mar 30 avril 2024 - 11:04

Comprendre ce que la Lumière révèle

(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Penser consiste à élaborer une conscience étendue et complexe en s’engageant dans le labyrinthe du monde et, chemin faisant, à recomposer l’histoire naturelle et culturelle de l’homme, tout en précisant les choix que l’on fait, dans sa vie comme dans la société, et les lignes d’action que l’on entend adopter et mettre en œuvre. Mais penser ne se fait pas seul. Cela commence par l’apprentissage d’un langage qui est à la fois parole et logique : logos.

On s’appuie donc toujours sur des références et des schèmes ressortissant à différentes catégories ou à différents ordres et encore reste-t-on dans les formes et les formats de la philosophie, cette discipline occidentale systématisant les connaissances de façon rationnelle et explicite, dégageant le fondement théorique de tout objet et le livrant à la réflexion critique selon des méthodes préalablement décrites et validées.

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Abstraction en bois d’une réunion de 7 personnages différents autour d’un flambeau posé sur une construction trinitaire également en bois

La franc-maçonnerie ouvre des voies sur ce plan par la fréquentation de la diversité des points de vue et grâce à la garantie de tranquillité intellectuelle et mentale qu’offre la protection de la loge et de ses rites. Mais la franc-maçonnerie de tradition initiatique propose aussi d’autres chemins d’accès à la réalisation de soi qu’un entraînement régulier favorise. Elle nourrit une quête et une présence spirituelles où, l’expérience aidant, la confiance que l’on fait à son être profond installe des intuitions voire des évidences dans la vision et la conduite des choses qui dépassent, toutes les deux, les traces et les tensions superficielles des phénomènes, en aidant progressivement au dévoilement et au déploiement des matrices et des moteurs de la vie elle-même.

Ainsi, l’initiation maçonnique, qui commence par une école du doute, culmine par une école de l’émergence. Quand vous regardez le Delta lumineux à l’Orient, vous visualisez symboliquement un œil où se reflète à l’infini la recherche d’une unité inaccessible dans son entièreté à l’être humain mais déjà concentrée dans ce fragment du monde qu’est un individu.  Peu à peu, vous démêlez les arpèges de l’univers, ces correspondances harmoniques qui font dialoguer microcosme et macrocosme dans des jeux aussi intimes qu’immenses de similarités et de complémentarités et vous cherchez à tenir votre pupitre avec justesse de façon que tout soit source de valeur dans la mélodie.

Pour ce faire, il faut se connaître et se reconnaître comme personne – cela va ensemble –, c’est-à-dire admettre sa figure singulière pour en maîtriser les traits et mettre autant que possible ses propres ressources au service d’un Soi toujours plus grand et plus proche, à la fois, sachant, par ailleurs, qu’il n’y a pas d’accomplissement sans engendrement, pas de tradition sans transmission. L’engagement maçonnique, qui, certes, comporte une large part de travail solitaire, ne serait-ce que par les exercices et les états de conscience auxquels il prédispose, n’a aucune vocation à conduire ses adeptes à une vie érémitique, c’est-à-dire enfermée dans une austère solitude, pas plus, d’ailleurs, qu’à une vie cénobitique, c’est-à-dire enclose dans une communauté retirée du monde.

Le franc-maçon comme son nom l’indique est un constructeur impliqué dans la cité mais c’est un homme d’action qui a un temple en tête, visant à y associer, dans une liberté heureuse et un plein respect mutuel, toutes ses sœurs et tous ses frères en humanité. Avec une telle ambition, il va de soi que, toute sa vie, il ne cessera d’apprendre à voir. C’est le prix de l’exigence qu’il cultive car, de manière constante, ce n’est pas une mince affaire que d’essayer de comprendre ce que la Lumière révèle.

2 Commentaires

  1. Toutes les expériences vécues s’enracineraient-elles dans le monde de la vie par l’intermédiaire du dialogue entre macrocosme et microcosme? ? Et ainsi, l’art, la philosophie, la religion, la logique et les sciences ne seraient pas des formes de savoir fondues dans un savoir absolu et clos, mais des expériences vitales et des manifestations de la pensée historicisées dans cette “unité inaccessible dans son entièreté à l’être humain” qu’elle reverserait dans les consciences au fur et à mesure de son actualisation.
    “La quête du caché et l’émerveillement devant la grâce du réel, la fusion régressive vers l’anéantissement et la puissance de l’affermissement de soi, toutes ces aspirations se mariaient sur la scène… Dans cette noce des abîmes et du superficiel,, de la stabilité et de la métamorphose”, le monde semblait renaître. Se recréer, sous les yeux, dans le corps des humains.”
    C’est ainsi que Nathan Devers (Penser contre soi-même, p.259, Albin Michel, 2024) évoque l’art de la Tragédie grecque. Nos rituels ne seraient-ils pas des représentations théâtrales de ce type?

    • Merci, Très Chère Solange.
      Les correspondances entre Microcosme et Macrocosme existent bel et bien dans l’organisation de la matière, elles aident à prendre conscience de notre appartenance à la grande imbrication des écosystèmes, avec ce corollaire immédiat, chuchoté par la Nature, d’une responsabilité redoublée des hommes à l’égard de cette planète qu’ils ont fait un peu trop leur.
      C’est aussi une dynamique poétique qui imprègne notre perception du vivant, qui tapisse notre curiosité et qui donne même à tous nos matins un horizon d’enfance, bref, qui guide intuitivement notre présence au monde.
      Mais ce n’est en rien un frein idéologique qui nous interdirait de comprendre ce qui s’en distingue. La physique quantique en est un exemple. Aussi bien, la connaissance du monde ne se réduit pas à des fractales dont on ferait varier l’échelle.
      Il n’en reste pas moins que notre être, notre espèce, sont solidaires de l’histoire de la Terre et de l’Univers.
      Je t’embrasse fraternellement,
      Christian.

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Christian Roblin
Christian Roblin
Christian Roblin est le directeur d'édition de 450.fm. Il a exercé, pendant trente ans, des fonctions de direction générale dans le secteur culturel (édition, presse, galerie d’art). Après avoir bénévolement dirigé la rédaction du Journal de la Grande Loge de France pendant, au total, une quinzaine d'années, il est aujourd'hui président du Collège maçonnique, association culturelle regroupant les Académies maçonniques et l’Université maçonnique. Son activité au sein de 450.fm est strictement personnelle et indépendante de ses autres engagements.

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