On a souvent de Merlin l’image populaire véhiculée par Walt Disney : un magicien un peu farfelu à la longue barbe blanche et au chapeau pointu… Pourtant, son histoire va bien au-delà…
Comme tous les personnages issus de la mythologie, Merlin a une conception extraordinaire : c’est le fils du diable et d’une pure jeune fille.
Ni homme, ni dieu, prophète et détenteur du savoir, Merlin apparaît dans la littérature à partir du XIIe siècle dans les Prophetia Merlini de Geoffroy de Monmouth (c.1095-1155), évêque au service du roi Henri Ier d’Angleterre (c.1068-1135),
connu pour avoir été le premier à rédiger une version très étendue de la légende arthurienne et qui a servi de modèle à l’ensemble des récits arthuriens postérieurs – textes toutefois largement dépourvus de toute base historique. Geoffroy de Monmouth évoque tour à tour druide, enchanteur, devin, savant maîtrisant la valeur symbolique et curative des plantes, métamorphoses, etc.
De tout temps, les hommes ont été fascinés par Merlin l’enchanteur, maître de la nature et du savoir universel.
Une histoire d’amour féérique
Merlin est-il mort au sens où nous l’entendons aujourd’hui ? Dans la légende, ce serait l’amour qui aurait perdu Merlin pour toujours… La fée Viviane, ou la Dame du Lac, désireuse de le garder auprès d’elle pour l’éternité, aurait enfermé son maître et bien-aimé dans une prison d’air d’où s’échappe parfois des volutes argentées… Phénomène peut-être trop abstrait pour des homo sapiens cartésiens, il semblait donc plus simple d’’imaginer le célèbre enchanteur prisonnier d’un tombeau.
Merlin, enterré depuis le Ve siècle ?
Avant que le site du Tombeau de Merlin ne soit en partie détruit au XIXe siècle, le monument était une sépulture mégalithique : une allée couverte de schiste rouge de 12 mètres de long, datant de la période Néolithique. Aujourd’hui seules deux pierres subsistent. Deux roches, l’une contre l’autre… Ou l’irréelle présence des deux amoureux liés à jamais par un enchantement ? Qui peut savoir…
Une invention datant de 1820…
Le Tombeau de Merlin se situe dans la forêt domaniale de Paimpont en direction de Saint-Malon-sur-Mel. Le site, proche de la route, est aménagé avec des sentiers et des panneaux d’information.
Au début du XIXe siècle, M. Jean Côme Damien Poignand, ancien avocat, juge d’instruction au tribunal de Montfort, membre du Conseil administratif d’arrondissement et auteur notamment d’une notice historique rédigée à la demande du ministère de l’intérieur sur quelques antiquités de Bretagne, spécialement de l’arrondissement de Montfort, en est convaincu. Il l’affirme en 1820 dans une brochure.
Il est bel et bien l’inventeur du Tombeau de Merlin en forêt de Paimpont – appelée forêt de Brécilien jusqu’au XVᵉ siècle – en 1820. Une « découverte archéologique » ouvrant ainsi la voie à l’implantation du légendaire arthurien en forêt de Paimpont.
Merlin, le conseiller du roi Arthur, celui qui succomba aux charmes de Viviane avant de se faire enfermer par la belle, a été enterré vers la fin du Ve siècle en forêt de Brocéliande dans un endroit appelé les Landelles près de Saint-Malon-sur-Mel.
Les dalles du Tombeau de Merlin
Quelques années plus tard le buzz est amplifié par la revue « Le Magasin Pittoresque », parue la première fois en janvier 1833 sous la forme d’un fascicule de huit pages, qui propose même un dessin représentant un cromlec’h.
On y montre un trou d’eau circulaire entouré de quelques pierres. Disons-le tout de suite, sous cette forme, ce lieu n’existe pas en forêt de Brocéliande…
Quand Tradition et porte-bonheur…
par Claudine Glot, femme de lettres française, spécialiste de la légende arthurienne, de la mythologie celtique et du patrimoine de Bretagne du Centre de l’imaginaire Arthurien* (CIA)
Devant ces pierres investies de l’aura de Merlin, les fidèles déposent quotidiennement petits mots, menus cadeaux, couronnes et bouquets de fleurs. Alors, allée couverte ? Faux tombeau ? Ou vraie boîte aux lettres ? Il importe finalement assez peu. Juste un détail, qu’il faut signaler ici : Merlin n’écrivait pas. Il laissait cette charge à son vieil ami et conseiller Blaise. Alors peut-être suffit-il de penser très fort à votre vœu et de l’envoyer ainsi à Merlin, gardien toujours bien présent de la vieille terre de Brocéliande…
Brocéliande
Aussi appelée forêt de Brocéliande, est une forêt mythique et enchantée citée dans plusieurs textes, liés pour la plupart à la légende arthurienne. Ces textes, datés du Moyen Âge pour les plus anciens, y mettent en scène Merlin, les fées Morgane et Viviane, ainsi que certains chevaliers de la table ronde. D’après ces récits, la forêt de Brocéliande héberge le Val sans retour, où Morgane piège les hommes infidèles jusqu’à être déjouée par Lancelot du lac ; et la fontaine de Barenton, réputée pour faire pleuvoir. Brocéliande serait aussi le lieu de la retraite, de l’emprisonnement ou de la mort de Merlin. Le premier texte à la mentionner est le Roman de Rou, chronique versifiée rédigée par le poète normand Wace vers 1160.
*Le Centre de l’imaginaire arthurien (CIA) est un centre culturel soutenu par une association loi de 1901, consacré à la matière de Bretagne et tout particulièrement la légende arthurienne.
Fondé en mai 1988 à Rennes sous l’impulsion de différents spécialistes de la légende arthurienne, d’élus locaux, d’artistes et d’écrivains, son siège est situé au château de Comper en forêt de Paimpont (Brocéliande) depuis 1990.
Il organise chaque année une exposition consacrée à une thématique de la matière de Bretagne et une saison culturelle avec de nombreux événements, parmi lesquels la « Pentecôte du roi Arthur », les « Rencontres de l’imaginaire de Brocéliande » et la « Semaine du dragon ».
Sources : Office du Tourisme de Brocéliande, https://broceliande.guide/ ; Wikipédia, https://www.broceliande-vacances.com/ ; Wikimedia Commons ; Photos Yonnel Ghernaouti, YG