mar 03 décembre 2024 - 18:12

Initiation et nudité

Allons, n’hésitons pas ! Retournons-nous jusqu’aux chasseurs-cueilleurs, nos ancêtres de quelques 2/300 000 ans pour rester approximatif et modeste. Osons la suite, qu’elles que soient les cavernes embrumées de ce passé, promenons-nous sur les cabosseries des cinq continents. Aujourd’hui, toujours, des initiations ont lieu de l’Afrique à l’Australie en passant par la Sibérie et autres Bordeaux !

Et confirmons ce que l’on sait des velléités d’extase des humains : partout en tout temps, les humains, ces violents « « homos demens », ont engendré, dans leur esprit fol, les subtils moments d’extase qu’ils connurent un jour et qu’ils tâchent de retrouver, hagards, seuls ou en bandes. Ces chemins de grandes retrouvailles, pour faire simplet, ont, pour noms : la méditation, la mystique et l’initiation ; sans vergogne seul ou en groupe. Tel bouddhiste médite, tels fidèles résonnent leur prière sous les gothismes, et tels autres, les méditants, des croyants, des mystiques délectent ensemble une psychagogie, qui les fait monter, comme d’autres, au dit septième ciel. La psychagogie est le nom formel de la pédagogie qui nous mène à la complétude, aux délices spirituels, à savoir à la jouissance singulière des corps, des sensibilités, des hautes profondeurs de l’extase où tout s’emmêle, en grande unité universelle.

La Franc-maçonnerie est une psychagogie de première qualité, bien que parfois traînarde avec quelques valeurs vieillies et racornies, comme la pudeur, la décence, le bon ton. Ce sont des freins balourds à l’élévation. Oui, balourds, parce que la spiritualité n’a rien à voir avec les valeurs morales d’une époque donnée. En fait, les cheminements initiatiques dont le nôtre, partent du moment superbe que nous connûmes tous. Cette prévie, celle du fœtus, baignée dans la jouissance d’un physique nu et d’un psychisme sans aguets. Partout, les cérémonie initiatiques se jouent ; dans les profondeurs de l’Afrique, chez les aborigènes, au milieu des cris hawaïens… A chacun de ces chemins, sa prosodie, son scénario liés à son histoire et valeurs profanes. Et la Maçonnerie se repait de mises en scène occidentales qui font le délice des timides et le socle du grand bon. Toute cérémonie initiatique nait dans le moment fœtal, jusqu’au retour de la Lumière, en résonance avec l’extase utérine. Je fus nu(e) dans le ventre ? Alors que je revienne à l’état de nudité pour exulter dans cette première lumière sombre, avatar céleste du corps-esprit. Quand je pense qu’un soir j’ai demandé à une Sœur pour quoi l’épaule de la candidate n’était pas dévoilée. La réponse me sidéra : « Par décence ! ». Rien compris ! Autre exemple sidérant : dans un rite, l’Expert répond au Vénérable qui demande « Comment ce candidat se présente-t-il à nous. Et l’Expert : « Ni nu ni vêtu mais dans une tenue décente ! ». « décente » ? je l’ai entendu des dizaines de fois en riant dans ma barbe… à la mode laminante et dominatrice. !

Jetons aux orties ces textiles qui empêchent nos réalités charnelles de se vivre en pleine nature, dans l’exaltation des chairs, des arbres, et de impalas. Ce que fait, en partie l’initiation maçonnique quand elle fait entendre, le mot est trop fort, quand elle fait palper en loucedé, ce message de fond apparent dans nos esprits-corps. Les voyages remettraient en question nos certitudes, présupposés, valeurs, opinions… Mais en fait, pour y parvenir, il nous faut un scénario plus concret, celui des vêtements qui nous affublent et met en guérite notre chair cachée. Quels sont donc ces murs bétonnés de textiles flottant ; les chemises, les jeans, les culottes et tout cet attirail pernicieux des modes, ces cache-misère des meutes : grâce à la mode, je ne suis pas miné par la panique de la perdition : « je suis comme les autres et je suis bien, très bien : la barbe de trois jours, les tennis blanches ? Mais c’est à la mode ! » répond-on. Et ainsi je suis aux anges dans la meute qui m’est assurance. Mais cette mode, celle de Sophocle, des présidents de nos démocraties borgnes, apaisent en nous cette tare insupportable de l’animal humain : la violence. Traitée avec génie par la Franc-maçonnerie dans sa manière de traiter le complexe d’Œdipe, tout à l’inverse de l’horreur des Évangiles.

