dim 29 septembre 2024 - 01:09

Sous le soleil du Vatican : Les secrets de “La soutane rouge” de Roger Peyrefitte

L’été est la saison idéale pour redécouvrir des classiques littéraires et se plonger dans des récits captivants.

Photo site Culture Déconfiture

Parmi ces trésors, nous vous proposons La Soutane rouge de Roger Peyrefitte, un roman qui dévoile les coulisses intrigantes et souvent controversées du Vatican.

Avec son style mordant et satirique, Roger Peyrefitte nous entraîne dans un univers où les ambitions personnelles et les luttes de pouvoir – comme en franc maçonnerie ? – se mêlent aux intrigues ecclésiastiques. À travers cette note de lecture, explorons ensemble les thèmes et les critiques qui font de La soutane rouge une œuvre incontournable pour les amateurs de littérature provocatrice et réfléchie.

Bref portrait d’un écrivain polémiste

Roger Peyrefitte (1907-2000) est un écrivain, diplomate et essayiste français. Né à Castres, il étudie à l’École libre des sciences politiques et entame une carrière diplomatique. Il quitte cette carrière après avoir été impliqué dans un scandale en Grèce et se consacre entièrement à l’écriture.

Roger Peyrefitte en 1947 – Source studio Harcourt

Il est connu pour ses œuvres souvent provocatrices et satiriques, qui abordent des sujets tabous comme l’homosexualité, la politique et la religion. Parmi ses ouvrages les plus célèbres figurent Les Amitiés particulières (1944), qui lui vaut le prix Renaudot, Les Fils de la Lumière (Éd. Flammarion, 1961) qui explore l’univers de la franc-maçonnerie, révélant ses secrets, ses rituels et son influence à travers une analyse détaillée et souvent critique et La Soutane rouge, un roman qui critique l’Église apostolique, catholique et romaine qui explore les intrigues au sein du Vatican. Objet de notre note de lecture…

La Soutane rouge se déroule principalement au Vatican et décrit les coulisses de l’Église catholique à travers les yeux du personnage principal, un jeune prêtre ambitieux. Le roman se concentre sur les intrigues politiques, les ambitions personnelles et les luttes de pouvoir au sein de la hiérarchie ecclésiastique. Le titre fait référence à la couleur de la soutane portée par les cardinaux, symbolisant le sang des martyrs mais aussi, selon Peyrefitte, les passions et les conflits internes qui animent le clergé.

Drapeau du Vatican

Avant d’aborder les personnages principaux, commençons par les différents thèmes.

Le roman est une critique acerbe de l’Église catholique, dénonçant son hypocrisie, ses intrigues politiques et la corruption qui règne au sein du Vatican. Peyrefitte décrit un univers où les ambitions personnelles et les luttes de pouvoir prévalent souvent sur les valeurs spirituelles.

Le personnage principal, un jeune prêtre, est dépeint comme étant prêt à tout pour gravir les échelons de la hiérarchie ecclésiastique. Cela inclut manipulations, alliances stratégiques et compromissions morales. Le roman met en lumière comment l’ambition peut corrompre même ceux qui sont censés être des guides spirituels.

Armes du Vatican

Divers personnages secondaires, tels cardinaux et évêques, représentent la diversité des caractères au sein de l’Église, allant de l’ascète pieux à l’intrigant machiavélique.

Le réseau de relations du jeune prêtre, incluant amis et ennemis soit des alliés et des rivaux, est crucial pour le développement de l’intrigue

Comme dans plusieurs de ses autres œuvres, l’auteur aborde le thème de l’homosexualité, un sujet tabou à l’époque, en soulignant les relations cachées et les tensions sexuelles au sein du clergé. Le roman expose l’hypocrisie de l’Église face à la question de la sexualité.

Le ton du roman est souvent satirique, Roger Peyrefitte utilisant l’humour pour accentuer les contradictions et les absurdités qu’il perçoit dans l’institution ecclésiastique. Les personnages sont souvent caricaturaux, représentant des archétypes de la corruption et de l’hypocrisie.

En termes d’analyse littéraire, nous constatons que le style de l’auteur est mordant et direct, utilisant un langage riche et imagé pour dépeindre les intrigues complexes du Vatican. La narration est souvent ironique, soulignant les contradictions internes des personnages et de l’institution qu’ils servent.

Le roman est structuré de manière linéaire, suivant la progression du jeune prêtre dans sa quête de pouvoir. Les chapitres sont courts et dynamiques, chaque scène apportant une nouvelle dimension à l’intrigue.

