sam 27 avril 2024 - 12:04

Poursuivre au dehors l’œuvre commencée dans le Temple

Le sujet de cette chronique est en réalité l’objet même de l’engagement maçonnique.

Selon le rituel au REAA, il est dit à la fin des travaux : « Que la lumière qui a éclairé nos travaux continue de briller en nous pour que nous achevions au dehors l’œuvre commencée dans ce temple, » avant de préciser que cette lumière ne doit pas rester pas exposée au regard des profanes.

Que faut-il comprendre et retenir ?

Lorsqu’ il est temps de fermer les travaux et de fermer la loge, nous pouvons réaliser que nous venons de vivre un moment de spiritualité et d’émotion intense, mais aussi un moment de partage qui n’a été possible que grâce à la puissance du notre rituel, à l’amour bienveillant de nos Frères, dans ce qui est bien un espace-temps sacré.

Equerre et Compas avec G dans un cercle
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Bientôt, nous allons devoir quitter cet espace pour retourner vers le monde profane, le monde extérieur, les ténèbres. Mais la lumière doit continuer à briller en nous, pour qu’à notre tour nous la fassions rayonner, ne fût-ce qu’un peu, à l’extérieur. Cette lumière que nous sommes venus chercher, en frappant à la porte du Temple. Cette lumière que nous avons reçue le jour de notre initiation,

Le nouvel initié va pouvoir commencer l’œuvre, son œuvre : sa construction spirituelle et morale. Il va falloir travailler et travailler sans relâche pendant et en dehors des tenues de sa Loge, car la règle a bien 24 divisions, qui symbolisent « la journée du franc-maçon, dont toutes les heures doivent être utilement employées ».

Dans les loges du même Rite, il est dit :

« Avant de nous séparer, élevons-nous ensemble vers notre idéal. Qu’il inspire notre conduite dans le monde profane, qu’il guide notre vie, qu’il soit la Lumière sur notre chemin ! »

Alors ne nous y trompons pas, c’est bien en fait à partir de ce moment-là, lorsque nous quittons la Loge, que le travail du Franc-Maçon commence.

Porte d'entrée de temple maçonnique

Il retrouve brutalement tous ces métaux qu’il avait laissés à la porte du Temple. Il est seul, un parmi la multitude, un au sein de cette société, où l’intolérance, la violence, la xénophobie et le racisme sont banalisés, sans choquer qui que ce soit, cette société où l’homme ne pense plus qu’au travers des médias sociaux.

Bien sûr, le Franc Maçon se doit de travailler à son Perfectionnement.  Mais il doit concourir tout autant au perfectionnement de l’humanité.

Comme l’a écrit Céline Bryon-Portet,

« Le travail de l’initié prend naissance dans l’enceinte sacrée, où s’élabore la réflexion et où se cherche la sagesse, puis se prolonge et s’actualise dans le monde profane ».

Il faut en effet avoir à l’esprit l’idéal humaniste qui a soutenu la fondation de la franc-maçonnerie. N‘oublions pas que d’Alembert, Mirabeau, Montesquieu et même Voltaire, furent initiés.  

Au siècle des Lumières, la Franc-maçonnerie a puisé chez les encyclopédistes et les penseurs progressistes de l’époque l’idée d’une perfectibilité humaine, et le désir de répandre les fruits de la connaissance afin d’améliorer la condition des individus.

Elle a d’ailleurs fait sienne et peut-être même créé la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » que certains rites, dont le REAA, proclament à l’ouverture et à la fermeture des travaux.

Indiscutablement, tout franc-maçon sait que son effort doit se poursuivre dans le monde extérieur. Eveil intérieur puis retour à la matière, dans le monde extérieur. Si les deux premières étapes du processus se vivent en loge, la dernière ne peut s’accomplir qu’à l’extérieur, le but n’étant pas de développer une vie spirituelle coupée du monde réel, mais bien de développer un nouveau rapport au monde, un nouveau regard sur la matière.

