destruction de l’environnement constitue une forme de violence envers la planète, mais aussi envers les générations futures.
Michel Dillenschneider, spécialiste en sciences sociales et écologiques, aborde un thème d’actualité avec « Violence et précarité énergétique ». Il montre comment l’accès inégal à l’énergie, bien essentiel, peut devenir une source de conflit et de souffrance, révélant ainsi la complexité des enjeux énergétiques contemporains et leur potentiel à exacerber les tensions sociales.
Didier Desor, expert en éthique, justice et psychologie, et Jean-Pierre Debruille, psychiatre et chercheur, dans leur article « Faut-il juger les fous violents ? », interrogent la frontière entre la folie et la criminalité, une réflexion qui touche aux fondements mêmes de la justice et de l’éthique dans le traitement des individus violents souffrant de troubles mentaux. Cette question est d’une pertinence capitale dans un contexte où la psychiatrie et le droit peinent à trouver des réponses équilibrées.
Professeur honoraire à l’université Paris-Saclay, Alain Cordier, figure centrale de cette édition, explore les interactions entre « Violence et recherche scientifique », un sujet qui met en lumière les tensions inhérentes à la quête de savoir et les responsabilités éthiques des chercheurs face à l’utilisation potentiellement destructrice de leurs découvertes.
Yves Giraudon nous entraîne dans une réflexion sur « Violence et expression musicale symbolique ». Il explore comment la musique, en tant que forme d’art et de communication symbolique, peut à la fois canaliser et exprimer des tensions violentes, soulignant le pouvoir cathartique et transformateur de la musique dans l’expérience humaine.
Historien militaire et franc-maçon, Claude Vautrin clôt cette partie avec « Un franc-maçon dans la guerre », une perspective personnelle et historique qui examine les dilemmes et les choix auxquels sont confrontés les maçons lorsqu’ils sont pris dans les tourments de la guerre. Ce récit enrichit la réflexion sur la violence en introduisant une dimension vécue et personnelle.
Violence et nouvelles technologies
La modernité n’est pas exempte de nouveaux défis, comme le démontre la troisième section dédiée à la violence et aux nouvelles technologies. Sociologue et spécialiste des nouvelles technologies, Philippe Rivet aborde « La radicalité de l’individualisme et la violence symbolique des réseaux sociaux », où il dépeint un tableau inquiétant de l’impact des technologies numériques sur les relations humaines, exacerbant l’individualisme et engendrant de nouvelles formes de violence symbolique qui peuvent avoir des conséquences profondes sur la société.
Victor Mastrangelo et Jean Schmets, chercheurs en intelligence artificielle et éthique technologique, examinent le thème « Violence et Intelligence Artificielle ». Leur contribution souligne les risques liés à l’essor des IA dans des domaines sensibles comme la sécurité ou la gestion des conflits, posant des questions éthiques cruciales sur la responsabilité humaine face à des machines de plus en plus autonomes.
Enfin, Bernard Zappoli, expert en cybersécurité et sociologie numérique, dans « La violence en ligne de la cour de récréation à la cyber guerre », explore comment le cyberespace est devenu un champ de bataille, où la violence prend des formes inédites, depuis le harcèlement en ligne jusqu’aux cyberattaques à grande échelle. Son analyse met en lumière les dangers d’un monde de plus en plus interconnecté, mais aussi les défis pour réguler ces nouvelles formes de conflits.
Violence et maçonnerie
Le dernier chapitre de l’ouvrage, consacré à « Violence et maçonnerie », ramène la discussion au cœur même de la pratique maçonnique. Psychologue et maçon expérimenté, Michel Lebey s’interroge sur « Violence et psychologie dans l’initiation maçonnique, intérêt, risques », offrant une perspective critique sur les rituels d’initiation, qui, bien que symboliques, peuvent engendrer des tensions psychologiques significatives chez les initiés.
