D’un point de vue factuel, il est banal de constater que les êtres humains ont trois approches possibles de l’art :
- L’adoration (ou l’admiration),
- Le rejet
- L’engagement.
L’adoration et le rejet (dans sa forme minimale c’est bien sûr l’indifférence) renvoient à l’effet produit par l’œuvre artistique sur ceux qui la découvrent.
L’engagement procède de la création.
Avec la recherche de la nourriture (qui implique le combat), le maternage, le jeu (qui comprend aussi la découverte) et l’activité sexuelle, l’activité artistique fait partie des cinq grands « univers » de l’espèce humaine.
L’expérience que j’ai pu accumuler m’incite à proposer une approche qui permet de comprendre pourquoi l’Art est important dans l’existence humaine en général et dans la démarche maçonnique en particulier.
« C’est Aristote qui a peut-être le premier conceptualisé l’effet cathartique de l’art. Il nous dit dans son art poétique que si on va au théâtre, le fait de regarder les acteurs ça nous permet de vivre par transitivité leurs émotions et donc peut-être de se purger de nos pulsions. Aristote est confirmé par les travaux des neurosciences. » (source : France culture « Neurosciences : comment l’art nous guérit » par Elsa Mourgues)
Que l’on soit passif ou actif notre rapport à l’art est chargé d’émotion et d’affectivité.
Nous savons tous que c’est dans les sept premières années de la vie que les émotions ont l’impact le plus fort qui marquera nos personnalités.
- Quand elle est créatrice, l’activité artistique nous permet d’exprimer nos émotions.
- quand elle est passive, la rencontre avec l’art nous permet d’associer nos émotions passées à un moment de vie présent.
Si on prend conscience que dans le processus cognitif, l’émotion voisine avec la pensée de l’imaginaire, on comprend bien que l’art est porteur de ces deux composantes que sont l’affectivité et l’imagination.
C’est naturellement vers le concept de la déité que l’expression artistique a trouvé son champ d’application le plus usité ; la déité a été tout au long de l’histoire de l’humanité la source d’inspiration des générations d’artistes utilisant le transfert affectif et le pouvoir de l’imagination pour créer des oeuvres sublimes.
Cette constatation se retrouve aujourd’hui de façon plus diffuse et sur des thèmes plus variés.
Les connaissances sur la psychologie des êtres humains permettent de concevoir ce que j’appelle « l’univers symbolique protecteur » que chaque être humain se créé au fil de son expérience existentielle et en particulier des affects qui le marquent durant les sept premières années de sa vie.
Cet univers symbolique protecteur a, idéalement, pour fonction d’être une sorte d’interface virtuel entre notre Moi et le monde extérieur avec la fonction de nous préserver et de faciliter notre investissement projectif.
En réalité, dans la vraie vie, l’impact des affects ressentis dans l’enfance, avec toutes les problématiques qui peuvent s’en suivre, rend cet univers symbolique protecteur plus ou moins fonctionnel.
Tous les êtres humains sont ainsi conditionnés dans leur capacité à se projeter dans le monde par la réalité de leur univers symbolique protecteur.
L’expérience montre que l’être humain peut prendre conscience de sa capacité à « améliorer » son univers symbolique protecteur afin de le rendre plus « opérationnel ».
C’est par la spécificité de l’impact de l’influence artistique sur l’univers symbolique protecteur que l’art joue ainsi un rôle fondamental dans l’existence.
Le champ maçonnique n’est qu’une application de la généralité exposée précédemment. Ma conviction est que la démarche initiatique peut contribuer à conforter cet univers symbolique protecteur qui conditionne notre existence.
En le comprenant (cf « Connais-toi soi-même ») en particulier par l’analyse du ressenti de la rencontre avec l’art, en le modifiant par la capacité à acquérir une activité artistique, les membres de la loge peuvent collectivement avancer sur le chemin de cette sagesse collective qui, in fine, est le but de l’initiation maçonnique.