Ce jeudi 7 décembre 2023, le Grand Chapitre Général (GCG) du Rite Français (RF) du Grand Orient de France (juridiction des Ordres de Sagesse, grades au-delà de la maîtrise) remettait, Temple Groussier rue Cadet, cinq prix « Laïcité ».
Une cérémonie qui a eu lieu sous la présidence et en présence de Guillaume Trichard, Grand Maître du Grand Orient de France et de Philippe Guglielmi, Grand Vénérable du Grand Chapitre Général du GODF.
Cette année, l’invitée d’honneur est Madame Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique.
“Situé dans un lieu discret et préservé, le temple maçonnique se dresse tel un écrin mystérieux et solennel.
Avec son architecture, à la fois majestueuse et sobre, conçue pour refléter et honorer les traditions et les valeurs maçonniques., le grand temple Arthur Groussier a servi d’écrin à cette belle cérémonie qui a débuté à 18h avec l’accueil du public. Pour se clôturer avec un cocktail dinatoire au restaurant du Grand Orient de France.
Les lauréats 2023 sont :
PRIX SPÉCIAL DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA FEMME :
Hélène Zay est la fille de Jean Zay, ancien ministre de l’Éducation nationale et du Front populaire. Elle en perpétue sa mémoire, son courage et sa dignité.
PRIX NATIONAL DE LA LAÏCITÉ 2023 :
Stéphane Troussel, actuel Président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.
PRIX NATIONAL DE LA LAÏCITÉ 2023, mention spéciale Droits de l’Homme et de la femme :
Karim Bouamrane, Maire de Saint-Ouen pour la gestion de sa commune « première ville française à expérimenter un congé menstruel à l’image de ce qui a été instauré en Espagne.
PRIX INTERNATIONAL DE LA LAÏCITÉ :
Madame Feliciana FERREIRA, journaliste, franc-maçonne, TSPGV du Grand Chapitre Féminin du Portugal, ancienne Grand Maîtresse, fondatrice de la Grande Loge Féminine du Portugal.
PRIX NATIONAL DE LA LAÏCITÉ 2023 :
Observatoire de la Laïcité des Alpes-Maritimes (OLAM), association intervenant dans le département des Alpes Maritimes retenue pour son action, dans les écoles et quartiers du Département. Elle a été représentée par son Président Patrick Jeune.
La cérémonie en elle-même
Revenons sur le parcours de Mme Hélène Mouchard-Zay, personnalité notable connue pour son travail de mémoire et son engagement dans la préservation de l’histoire.
Née au Maroc en 1940,Hélène Mouchard-Zay est la fille de Jean Zay, député du Loiret en 1932 à l’âge de 27 ans puis ministre du Front populaire qui a joué un rôle crucial dans la réforme de l’éducation en France, assassiné par la Milice le 20 juin 1944. Son assassinat par le régime collaborationniste, traitre et félon de Vichy marque un épisode sombre de l’histoire française.
La vie et la carrière de Jean Zay symbolisent l’engagement en faveur des idéaux démocratiques et républicains, ainsi que la tragédie des persécutions durant la Seconde Guerre mondiale.
Jean Zay, dont une stèle lui rend hommage dans le hall d’accueil de Cadet, reçut la lumière le 24 janvier 1926 au sein de la loge Etienne Dolet du Grand Orient de France à l’orient d’Orléans, qui est également la loge de son père. Le 27 mai 2015, journée nationale de la Résistance, ses cendres sont transférées au Panthéon à Paris, un honneur réservé aux personnalités ayant marqué l’histoire de France.
Mme Hélène Mouchard-Zay est agrégée de Lettres classiques et a enseigné à l’Université d’Orléans. De plus, elle a joué un rôle actif dans l’administration municipale d’Orléans, servant de 1989 à 2001 en tant que déléguée, puis adjointe chargée de l’éducation, de la jeunesse et des droits de l’homme à la Mairie d’Orléans. En 1991, elle fonde le CERCIL Musée Mémorial des Enfants du Vel d’Hiv à Orléans, dédié à la mémoire des juifs assassinés pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment ceux qui ont transité par les camps. À 83 ans, elle continue inlassablement son travail de mémoire, préservant l’héritage de son père Jean Zay.
Hélène Mouchard-Zay , par son engagement dans la défense des droits de l’homme et de l’éducation a un parcours plus qu’exemplaire marqué par une volonté de faire face aux tragédies historiques tout en œuvrant pour l’éducation et la mémoire collective.
Stéphane Troussel, actuel Président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, est une figure importante de la politique française. Né le 7 avril 1970 à Saint-Denis, Stéphane Troussel a grandi dans la cité des 4000 à La Courneuve, une ville où il réside toujours. Cette expérience de vie dans un quartier populaire a probablement influencé ses perspectives politiques et son engagement envers les questions sociales et urbaines. Membre du Parti socialiste, Stéphane Troussel s’est distingué en tant que porte-parole de son parti. Sa carrière politique est fortement ancrée dans les valeurs de gauche, avec un accent particulier sur les questions de solidarité sociale et d’égalité. Il a mis aussi l’accent sur le développement de la culture, de la solidarité et le combat permanent pour l’égalité en Seine-Saint-Denis. Une approche visant à améliorer le cadre de vie et à réduire les fractures sociales dans un département qui est souvent confronté à des défis socio-économiques importants. Sa réélection à plusieurs reprises témoigne de son impact et de sa popularité dans son département.