Les épreuves sont légion dans les chemins initiatiques, particulièrement dans le nôtre. Mais il lui manque toujours une dispositions qui gommerait tout cet attirail hypocrite de vêtements, de bonnes raisons .Ces conceptions empêchent tout retour fondé en chair et en tête, vers l’extase fœtale : a- t-on vu un fœtus ou un spirituel reconnu comme François d’Assise, se soumettre aux raisonnements pitoyables du refus de la nudité ? Que nos épreuves lacèrent, par la planche à bascule, le breuvage amer…, et déchirent les oripeaux que la vie sociale nous a fait endosser, pour « réussir sa vie ». Plus de vêtements ? Alors la boucle de la complétude, de l’extase est enclaironnée par le cheminement initiatique, celle de la fusion en nature bouclée en anneau de lumière lorsque le bandeau tombe. Car c’est ici que les cheminements initiatiques, tels le nôtre, s’enracinent en utérus, se dévêtent et nous retrouvent nus et triomphants dans la Lumière. La boucle spirituelle est clamée, assumée. Nous avons encore du chemin à faire, dans. notre initiation maçonnique : saluer la grandeur spontanée, et naturelle de la nudité. Au loin les pulls et les chaussures du confort laxiste. Que l’on vienne à la seule donnée qui ouvre les portes de la complétude : la nudité. Oui, je suis clair ! A chaque fois que la psychagogie le réclame, mettons-nous à nu. Pour de vrai ! Et sans craindre la honnie promiscuité sexuelle, si gourmande et hâtive. Les naturistes nous l’assurent : le désir n’est pas un sauvageon agressif et dévorant. Pas seulement pour faire bien, comme les autres mais à nu c’est-à-dire sans chemise, ni jupe, ni slip, ni culotte. « Il est fou » ce Fontaine penserez-vous… Stéphane C. a vécu, en Loge, oui en Loge, cette expérience : debout totalement nu et revêtu du tablier d’Apprenti, ce premier objet de la complétude couronnée. Et je sais qu’il n’est pas le(la) seul(e) ! Cela ressemblerait aux cimes de l’extase psycho-sexuelle au-delà de la simple jouissance physique. Ce Frère, grâce à a sa Loge est un pionnier dans cette nudité : un module initiatique nouveau, un modèle de don de soi au monde et un modelage de son esprit vers l’univers ? Je suis sûr qu’il y a, d’autres Loges qui osent vivre le chemin initiatique en esprit et en corps enlacés. Là où il n’y a plus de sexes découpés hommes pénétrants, femmes pénétrées. Merci Sophocle ! Quand Jean de la Croix clame : : « Je suis l’épousée de Dieu ».

Là, maintenant, je dois être plus un narrateur réaliste qu’un abstrait bavard. Quand donc le(la) candidat(e) est nu(e) ? Bien sûr dans le cabinet de réflexion. Plusieurs lectures possibles du cabinet mais je retiendrai celle de la psychagogie néo-natale que nous mettons si bien en œuvre. Ce faisant j’entends bien que d’autres chansons peuvent avoir des gammes très peu ourlées par des élucubrations spontanées comme la mienne : la reprise de la jouissance utérine avec le retour dans les joies de la meute initiée, le moment troublant de la Grande Lumière. Nu, sans déni, dans le cabinet, puis toujours aussi nu dans le franchissement du col : la porte basse. Devant tous ! Quel exhibitionnisme ! pour les uns ; quel contact charnel avec la peau. A chacun de sentir le poids de ses mœurs sociales ingérées inconsciemment et restrictives.

Je sais bien que je rêve et que la nudité est inacceptable pour la majorité des Loges. Pourtant mettons-nous à jour : la France est le pays le plus naturiste avec 500 sites. Et elle tient son rang à l’instar des autres pays « démocratiques ». Tenez, regardez le rétrécissement des jupes, des maillots, les tatouages qui chantent la nudité en la soulignant. En fait remontons à l’Antiquité où la nudité était considérée comme une évidence statuaire, et, évidente dans les bains. Hippocrate, lui-même, promut le naturisme et en fut un des premiers adeptes. Puis le christianisme est arrivé avec le camouflage honteux de la violence. Dans le « plus grand amour » bien sûr. Alors, dans cette évolution, la nudité ? Finie au VIe siècle : Jésus est embâché dans un lambeau qui cache l’horreur de son attirail sexuel !