Daniel Comino, dans « La violence dans les rituels », approfondit cette réflexion en examinant comment les rituels maçonniques, bien que conçus pour être des vecteurs de sagesse et d’éthique, peuvent parfois être perçus ou vécus comme des formes de violence rituelle, nécessitant une réévaluation de certaines pratiques.
Auteur notamment de Les origines anglaises de la franc-maçonnerie moderne–Au cœur de la galaxie hétérodoxe (Éd. Maïa, 2022), Richard Bordes explore ici « Le serment maçonnique entre promesse et malédiction », une analyse des engagements solennels pris par les maçons, qui oscillent entre un idéal élevé de fidélité et le poids parfois écrasant des obligations symboliques qu’ils impliquent.
Sociologue et franc-maçon, Jean-Jacques Chauvin aborde « La violence au travers des pratiques et récits maçonniques », une étude des narratives internes à la franc-maçonnerie, qui parfois véhiculent des éléments de violence symbolique, soulignant la nécessité d’une réflexion continue sur les traditions et les pratiques.
Enfin, Didier Desor clôt l’ouvrage avec une analyse poignante des « réticences à la mixité dans les loges – Une déclinaison de la violence envers les femmes » et des formes subtiles de violence envers les femmes qui peuvent en découler. Cette contribution met en lumière les défis contemporains auxquels est confrontée la franc-maçonnerie dans son chemin vers l’égalité et l’inclusion.
Sources 14. Violence et Franc-maçonnerie est bien plus qu’un recueil d’articles ; c’est une réflexion collective d’une profondeur remarquable sur la nature et les manifestations de la violence dans ses multiples dimensions. L’ouvrage parvient à tisser des liens entre des sujets aussi variés que la psychologie, la technologie, l’écologie, et les pratiques maçonniques, offrant au lecteur une compréhension élargie des défis éthiques et sociaux de notre temps. La richesse des contributions, couplée à la rigueur académique des auteurs, en fait une lecture essentielle pour quiconque s’intéresse à la franc-maçonnerie, mais aussi plus largement à l’étude de la violence et de ses impacts sur nos sociétés.
Conformément à nos us et coutumes, nous vous présentons l’éditeur et la collection Sources
La revue Sources est un organe de publication émanant de l’Aréopage National de Recherches du Grand Collège des Rites Écossais – Suprême Conseil du 33e degrés en France 1764-1804 Grand Orient de France. Ce dernier se distingue par son engagement à promouvoir des travaux de recherche rigoureux et académiques, issus de diverses commissions scientifiques spécialisées. Chaque numéro de la revue est le fruit d’une réflexion collective et d’un travail approfondi, visant à apporter un éclairage nouveau sur des thèmes d’actualité ou des sujets d’intérêt maçonnique. Le volume 14, consacré à la violence, s’inscrit dans cette tradition d’excellence en offrant des analyses pertinentes, souvent inédites, sur un sujet complexe et multidimensionnel.
La collection Sources
La collection Sources se déploie comme un vaste fleuve de pensée, serpentant à travers les méandres des réflexions maçonniques et des explorations intellectuelles. Née sous les auspices du Grand Collège des Rites Écossais du Grand Orient de France, cette collection incarne le fruit d’un dialogue incessant entre le passé et le présent, entre les traditions rituelles et les questionnements contemporains.
Chaque volume de cette collection se présente comme un ouvrage précieux, tissé de savoirs et de recherches approfondies menées par les commissions scientifiques de l’Aréopage. Ces volumes sont des fenêtres ouvertes sur des mondes de pensée où se côtoient l’histoire, la philosophie, et la sociologie, éclairées par la lumière singulière de la franc-maçonnerie.
Les volumes publiés dans la collection Sources
Le premier volume, État des travaux de l’Aréopage 5977-5980, ouvre la voie, établissant les fondations d’une œuvre monumentale. Il est suivi par État des travaux de l’Aréopage 5980-5986, qui poursuit cette exploration minutieuse des travaux maçonniques.