Le maire de Saint-Ouen Karim Bouamrane a joué un rôle important dans l’introduction d’un congé menstruel pour les employées de sa ville (2000 personnes dont 1200 femmes), faisant de Saint-Ouen la première ville française à expérimenter une telle mesure annoncée le 8 mars 2023, marquant un engagement notable envers les droits des femmes et le bien-être des employées. Suivant l’exemple de l’Espagne, qui a adopté une loi similaire en février 2023, la mesure mise en place par Karim Bouamrane permet aux agentes souffrant de règles douloureuses ou d’endométriose de bénéficier de ce congé. Il est limité à deux jours par mois, sous certaines conditions. Cette initiative de Saint-Ouen pourrait potentiellement inspirer d’autres villes et organisations en France à adopter des mesures similaires, contribuant ainsi à une évolution des politiques de travail en faveur des femmes.
Quand vient, au Portugal, la Revolução dos Cravos, la révolution des Œillets et l’échec de la manifestation du 28 septembre 1974, Madame Feliciana Ferreira est emprisonnée à la prison de la Caxia. Prison qui, sous la dictature de l’Estado Novo, est un lieu où sont aussi enfermés les militants communistes et antifascistes. Des prisonniers fréquemment soumis à des traitements des inhumains et à la torture.
Elle entamera une grève de la faim de 20 jours. la vie professionnelle de Feliciana Ferreira est tout entière consacrée au journalisme dans le quotidien généraliste portugais le Diario de Noticias. Créé en 1864 et toujours considéré comme un journal de référence au Portugal, il est le plus ancien du pays. Il est notoirement connu pour ses positions laïques qu’il n’a jamais manqué de défendre. Combattante contre le fascisme, blessée par balle, emprisonnée, journaliste connue et engagée, Grande Maîtresse des franc-maçonnes portugaises, Grande Vénérable des hauts grades du Rite Français au Portugal, Feliciana Ferreira incarne une laïcité de combat.
Représentée par son président Patrick Jeune, l’Observatoire de la Laïcité des Alpes-Maritimes (OLAM) est une association à but non lucratif (Loi du 1er juillet 1901). Créé le 10 juillet 2012, ses actions s’articulent autour de deux axes : la promotion et la formation sur la laïcité et les valeurs de la République française. Basée à Nice, l’OLAM regroupe des femmes et des hommes engagés dans la promotion et la surveillance de la laïcité, principe fondamental de l’identité républicaine française.
S’adressant à une assistance nombreuse dans le grand temple, remplie d’une énergie palpable reflétant l’adhésion profonde de l’auditoire à la laïcité, Philippe Guglielmi, Grand Vénérable du Grand Chapitre Général (GCG) du GODF, gestionnaire des hauts gardes du Rite Français par délégation de l’obédience, tint des propos bienveillants et lumineux. À commencer par saluer la présence de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, faisant l’honneur de revenir au Grand Orient, car ayant, il y a peu, déjà présenté une conférence. Puis le président et l’ensemble des membres du jury pour leur travail de sélection des lauréats. Il salue aussi toutes les délégations françaises et étrangères de hauts grades.
Philippe Guglielmi rappelle que nous sommes à la veille de la promulgation de la loi de 1905*, donnant ainsi à ce prix une forte charge symbolique. Et de donner dans quelle forme de pensée se situe le GCG : société initiatique en amont et engagée dans la résolution du fait social en aval ; progressive dans la méthode initiatique et progressiste dans les projets, laïque et républicain dans les valeurs ; porteur des valeurs humanistes héritées de la franc-maçonnerie du siècle des Lumières ; en osmose avec les trois siècles d’histoire du Grand Orient de France ; savoir d’où nous venons tout en portant un regard prospectif ; le franc-maçon doit continuer à construire le temple intérieur pour aller vers un monde nouveau. Il précise aussi que les maçons ne veulent pas d’une société de l’exclusion, qu’ils ne sont pas coupés du monde, reclus dans leur temple, mais qu’ils sont là pour réfléchir à une société universelle avec plus de liberté et d‘équité pour les hommes et les femmes qui les entourent…
L’humanisme a un visage, poursuit-il, celui du vivre ensemble dans une société laïque, nous parlant d’un Laïcité avec une majuscule. Et de détailler ce qu’elle est, rappelant que Victor Schœlcher et Jules Ferry, de la même loge « La Clémente Amitié » à quarante années de distance, ont fait résonner leurs pas ici-même., de la même loge « La Clémente Amitié » à quarante années de distance. La Laïcité, c’est la liberté.