La soutane rouge est un symbole puissant dans le roman, représentant à la fois le martyre et le pouvoir. D’autres symboles, comme les lieux sacrés du Vatican, sont utilisés pour accentuer les contrastes entre les idéaux spirituels et les réalités terrestres.

Représentation symbolique de la Mafia par la pieuvre même décapitée, la pieuvre conserve un bon nombre de ses tentacules en activité.
KGB – Devise Loyauté au Parti, loyauté à la Patrie

Et comment ne pas évoquer dans son roman – bien qu’ajoutant à son intrigue Mafia et K.G.B.la façon dont Roger Peyrefitte évoque une organisation secrète appelée la loge Q 3. Cette loge est inspirée de la véritable loge P2 (Propaganda Due), une société secrète italienne – dépendant de 1945 à 1976 du Grand Orient d’Italie –, et qualifiée de loge « noire » ou loge « clandestine » dont l’existence était illégale – au regard de la constitution italienne interdisant les loges secrètes et l’appartenance de représentants de l’État à des organisations secrètes – de 1976 à 1981.

La P2, surtout connue pour ses activités pendant la période où Licio Gelli était à sa tête, a fait l’objet de nombreuses controverses et scandales dans les années 1970 et 1980.

Loge P2 Licio Gelli in paramenti massonici

La loge Q 3 dans La soutane rouge

Roger Peyrefitte utilise l’existence de la loge P2 comme une base pour créer la loge Q 3, une organisation fictive mais inspirée des réalités troubles de la P2.

Il développe cet aspect dans son roman de la façon suivante. La Q 3 est présentée comme une société secrète au sein de l’Église catholique, impliquée dans des activités occultes et des manipulations politiques. Comme la P2, la Q 3 compte parmi ses membres des personnalités influentes du clergé, des politiciens et des hommes d’affaires, tous unis par des objectifs communs de pouvoir et de contrôle. Roger Peyrefitte décrit la loge comme étant impliquée dans des rituels secrets et des complots visant à manipuler les décisions de l’Église et à influencer les politiques publiques.

Le protagoniste de La Soutane rouge découvre progressivement l’existence de la loge Q 3 et ses activités, ce qui ajoute une dimension de suspense et de danger à l’intrigue.

La loge est impliquée dans des manœuvres politiques internes au Vatican, cherchant à placer ses membres dans des positions de pouvoir et à influencer les élections papales. À travers la loge Q 3, l’auteur dénonce l’hypocrisie et la corruption au sein de l’Église, révélant comment les ambitions personnelles et les intérêts occultes peuvent pervertir les institutions religieuses.

La loge Q 3 sert de symbole à la corruption et à la dégradation morale de l’Église. Elle incarne les forces sombres qui opèrent dans l’ombre, contrastant avec l’image publique de piété et de dévotion.

Par l’intermédiaire de cette loge fictive, Roger Peyrefitte critique non seulement l’Église catholique, mais aussi les sociétés secrètes en général, mettant en lumière leur influence néfaste sur la politique et la société.

1re de couv., détail

L’évocation de la loge Q 3 dans La Soutane rouge permet à Roger Peyrefitte de tisser une intrigue complexe et captivante tout en critiquant l’institution ecclésiastique. En s’inspirant de la véritable loge P2, il ajoute une dimension de réalisme et de profondeur à son récit, soulignant les dangers des ambitions secrètes et des manipulations politiques. La loge Q 3 devient ainsi un outil narratif puissant pour explorer les thèmes de la corruption, du pouvoir et de l’hypocrisie au sein de l’Église catholique.

Quant à La Soutane rouge est une œuvre provocatrice qui jette un regard critique et satirique sur l’Église catholique. À travers son récit d’ambition et de corruption, Roger Peyrefitte explore des thèmes universels tout en dénonçant les hypocrisies de l’institution ecclésiastique. Le roman reste pertinent aujourd’hui pour sa critique acerbe et son exploration des motivations humaines derrière la façade religieuse.

Mes TTCCSS & TTCCFF, nous vous souhaitons quel que soit vos lectures, un très bel été et d’excellentissime bonnes vacances !

La soutane rouge

Roger PeyrefitteÉditions Mercure de France, 1983, 206 pages – épuisé/disponible d’occasion sur les sites marchands

En poche : Folio (Gallimard), 1987, 192 pages, – épuisé/disponible d’occasion sur les sites marchands

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, directeur de la rédaction de 450.fm, est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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