Il n’est donc pas illégitime d’évoquer ici la transformation de l’être, la transmutation qui s’opère à mesure que l’initié progresse, une sorte l’alchimie spirituelle, …

Et c’est précisément ce que me semble signifier la phrase « achever au-dehors l’œuvre commencée dans le Temple » : en quelque sorte, l’œuvre alchimique ne peut être achevée sans réintégration à la matière, sans retour au monde profane.

Cela revient à dire que l’initié va réaliser que l’objectif de sa démarche maçonnique n’est pas de renoncer au monde physique, bien au contraire, mais de l’habiter d’une autre manière, plus consciente, plus éveillée.

Débarrassé de nos illusions et de fausses croyances, le regard de l’initié sur le monde se fait plus serein : il est plus conscient de l’ordre matériel que masquait son chaos mental.

En fonction de nos valeurs, de notre éducation, de notre culture, de notre psychologie et de notre chemin de vie, nous plaçons différemment le curseur entre ce qui nous paraît intéressé et désintéressé, frontière qui est en réalité toute relative voire artificielle.

Mais il reste que c’est ainsi, à son échelle, à sa mesure, que chaque franc-maçon change le monde, à son niveau, en toute humilité, sans ambition particulière et sans attendre d’autre récompense que la satisfaction du devoir accompli, c’est-à-dire d’avoir contribué à davantage d’harmonie, davantage d’Ordo plutôt que de Chao.

Dans le numéro 150 de Points de Vue Intiatiques, Bernard Lasserre nous rappelait cette évidence   :

« La recherche de la vérité est une constante, et celle de demain sera différente de celle d’hier. Comme le dit Lao-Tseu, le but n’est pas le but, le but est la voie. »

3 Commentaires

  1. Il me semble que l’Œuvre évoqué dans le rituel est le Grand-Œuvre au masculin. C’est pour cela qu’il est écrit dans le rituel :
    “Que la Lumière qui a éclairé nos Travaux continue de briller en nous pour que nous achevions au-dehors l’œuvre commencé dans le Temple, mais qu’elle ne reste pas exposée aux regards des profanes.”
    Commencé et non commencée..
    Très fraternellement

    • Mon TCF André,
      Je ne sais quel rituel tu consultes, mais si on considère la Grande Loge de France comme dépositaire du REAA dans notre pays, la formule n’est pas au masculin ce qui tendrait à accréditer la thèse que tu défends, mais au féminin : “Que la Lumière qui a éclairé nos Travaux continue de briller en nous pour que nous achevions au-dehors l’oeuvre commencée dans le Temple, mais qu’elle ne reste pas exposée aux regards des profanes.”( Rituels de la

  2. Rituels de la GLDF validés par le Convent de 2016, édités en 2017 mais conformes à ceux existant depuis au moins 1965. La formule est au féminin. Il n’ y a donc pas une quelconque incitation à considérer le Grand Oeuvre, que ce soit au sens alchimique ou même au sens “profane” de l’oeuvre de toute une vie d’artiste ou de penser.
    Ici, très directement, il est fait référence à la prolongation dans le monde profane et matériel du travail d’éveil spirituel auquel le Maçon est invité dans l’espace et le temps sacré de la Tenue de sa Loge.
    Cela dit, toutes les interprétations sont bienvenues, en ce qu’elles enrichissent la compréhension…
    Très fraternellement.
    Jean-Jacques Zambrowski

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Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski, initié en 1984, a occupé divers plateaux, au GODF puis à la GLDF, dont il a été député puis Grand Chancelier, et Grand- Maître honoris causa. Membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, admis au 33ème degré en 2014, il a présidé divers ateliers, jusqu’au 31°, avant d’adhérer à la GLCS. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur le symbolisme, l’histoire, la spiritualité et la philosophie maçonniques. Médecin, spécialiste hospitalier en médecine interne, enseignant à l’Université Paris-Saclay après avoir complété ses formations en sciences politiques, en économie et en informatique, il est conseiller d’instances publiques et privées du secteur de la santé, tant françaises qu’européennes et internationales.

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