Annonçant ensuite les lauréats à commencer par la remise du prix spécial des droits de l’homme et de la femme à Mme Hélène Mouchard-Zay et de dire que, ce soir, elle était l’histoire, celle de son père.
Madame la ministre Agnès Pannier-Runacher, dans son discours, nous dit qu’elle est honorée d’être avec nous ce soir pour ce rendez-vous annuel du prix national de la laïcité, quelques semaines seulement après être intervenu sur le thème de l’égalité, un mois après le discours du président de la République pour les 250 ans du Grand Orient.
Remerciant le Grand Chapitre Général, elle rappelle qu’il est de notre responsabilité à tous de défendre ce mot si français de laïcité. Et de relever que certains tentent d’instrumentaliser la laïcité pour mieux diviser notre pays, saluant celles et ceux qui, au péril des insultes des menaces, des violences parfois, n’ont pas abandonné le combat en faveur de la laïcité. Notre modèle étant celui de la Loi de 1905. Non pas celui comme certains voudraient nous faire croire de l’effacement des religion. Mais un modèle qui offre une séparation nette entre toutes les églises, non pas non plus celui du refus de la spiritualité et du sacrée, mais un modèle qui offre au contraire des espaces dédiés protégés…
Puis un frère déclina le magnifique poème de Paul Éluard (1895-1952) « Liberté » qui fut écrit dans le contexte de l’occupation nazie. « Liberté » est un cri de résistance et d’espoir. Le poème utilise la répétition de “Sur mes cahiers d’écoliers… Je dessine ton nom” pour exprimer l’importance de la liberté malgré les répressions.
« Sur mes cahiers d’écolier/Sur mon pupitre et les arbres/Sur le sable sur la neige/J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues/Sur toutes les pages blanches/Pierre sang papier ou cendre/J’écris ton nom »
Et à la dernière strophe, prononça le mot laïcité suivi de celui de Liberté
« … Et par le pouvoir d’un mot/Je recommence ma vie/Je suis né pour te connaître/Pour te nommer/Liberté. »
Comme pour nous dire que comme l’aspiration à la liberté est inhérente à toutes les facettes de la vie et de la nature, la Laïcité doit l’être aussi ! Rappelons que ce poème est devenu un symbole de la lutte contre l’oppression. Il a été utilisé dans la Résistance française : des exemplaires du poème étaient parachutés par les Alliés sur la France occupée. Ce geste symbolisait non seulement la résistance mais aussi l’espoir et la solidarité.
Enfin, le discours du très illustre frère Guillaume Trichard, grand maître, qui, honoré et ému, clôt cette douzième édition. Nous sommes ici autant de gardiens et défenseurs d’un bien aussi précieux que fragiles qu’est la laïcité qui incarne les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Il félicite chaleureusement tous les lauréats pour leurs efforts en faveur de la promotionnelle de laïcité. Ce qui mérite notre plus profond respect et notre admiration. Et de saluer un esprit collectif qui nous anime. Citant aussi Jean Zay, Pierre Brossolette et Salvator Allende.
Un engagement pour la laïcité qui doit prendre vie et se concrétiser en dehors de ce temple.
Un engagement dans des domaines tels que la culture, la politique, la société civile en général.
Le grand maître rappelle que l’‘islamisme par la voix de ses prédicateurs et les armes assassine un touriste à Paris, assassine les enseignements, assassine des jeunes femmes des jeunes hommes voulant la faire la fête, assassine ceux assistant à feu d’artifice…
Il rappelle aussi que la Déclaration universelle des droits de l’homme a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies un certain 10 décembre 1948.
Un très beaucoup discours chaleureusement applaudi.
*Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Rappelons, tout d’abord, que cette loi proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et encadre la pratique religieuse dans l’espace public. La loi de 1905 proclame en premier lieu la liberté de conscience : « La République assure la liberté de conscience ».
Elle a pour corollaire la liberté religieuse, la liberté d’exercice du culte et la non-discrimination entre les religions. Elle pose en second lieu le principe de la séparation des Églises et de l’État : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Elle met fin au Concordat instauré en 1802 qui régissait les relations entre l’État et les cultes. Jusqu’alors, l’État reconnaissait quatre cultes (catholique, réformé, luthérien, israélite) qui étaient organisés en service public du culte. L’État payait les ministres du culte et participait à leur désignation ainsi qu’à la détermination des circonscriptions religieuses. Les autres cultes n’étaient pas reconnus.
ActuaLitté-Les univers du livre » nous apprend, ce jour, la disparition d’une grande dame de la librairie :
« Catherine Martin-Zay, la fille aînée de l’éminent résistant français et ancien ministre de l’Éducation nationale sous le Front populaire Jean Zay, est décédée le 28 décembre 2023 à l’âge de 87 ans, a annoncé sa fille, Sophie Todescato. Elle fut une personnalité marquante d’Orléans pour sa librairie Les Temps Modernes, fondée en 1964. »
https://actualitte.com/article/114997/librairie/librairie-catherine-martin-zay-fille-de-jean-zay-et-figure-d-orleans-n-est-plus