Le rituel, c’est d’abord un livre qui contient les rites et puis c’est devenu un synonyme du rite, de sorte qu’aujourd’hui les mots s’interchangent.
Les francs-maçonnes et les francs-maçons lorsqu’ils se réunissent utilisent un des rituels maçonniques existant. C’est grâce à lui, quand il joue pleinement son rôle, que les participants conservent généralement en souvenir une forte émotion de ce qui s’est passé lors d’une tenue.
Cette manière de faire n’est pourtant pas spécifique à la franc-maçonnerie.
Depuis l’antiquité, les êtres humains utilisent des rituels.
Les rituels sont utilisés soit dans le cadre de réunions soit de façon personnelle.
Tous les modes de réunion peuvent être concernés ; on décrit par exemple des rituels funéraires pour les enterrements, des rituels d’exorcisme ou des rituels d’initiation ; c’est ainsi qu’il y a des milliers de rituels possibles.
Le rituel peut être très simplifié, comme une manière de se dire bonjour, ou très complexe avec différents temps et des participants plus ou moins nombreux !
Le rituel n’est pas réservé aux rencontres ésotériques ; on le retrouve dans toutes les activités humaines ; par exemple dans le sport, le repas, la danse, etc.
On peut pratiquer un rituel seul ou en groupe !
Le rituel peut être associé à la Paix ou à la Guerre, à l’amour ou à la haine !
Toutes les sociétés humaines fonctionnent avec des rituels, quel que soit le pays, la culture, riche ou pauvre, homme ou femme !
Nombreux sont aussi les rituels utilisés par des personnes à titre personnel ; l’exemple le plus connu est le rite du lavage des mains mais il y en a une multitude. A un stade pathologique cela devient une obsession.
Le rituel aide, apporte et constitue un espace-temps ! Comme il est connu par le groupe qui le pratique, chacun connaît les codes qu’il utilise ainsi que les accessoires qu’en franc-maçonnerie on appelle les symboles ! Le rituel rassure celles et ceux qui l’utilisent.
Cinq questions méritent des réponses :
- Peut-on s’en passer ?
- Le contenu du rituel joue-t-il un rôle ?
- Comment agit-il ?
- Les rituels maçonniques ont-ils une particularité ?
- Comment permettre au rituel de jouer son rôle ?
Peut-on s’en passer ?
Claude-Marie Dupin dans un article de la revue « Actualités en analyse transactionnelle » y répond indirectement :
« Il y a plus de 30 ans, j’ai eu la chance de rencontrer Margaret Mead, la psychologue et anthropologue américaine, qui, dans ses études de diverses civilisations (civilisations d’Océanie dites « traditionnelles »), s’est particulièrement intéressée à l’importance des rituels dans la construction de l’identité, comme apportant le contexte culturel indispensable à l’existence signifiante de l’homme. Le rite et les rituels constituent le ciment des groupes humains ; ils donnent le cadre qui va permettre de marquer d’une façon stable les passages importants de la vie avec leur entrée et leur sortie. Ils vont manifester les racines du groupe et l’appartenance de chacun à ses racines. »
Pascal nous offre une autre réponse :
En vérité, il est toujours possible de s’en passer mais c’est le plus souvent pour y revenir ; l’exemple typique en sont les funérailles non religieuses : la fadeur, le manque de solennité et le peu d’émotion aboutissent généralement à réinventer un rituel qui accompagnera un nouvel événement.
Le contenu du rituel joue-t-il un rôle ?
On pourrait le croire tant, pour une même fonction, les rituels sont nombreux.
Mais l’expérience montre qu’en réalité le contenu n’a qu’un rôle accessoire ; pour illustrer ce propos on peut citer l’exemple de la messe en latin pour les catholiques ; en introduisant la messe dans les langues nationales, l’église catholique a cru que cela améliorerait la connaissance de la liturgie ; en fait cela a entraîné une importante déception chez des fidèles qui bien que ne connaissant pas le latin s’étaient appropriés les différents temps du rituel.
Sigmund Freud remarque à ce sujet que « L’homme pieux exerce généralement le cérémonial religieux sans s’interroger sur la signification de celui-ci, même s’il est vrai que le prêtre et le chercheur peuvent être au fait du sens du rite, la plupart du temps symbolique. »
Dans ce chapitre, se pose la question de la réflexivité du rituel ! (voir schéma ci-dessous)
On lira à ce propos le travail (qui ne me semble pas concluant) de Guillaume Rozemberg, “Magie du rituel, démon de la réflexivité“.
Comment agit le rituel ?
