La Franc-maçonnerie se fonde sur le travail sur soi en vue de s’améliorer. Pourtant il existe en ce 21e siècle des Grandes Loges racistes. Ce paradoxe demande explication.
Une fois n’est pas coutume, j’inclurai un peu de grognement défoulant dans ce billet, même s’il reste dans ma lignée obstinée « je veux comprendre ».
Nous avons tous un ami que l’on peut ranger dans la catégorie « complotiste ». Bien sûr, il n’y en pas deux pareils, mais les sociologues ont débusqué quelques invariants. Bien souvent, on trouve au départ une personnalité qui souhaite de la reconnaissance en se démarquant des courants de pensée « mainstream », et recherchant l’information alternative que les élites veulent garder cachée. Dans notre monde actuel toutefois, on est devant une mosaïque de théories du complot interconnectées, qui se modifient sans cesse au gré des focalisations du moment.
Et notre complotiste en herbe se retrouve vite à soutenir non plus une mais un bouquet de théories du complot. A sa décharge, il faut rappeler que Goebbels déjà nous disait qu’un mensonge sans cesse martelé devient une vérité. Nous sommes donc tous influencés par nos lectures, et comme certaines nous plaisent plus que d’autres, nous voilà dans une boucle de renforcement, avant même que les algorithmes et les bulles cognitives qu’ils créent ne continuent cette œuvre de communautarisation clivante.
Mais le côté éminemment changeant du paysage proposé par internet diminue peut-être la virulence du phénomène ; cela reste à investiguer par les sociologues. En contraste, la lecture des livres, essais ou même fictions, doit logiquement créer des effets plus durables, en bien comme en mal…
Ceci m’amène à une lecture récente d’échanges sur une page maçonnique américaine sur un réseau social. Un frangin anglais découvrait effaré qu’aux USA il y a toujours 5 états, soit 10%, où la Grande Loge et la Grande Loge Prince Hall (= noirs et latinos) ne se reconnaissent pas et ne se visitent pas. Cela se passe dans les états dits de la « Bible Belt ».
A la question qui naît inévitablement (comment est-ce possible en 2023 ? Comment ne pas nommer cela du racisme ?), le modérateur indiquait qu’il est souhaitable que cela évolue, et qu’il faut prier pour qu’un jour tout s’arrange.
J’en déduis que ces frangins sous-traitent au GADLU des choses qui sont à leur main. Cela rappelle les pantoufles qui finalement sont responsables d’au moins autant de maux que les bottes, non ?
Comment se peut il qu’un ordre dont le premier objectif est le travail d’amélioration de soi en soit là ? Faut il voir dans cette mentalité rétrograde une des raisons pour lesquelles le nombre de francs-maçons aux USA, supérieur à 4 millions dans les sixties, est désormais sous le million ?
Quid si nous zoomons un peu sur les pratiques ? D’abord, les rites pratiqués là-bas imposent le par-cœur. Jusque-là on voit mal pourquoi cela freinerait le travail sur soi. Il faut tout de même ajouter qu’il n’y a pas non plus de « planches ». Or, les planches incluent chez nous une incitation à expliciter les réflexions qu’on fait sur soi-même. Cette verbalisation aide puissamment à se comprendre et à agir en conséquence.
Le travail à la gloire du GADLU, je n’y vois pas de contradiction de principe avec l’idée de travail amélioratif sur soi, et idem pour l’obligation de proclamer que l’on croit en dieu et/ou en la survivance de l’âme après la mort. Croire qu’un juge pèsera nos actes ou se dire que l’humanité vaut qu’on l’aime et qu’on travaille à l’apaiser, cela vise le même but.
Mais ensuite nous avons le Volume de la loi sacrée. Ici je commence à être un peu inquiet. Lorsqu’on ne fait pas de planches, ou si tout sujet sociétal ou religieux est rigoureusement interdit, il ne reste à l’adepte que la lecture et l’exégèse (sans critique du fond !) de la Bible et/ou du nouveau testament.
Je voyais sur un autre réseau social un « BibleBot Automatic Daily Verses », déversant en continu les plus belles citations des écritures. Je soupçonne que les passages effrayants, le Bot les glisse sous le tapis. Juste un exemple : « je suis le Seigneur notre Dieu, le Dieu fort et jaloux, qui venge l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la 3ème et jusqu’à la 4ème génération.. » Exode 20,5. Oui aujourd’hui on appelle cela génocide.
« Aime ton prochain » est interprété comme une subtile autorisation à détester ce qui est lointain ou différent : bonjour racisme, sexisme, clivages communautaristes et autres suprémacismes.
La personne qui baigne dans ces textes qui datent de plusieurs millénaires ne peut qu’être influencée par l’état d’esprit de l’époque d’écriture : domination des uns sur les autres (femmes, esclaves, autres « races » ou religions, etc.) , châtiments sanguinaires, justifications par renvoi à la volonté de l’être suprême, pensée magique… Notons à ce propos que les traductions ont un peu adouci la pilule : par exemple, le mot esclave a été remplacé par servante. Seuls les lecteurs ayant du recul pigeront la ‘manip’.
Nos frangins qui baignent dans ce jus ne peuvent qu’arriver à la conclusion que l’humain est une espèce figée telle que le créateur l’a pondue, avec ses différences qui induisent autant de hiérarchies et d’autorisations de mauvais traitements. Puisque l’espèce est figée, il est peu urgent d’y travailler pour l’améliorer, d’autant que nous n’avons pas à nous prendre pour dieu en corrigeant l’épure : un p’tit coup de rabot hygiénique sur sa propre personne, et basta. Bref, c’est cela l’anti-Lumières.
Est-ce comme cela qu’il faut voir la franc-maçonnerie ? A moi les tradis, montrez nous votre volonté.
merci à toi Yonnel !
On attribue à l’homme d’État allemand, proche d’Adolf Hitler, Joseph Goebbels (1897-1945) la phrase « un mensonge répété mille fois se transforme en vérité ».
La vérité historique m’oblige à souligner qu’il n’a pas été prouvé, à ce jour, que cette citation puisse lui être attribuée.
Toutefois, je reconnais bien volontiers qu’il s’agit quand même d’une bonne synthèse de ce que ce sinistre personnage, ministre de l’Éducation du peuple et de la Propagande du IIIe Reich a malheureusement produit pendant la Seconde Guerre mondiale. Un travail tellement efficace qu’il y a des gens qui défendent encore aujourd’hui ces « soi-disant vérités »… Sans compter sur ceux qui, par contre, ici et maintenant, encore et toujours, sont tout aussi nocifs en reproduisant les mêmes schémas de pensées maléfiques et en utilisant les mêmes médias et plus (presse, radio, cinéma, TV et désormais réseaux sociaux ), mobilisés à leur botte pour servir leur politique nauséabonde…