Le XIXe siècle jettera l’hameçon de l’interdit le plus loin possible. Nous nous en remettons à peine : 68, qu’il est bon de décrier, a réouvert bien des béances sur la nudité. Mais, la Maçonnerie tient bon avec la vieille valeur de « mœurs strictes et de bon renom ». Dégageons-nous, dans nos initiations de ces vieilleries, adulées pour leur ancienneté. En fait elles castrent complètement les cherchants.

Continuons la cérémonie. Les épreuves nous laissent imaginer que nous nous débarrassons de tous nos oripeaux textiles et mentaux. Ceux qui ne cessent de nous aveugler et nous repoussent hors de la vérité nue. Le bandeau est une création merveilleuse annonciatrice de la spiritualité en naissance. Et enfin la Grande Lumière ! Là il est évident que le retour à l’état édénique du fœtus se joue dans la nudité, offerte au monde ? Le futur Frère est sans artifices : il(elle) est dans la nature, au milieu de la meute qui lui fait haie et l’entoure en le reconnaissant dans sa vérité physique : tout(e) nu(e). Il est adoubé et alors il peut reprendre ses déguisements : maintenant, grâce à l’initiation, il n’est plus dupe de ses inventions sépulcrales : la nudité, ce n’est pas correct en tenue maçonnique ! »

Bien sûr, mes propos sont d’une logique de chirurgien : on découpe et enlève ce qui ne va pas ; ici les oripeaux, vêtements et bijoux. Dans les faits, chaque Loge s’attellera à deux missions, d’abord les remises en cause de la nudité devant les autres, et les limites que, avec la meilleure volonté du monde, elle ne pourra dépasser. Mais attention ! Sans arguments de fausse bonne conscience. !

Soyons, nous Francs-maçons, de notre temps : ne nous remet-il pas sur le chemin du naturisme ? Des femmes ont les seins nus sur les plages ; les jupes deviennent très courtes, la pornographie, même, se donne à représenter, en outrecuidance populaire, la nudité . Dans les familles même, le père et la mère se baladent très souvent, le matin, nus devant leurs jeunes enfants . Et quelle jouissance de se baigner nu, dans l’eau de la mer, de la rivière : nous sommes enveloppés de délices universels ! Avec toujours, dans le secret des tenues et des inconscients, la recherche de ce qui pousse bizarrement à fixer des limites à la nudité entre humains. Même Sigmund n’en dit rien. Les bonnes raisons se pressent au portillon de la honte camouflée. Osons : La nudité fonde la relation avec soi, les autres, le monde. En grande extase spirituelle.

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Jacques Fontaine
Jacques Fontaine
Jacques Fontaine est né au Grand Orient de France en 1969.Il se consacre à diffuser, par ses conférences, par un séminaire, l’Atelier des Trois Maillets et par une trentaine d’ouvrages, une Franc-maçonnerie de style français qui devient de plus en plus, chaque jour, « une spiritualité pour agir ». Il s’appuie sur les récentes découvertes en psychologie pour caractériser la voie maçonnique et pour proposer les moyens concrets de sa mise en œuvre. Son message : "Salut à toi ! Tu pourrais bien prendre du plaisir à lire ces Cahiers maçonniques. Et aussi connaître quelques surprises. Notre quête, notre engagement seraient donc un voyage ? Et nous, qui portons le sac à dos, des bagagistes ? Mais il faut des bagagistes pour porter le trésor. Quel est-il ? Ici, je t’engage à aller plus loin, vers cette fabuleuse richesse. J’ai cette audace et cette admiration car je suis un ancien maintenant. Je me présente : c’est en 1969 que je fus initié dans la loge La Bonne Foi, à Saint Germain en Laye, au Rite Français. Je travaille aussi au Rite Opératif de Salomon. J’ai beaucoup voyagé et peu à peu me suis forgé une conviction : nous, Maçons latins, sommes en train d’accoucher d’une Voie maçonnique superbe : une spiritualité pour agir. Annoncée dès le début du XXème siècle. Elle est en train de se déployer et nous en sommes les acteurs plus ou moins conscients mais riches de loyauté.

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