Avec le volume 3 Rituel et esprit maçonnique dans la franc-maçonnerie d’aujourd’hui, le lecteur est invité à pénétrer dans les arcanes des pratiques rituelles contemporaines, une plongée dans l’âme même de la maçonnerie moderne.
Les volumes suivants, État des travaux de l’Aréopage 5986-5992, État des travaux de l’Aréopage 5992-5999 et État des travaux de l’Aréopage 5999-6007 s’enchaînent comme les chapitres d’un grand livre d’histoire maçonnique, retraçant avec précision les évolutions et les débats qui ont animé les loges au fil des décennies.
Le volume 7 État des travaux de l’Aréopage 6007-6012 marque une pause réflexive, une sorte de palier où l’on contemple le chemin parcouru avant de se lancer dans des explorations plus profondes avec les volumes suivants.
Avec le volume 8 Regards maçonniques sur l’être humain (Tome 1 : L’individu), la collection amorce une réflexion plus intime, plus introspective, scrutant l’individu maçon à travers le prisme de ses rituels et de ses valeurs. Ce voyage se poursuit avec volume 9 Voyages dans les rituels du 18e grade – Chevalier Rose-Croix, où les arcanes des degrés supérieurs de la franc-maçonnerie sont dévoilés dans toute leur complexité et leur splendeur symbolique.
Le volume 10 Regards maçonniques sur l’être humain (Tome 2 : Aspects sociétaux) élargit le cadre, passant de l’introspection individuelle à une réflexion sur l’homme dans la société, un regard posé sur les dynamiques collectives qui animent les loges et le monde extérieur.
Enfin, les volumes 11 Nouvelles lumières sur le Chevalier Kadosh, 12 Cheminements initiatiques au sein des Loges de Perfection et 13 Aspects initiatiques de la chevalerie Kadosh viennent clore ce premier cycle de réflexion, apportant une lumière nouvelle sur des degrés initiatiques complexes, des étapes cruciales dans le parcours de tout maçon cherchant à s’élever spirituellement.
Les volumes Les Rencontres Sources
À côté de ces volumes riches et denses, la série Les Rencontres Sources se distingue par son exploration des thèmes fondamentaux du pouvoir, de l’autorité et de la grandeur. Chaque volume de cette série est une quête, une recherche des fondements de l’autorité dans le cadre maçonnique.
Volume 1 : Auctoritas et Potestas aborde la dualité entre l’autorité spirituelle et le pouvoir temporel, un thème intemporel revisité à travers le prisme des traditions maçonniques.
Volume 2 : Hiérarchie et initiation nous guide à travers les labyrinthes de l’organisation maçonnique, dévoilant les strates de la hiérarchie et les mystères des processus initiatiques.
Volume 3 : Du souverain à la souveraineté traite des concepts de souveraineté, tant dans la gouvernance des loges que dans la maîtrise de soi, offrant des réflexions qui résonnent avec les préoccupations des maçons de tous horizons.
Volume 4 : Des Grands et des grandeurs couronne cette série en examinant les figures emblématiques de la maçonnerie, ceux qui, par leur sagesse ou leur puissance, ont marqué l’histoire de cette noble tradition.
La collection Sources et ses séries associées représentent bien plus que de simples ouvrages académiques. Elles sont le reflet d’une quête perpétuelle de savoir, un témoignage vivant de l’effort maçonnique pour comprendre, transmettre, et sublimer les connaissances acquises. Chaque volume est une pierre ajoutée à l’édifice immense de la réflexion maçonnique, un chapitre dans le grand livre de la tradition écossaise, écrit pour éclairer, inspirer, et guider les générations futures.
Sources-Aéropage de recherche – Violence et franc-maçonnerie
Collectif – A.M.H.G., N°14, 2024, 396 pages, 20 €
À commander ICI. Estimation des frais de port 4 €.
En savoir plus, la brochure du Grand Collège des Rites Écossais consultable ICI.
Merci et bravo pour cet article L’Aréopage Sources fait honneur à la Franc-Maçonnerie