jeu 02 mai 2024 - 12:05

Universalisme : voici la truelle pour le cimenter ?

Le communautarisme anglo-saxon n’est pas la bonne solution si on veut concrétiser l’universalisme. Des recherches montrent néanmoins des outils simples qui permettent de promouvoir l’universalisme et réduire le favoritisme intra-groupe.

Dans son dernier livre « La jeunesse, l’école et la République », Iannis Roder dresse la liste des difficultés que rencontre actuellement la laïcité dans notre pays, et les menaces que cela représente. Une des causes du phénomène est que nous nous étions en quelque sorte assoupis, protégés croyions-nous par la loi de 1905 qui nous semblait définitivement acceptée. La surprise vient évidemment de la vigueur religieuse de la communauté musulmane, qui semble de moins en moins encline à reconnaître le primat de la loi française.

Parmi les causes de cette situation, Iannis Roder pointe la présence forte du modèle communautariste anglo-saxon. Celui-ci déferle en effet sur le monde par tous les canaux culturels grands ouverts :  c’est la Soft Power. Ce modèle paraît plus acceptable aux cultures non chrétiennes probablement parce qu’il n’a pas pour ambition l’universalisme complet. « Venez comme vous êtes », slogan publicitaire de McDonalds, promet de ne pas mettre la pression au nouvel arrivant pour le couler dans le moule local. Et voilà donc plusieurs de nos enseignants qui se  retrouvent avec des observations avancées par les élèves telles que :  « au Royaume-Uni il y a des policières voilées et ça se passe très bien. »

Quand je dis que le modèle anglo-saxon manque pour moi d’ambition, je le soupçonne en fait d’une sorte d’hypocrisie.

On se borne à juxtaposer les communautés, et le taux de mélange avoisine zéro.

Chaque communauté peut gentiment en son sein dénigrer les autres, ils n’en sauront rien. Mais, premier problème, de temps en temps les discours haineux entraînent des esprits faibles jusqu’au passage à l’acte. Les dirigeants de chaque communauté sont polis mais toujours dans le rapport de force inter-communautés. Le modèle c’est donc aussi une juxtaposition d’intérêts divergents ( les psys appellent ça discrimination aversive : chicos, non ? ) ;  mais fraternité = zéro. A ce propos, rappelons que dans 5 états des USA ( donc 10%), les grandes loges ne reconnaissent pas les grandes loges Prince Hall ( = pour les noirs ), en 2023 ? Vous trouvez cette franc-maçonnerie humaniste et universaliste ?

Bref, le communautarisme est directement inspiré de l’altruisme paroissial « aime ton prochain comme toi-même »… pour les autres, tu fais ce que tu veux, les ignorer par exemple, ou pourquoi pas en faire un bouc émissaire. Vous l’aurez compris, je suis pro-laïcité et anti communautarisme (d’autres éléments : L’universalisme :  « Nous en sommes à ça… » – article du 24 Mai 2023)

Ci-après je vous parle d’expériences psycho-socio intéressantes, facilitées par le communautarisme, mais partiellement transposables dans notre situation. Un des problèmes rencontrés par les enseignants est que beaucoup de leurs jeunes élèves se définissent d’abord par leur communauté religieuse : identité = religion, et rien d’autre. Il s’ensuit qu’ils acceptent « pour toujours » l’assignation à leur communauté de naissance.

Les psys ont reconnu que cette mono-identité est un frein.

Ils recommandent donc, et intègrent dans leurs expériences, la mise en avant de facettes identitaires multiples, et au moins deux : « messages d’identité duale ».

L’affaire a en fait démarré en 2016 avec un spot publicitaire nommé « nous partageons plus que ce que nous pensons ». Ce spot concernait une télé au Danemark, et a rencontré un immense succès, réussissant de manière très simple à souligner la multiplicité des facettes et états mentaux que nous avons tous : https://www.youtube.com/watch?v=jD8tjhVO1Tc

Rassembler ce qui est épars commence par mettre les points communs en évidence.

Les chercheurs en psychologie néerlandais Strick et Tummers ont voulu aller plus loin. Ils ont produit un film similaire (4 minutes), basé à Utrecht, avec une version locale où il est donc question d’Utrecht et de ses habitants, et une version universelle, identique sauf que verbalement il est question de villes et des résidents. Trois groupes représentatifs de 300 personnes ont été constitués, l’un voyant le film local, l’autre le film universel, et le troisième aucun film. Les trois groupes ont ensuite été interrogés (chaque groupe ensemble dans la salle), permettant les comptages OK/NOK.

Résultat : un tel très court film a néanmoins un impact positif significatif sur plusieurs aspects pro-diversité :  favoritisme accordé à son groupe en réduction, soutien de la politique gouvernementale concernée, attitude plus ouverte à la diversité.  Peu de différence de résultats entre les deux films, donc pas d’impact « localiste ».

Le groupe qui a été interrogé sans voir de film a nettement moins évolué dans ses avis et attitudes. Notons à ce propos que les comportements anti-discrimination ont été très peu affectés dans les 3 groupes, au contraire donc des avis exprimés. L’impact positif le plus fort apparaît chez ceux qui ont bien perçu le message d’identité duale présent dans le film. 

Force est de constater qu’un outil tel que ce film, qui ne prend que 4 minutes, plus quelques-unes de discussion, pourrait être une aide non négligeable pour maintenir la cohésion dans nos écoles.

Qu’en pensez-vous ?

2 Commentaires

  1. C’est un sujet difficile, peu abordé et pourtant il constitue une des spécificités de la démarche maçonnique : l’universalisme versus le nationalisme !

    En parler et mettre en valeur le partage qui est réalisé dans les loges vraiment universelles serait effectivement une bonne manière d’en augmenter l’usage !

    Fraternellement
    Alain

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Patrick Van Denhove
Patrick Van Denhovehttps://www.lebandeau.net
Après une carrière bien remplie d'ingénieur dans le secteur de l'énergie, je peux enfin me consacrer aux sciences humaines ! Heureux en franc-maçonnerie, mon moteur est la curiosité, et le doute mon garde-fou.

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