ven 22 novembre 2024 - 04:11

Les plus belles clés de voûte : par Laurent Ridel

L’architecture de la semaine : la façade de l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Paris

Au XVIIe siècle, des artistes français osent casser les codes de l’architecture religieuse, longtemps fidèle au style gothique. À partir de 1616, Samuel de Brosse dote d’une façade classique l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Paris (4e arrondissement).  Photo : John Gillespie/Wikimedia L’architecte trouve ses modèles dans les monuments de la Grèce ou de la Rome antique. La façade est structurée par des colonnes et des frontons triangulaire et curviligne (au sommet). Surtout cet ouvrage applique rigoureusement la théorie antique des ordres. À chaque niveau, doit correspondre un type de colonnes  Au rez-de-chaussée, le dorique, reconnaissable à ses chapiteaux géométriques et sobres. Au 1er étage, l’ionique, et ses chapiteaux à volutes (des enroulements). Au 2e étage, le corinthien, aux chapiteaux sculptés abondamment de feuilles d’acanthe. Moi qui vous habitue depuis des années à vous montrer des exemples d’architecture romane ou gothique, vous trouverez peut-être cette façade classique bien plus froide. Cependant, à l’époque, le résultat plaît beaucoup. Vers 1650, l’amateur d’architecture Henri Sauval juge l’ouvrage « si plein de savoir, de majesté, que ceux du métier le tiennent pour le plus excellent d’Europe ». Curieusement, cette façade agit comme un masque. Car une fois passée la porte, vous vous retrouvez dans une église typiquement gothique. Les plus belles clés de voûte. La semaine dernière, je vous montrais une superbe clé de voûte : la nef bayonnaise dans la cathédrale de Bayonne. Elle représentait un grand bateau médiéval. Cette sculpture échappe à la plupart des visiteurs, faute d’avoir le réflexe de regarder au-dessus de leur tête lors d’une visite. Vous ne le faites pas encore ? J’espère que ces quelques images photographiées lors de mes visites vous convaincront de cet effort musculaire.  On commence par cette clé de l’église Sainte-Radegonde à Poitiers, représentant le Christ bénissant.  Dans la cathédrale de Strasbourg, les clés présentent des visages sur les côtés.  Dans l’église Saint-Malo de Dinan, Dieu et des anges portent une image du Christ imprimée sur un tissu.  Dans la basilique Saint-Seurin de Bordeaux, l’architecte fut audacieux dans cette clé dite pendante. Elle montre le couronnement de la Vierge par le Christ. Ces clés pendantes deviennent une habitude à la fin du Moyen Âge. La chapelle des Bourbons dans la cathédrale de Lyon les multiplie.  Cette magnifique clé, récemment restaurée, se trouve dans une église modeste de Bourgogne, Saint-Julien à Sennecey-le-Grand. Entouré d’anges et des symboles des évangélistes, le Christ montre ses plaies aux mains. Cette dernière clé m’émeut. Comme quoi… Saint Michel délivre des griffes du diable une âme. A voir dans l’église de Caudebec-en-Caux (Seine-Maritime).  L’œuvre de la semaine : Notre-Dame de la Brune  Exposée dans l’abbatiale Saint-Philibert de Tournus (Saône-et-Loire), cette Vierge à l’Enfant appartient à la catégorie des Vierges en majesté : Marie est assise sur un trône, l’Enfant Jésus sur ses genoux. Quand vous êtes face à une Vierge en majesté, je vous conseille de l’analyser selon 6 critères :Le matériau employé La position des personnages Leur visage et expression Leurs attributs La disposition des vêtements et des plis L’allure du siège. Vous saisirez mieux l’intérêt et l’originalité de la statue. L’expression de Marie est grave, en accord avec celle de son fils. D’une main, l’enfant bénit ; de l’autre il tient un livre symbolisant son message. Malgré leur proximité physique, mère et fils ne se regardent pas et n’expriment aucune tendresse l’un envers l’autre.  Ces caractéristiques nous orientent vers une statue de l’époque romane, du XIIe siècle précisément. Le monogramme du socle (NDB) nous conduit vers son nom : Notre-Dame-la-Brune. Cette appellation ne fait pas référence à ses cheveux, mais à la couleur sombre de son bois, couleur que la dorure des habits, ajoutée au XIXe siècle, nous cache. Par l’archaïsme et la rigidité de la sculpture, cette Vierge à l’Enfant dégage une impression de force et de stabilité. Cette brune ne compte pas pour des prunes.  Votre question de la semaine : les copies d’églises L. André du Québec : En France, une église du Berry (Neuvy-Saint-Sépulchre) ressemble à l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, reliques incluses. Y a-t-il quelques églises en France qui sont une relative réplique d’autres églises et/ou sanctuaire reconnus ? Moi : Les églises ne se ressemblent généralement pas. Elles sont uniques.  Néanmoins certains monuments font des citations architecturales. Ils imitent certaines caractéristiques d’une église admirée ou vénérée : le plan au sol, la façade, une rosace… La différence de moyens financiers et l’évolution des goûts limitent cependant l’exactitude de la réplique par rapport à l’original.  L’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem est un modèle que les bâtisseurs ont essayé d’imiter. Elle est considérée comme le site le plus saint de la chrétienté, puisque bâtie sur le lieu de la crucifixion, de l’enterrement et de la résurrection de Jésus-Christ. Dans ce monument composite et plusieurs fois reconstruit, se distingue une rotonde dominée par une coupole. Rotonde qui fut reproduite un peu partout en Europe. Vous citez la basilique de Neuvy-Saint-Sépulchre, située dans un village de l’Indre et datée du XIe siècle. On connaît des versions encore plus modestes et plus libres comme la chapelle du Saint-Sépulcre à Peyrolles-en-Provence. PHOTO  : PMRMaeyaert/Wikimedia Commons Plus largement, l’architecture de certaines églises marqua tellement les esprits qu’on essaya de les copier. Ainsi un peu de la cathédrale d’Amiens se retrouve dans le chœur de la cathédrale de Cologne. Dans l’ordre cistercien, les abbatiales de Cîteaux et de Clairvaux furent des modèles. Ces rapprochements sont parfois facilités par l’intervention d’une même équipe de bâtisseurs sur les différents chantiers. Puisque vous habitez le Québec, je suppose que votre question est aussi inspirée par la cathédrale Marie-Reine-du-Monde à Montréal. Construite après 1875, cette église tente de copier la basilique Saint-Pierre de Rome. Là aussi, sans les mêmes moyens, mais la confusion est possible sur cette photo
Photo : Pierre5018/Wikimedia Commons 

A dimanche prochain 
Laurent Ridel

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