Il est de coutume d’expliquer la fonction du rituel à partir de quatre éléments :
- la très grande régularité d’un fonctionnement qui accompagne une socialisation;
- la répétitivité des gestes, des paroles, des codes mis en place qui favorisent un apprentissage ;
- l’identité formelle des situations dont les enjeux ne varient pas et qui constituent des repères sûrs, même si les contenus évoluent ;
- les contraintes claires, des règles bien posées et respectées par tous.
Les rituels jusque dans l’entreprise
Makeba Chamry, co-autrice du livre « Les Rituels en entreprise », explique dans une interview au journal « Les Echos » :
« C’est encore une discipline expérimentale qui émerge partout dans le monde. J’ai travaillé avec des chercheurs de l’université de Stanford sur le sujet. Quatre familles de rituel répondant aux problématiques des travailleurs ont été identifiées : la célébration, la cohésion, la création et les rituels de passage. Il s’agit d’accompagner les transitions pour éviter l’accumulation et le burn-out. L’objectif d’achever un projet, tirer un bilan et faire de la place pour ce qui va arriver. »
Des rituels pour valoriser la réussite :
- « Show your stuff » : dégager un sens à une production ;
- « Utalk » : rituel de partage d’une réussite.
- « University » : organiser des ateliers d’apprenants.
N’est-il pas surprenant de voir que dans certaines obédiences on se crêpe le chignon pour savoir si les tenues doivent être symboliques ou sociales alors que dans l’entreprise, les gestionnaires se voient proposer des rituels fondées sur la mise en valeur d’un contenu symbolique ?
Les rituels maçonniques ont-ils une particularité ?
La spécificité des rituels maçonniques est liée à leurs objets ; ils correspondent à un espace temps symbolique particulier : il y aura des rituels pour l’initiation, d’autres pour des réunions correspondant à un changement de degré (ou grade) ou par exemple un rituel particulier pour une tenue funèbre.
Si on devait leur trouver une particularité, on pourrait la trouver dans le caractère institutionnel du rituel dans la dynamique maçonnique considérée comme une activité non religieuse.
Si on analyse l’ensemble des rites maçonniques, on pourrait, en considérant les plus importants d’entre eux, les classer dans la catégorie des rites funéraires. Tout se passe comme si l’initiation maçonnique offrait à l’âme du défunt (symbolisé par Maître Hiram) une réincarnation dans le nouvel initié. A la réception du profane, on l’évoque pas, mais tout prend ce sens avec l’élévation à la maîtrise. Naturellement, les “side degrees” ont voulu “effacer” ce sens !
Lire à ce propos l’article de Christian Biot intitulé “Des rites humains autour de la mort“.
Comment permettre au rituel de jouer son rôle ?
L’intérêt du rituel n’est accessible que si certaines conditions sont réunies :
- La connaissance du rituel par les officiants : l’idéal c’est de le connaître par cœur comme au rite Emulation ; voir des officiants lire leur « partition » sur un bout de carton ne fait pas très sérieux ! La connaissance sur “le bout des doigts” permet aussi aux officiants de donner une tonalité à la diction ;cela facilite aussi la régularité et la répétition dont on a vu qu’elles jouaient un rôle très important.
- L’appropriation du rituel par les participants ; même si les participants ne jouent pas un rôle actif dans la réalisation du rituel, le suivi qu’ils apportent est un élément important; un rituel qui n’est suivi que par une partie des membres de l’assemblée perd beaucoup d’influence dans sa fonction ! Il ne joue plus son rôle. C’est une constatation très fréquente.
- Un contenu adapté à la fonction associée ; le contenu concerne à la fois la gestuelle et le commentaire qui y est associé. Dans le cas des rituels maçonniques, les contenus et la gestuelle ont su traverser les siècles malgré les évolutions sociétales.
- Et surtout bien veiller à ce que chaque rituel ait un sens ! La question se pose pour la tenue sans ordre du jour particulier ; les rituels utilisés concernent l’ouverture et la fermeture des travaux. Bien souvent, c’est devenu une routine sans odeur ni saveur ! Redonner un sens à ces deux temps nécessite un peu d’imagination ; c’est indispensable !
En conclusion
Il est clair que le rituel est ambivalent ; d’un côté il donne une dynamique au groupe et d’une autre manière il peut susciter un rejet voire une réaction pulsionnelle agressive.
En loge, nous avons la chance de posséder un merveilleux outil mais en réalité parfois, tout se passe comme s’il n’était plus adapté à un vécu et qu’il devenait un repoussoir !
Alors que le monde de l’entreprise le redécouvre, nous, nous avons parfois tendance à ne plus le comprendre !
En réalité, le rituel est un outil symbolique, une sorte de levier qui peut nous propulser, comme une énergie, et nous aider à vivre, à inventer et à créer !
A chacun de comprendre comment se le réapproprier dans son parcours initiatique.
C’est aussi une garantie de cohésion de la loge lorsqu’il est bien utilisé !