lun 25 novembre 2024 - 07:11

Loge Athanor : rebondissement dans l’affaire criminelle

De notre confrère RTL – Thomas Prouteau – édité par Joanna Wadel

D’après les informations de RTL, le tentaculaire dossier du réseau de francs-maçons à l’origine d’une série de contrats criminels – dont l’assassinat du pilote de rallye Laurent Pasquali en 2018 et la tentative d’assassinat d’une chef d’entreprise à Créteil en 2020 – vient de s’enrichir d’une mise en examen particulièrement sensible.

Un policier en poste au sein la DGSI, le prestigieux service de renseignement intérieur, a été mis en examen à Paris le 9 décembre dernier pour « association de malfaiteurs », en vue de commettre un meurtre en bande organisée. II est soupçonné de s’être procuré l’adresse privée du pilote et de l’avoir transmise à l’officine criminelle contre rémunération. L’agent de renseignement de 49 ans, en poste depuis 2011 et également passé par la DGSE entre 1996 et 2007, a assuré à plusieurs reprises devant les enquêteurs de la Brigade criminelle qu’il n’était « pas au courant du projet criminel ». 

Mais d’après nos informations, celui-ci a reconnu avoir obtenu l’adresse grâce à une recherche policière dans des fichiers administratifs, fin 2017. « Pendant des mois, je me suis réveillé à six heures du matin en pensant que vous alliez venir me chercher », a-t-il confessé devant les enquêteurs de la police judiciaire parisienne. Le suspect affirme n’avoir appris la mort du pilote qu’en février 2021, lorsque le démantèlement du réseau criminel lié à la loge maçonnique Athanor de Puteaux (Hauts-de-Seine), a fait la Une des journaux.

D’après le policier de la DGSI, c’est l’un des deux cerveaux du groupe criminel, le « vénérable » Frédéric V., un ancien communiquant de PSA reconverti dans la sécurité privée et les contrats de recouvrement de dettes violents, qui l’a sollicité pour trouver l’adresse privée du pilote Laurent Pasquali fin 2017. Frédéric V. avait lui-même été missionné, selon le dossier d’enquête, par un couple de notables, afin récupérer une dette de 100.000 euros due, selon eux, depuis des années par le pilote de rallye. 

Pour ce service tout à fait illégal de recherche dans des fichiers de police, que les policiers appellent « la tricoche », l’agent de la DGSI a touché « deux ou trois cent euros », selon ses déclarations aux enquêteurs. Ce n’était pas la première fois : l’homme a reconnu devant la Brigade criminelle avoir effectué plusieurs consultations illégales, notamment dans le TAJ (Traitement des antécédents judiciaires) ou dans CRISTINA, le fichier secret-défense de la DGSI, dont certaines déjà pour le compte de Frédéric V. 

Les deux hommes s’étaient rencontrés au cours de formations de sécurité privée, organisées par une connaissance commune, Daniel B., l’autre cerveau de l’officine criminelle, lui-même ancien agent des renseignements intérieurs. Ce qui n’étonne plus dans ce dossier, où grouillent espions et ex-espions de petit calibre reconvertis dans les activités mafieuses. 

Le 6 décembre dernier, les deux juges d’instruction en charge du dossier se sont d’ailleurs rendus, d’après les informations de RTL, dans les locaux de la DGSI afin de perquisitionner le bureau et l’ordinateur du policier mis en cause. Une opération plutôt rare.

Un assassinat entouré de zones d’ombres

La suite, tragique, est connue. L’adresse de Laurent Pasquali est transmise à l’équipe « opérationnelle », qui travaille pour Frédéric V. et Daniel B. Fin novembre 2018, le pilote de rallye est froidement abattu dans le parking de sa résidence et transporté en Auvergne où son corps est brûlé et enterré. Les restes du corps ne seront retrouvés qu’un an plus tard par un promeneur. 

Si l’exécution ne fait à ce jour plus de doute, la nature du contrat initial fait aujourd’hui l’objet de versions contradictoires entre les suspects : Frédéric V. affirme avoir uniquement demandé à Daniel B. que son équipe passe au peigne fin l’appartement et récupère toutes les valeurs possibles, mission qui aurait été confiée par les commanditaires. Daniel B., lui, a certifié à plusieurs reprises devant les enquêteurs que c’est un contrat d’élimination « homo » en bonne et due forme qui lui a été passé et qu’il a transmis à l’équipe opérationnelle. 

Ces nouvelles révélations sont accueillies avec stupéfaction par Maître Sandrine Pégand, l’avocat de la mère et du frère de Laurent Pasquali : « Je suis totalement choquée de me rendre compte qu’il y a un policier de la DGSI dont le secret doit faire partie de son ADN, qui est impliqué de manière directe dans la mort de mon client, puisque sans la communication de l’adresse il serait peut-être encore avec nous », tonne le conseil. Et de poursuivre : « Délivrer l’adresse personnelle à des gens peu recommandables, ce n’est jamais anodin, on ne sait jamais ce qu’il peut se passer derrière, et qu’on me dise pas ‘je ne savais pas c’était pour arrondir mes fins de mois’ ». 

Le policier « dépassé » et interdit d’exercer

Athanor d’alchimiste

Selon nos informations, au cours de sa garde à vue, le policier impliqué a répété à trois reprises, dans des propos parfois accompagnés de larmes, qu’il ne savait pas ce qui allait se passer. Frédéric V. lui avait indiqué, selon ses déclarations, qu’une personne lui devait beaucoup d’argent et qu’il n’arrivait pas à le retrouver. Il n’aurait plus eu de nouvelles après coup. Lorsqu’il a appris l’assassinat du pilote de rallye dans la presse, en 2021, il a préféré ne rien dire « par peur ». 

En tout, d’après le dossier d’enquête, il a perçu près de 80 000 euros de la part de Daniel B. pour divers missions entre 2014 et 2018. Devant les enquêteurs de la brigade criminelle, l’agent s’est dit « dépassé par l’ampleur » de ses actes et prêt à en « assumer la responsabilité ». Son avocat, contacté par RTL, n’a pas souhaité faire de commentaire de même que celui de Frédéric V. Le policier a été placé sous contrôle judiciaire, et interdit d’exercer par la justice. Une procédure disciplinaire est engagée par le ministère de l’Intérieur.

Tous les soirs pendant deux ans et demi, il y a une mère qui a mis une assiette en plus à table, persuadée que son fils allait rentrer. C’est tout simplement inhumain. Maître Sandrine Pégand, avocate de la mère et de frère de Laurent Pasquali

Par ailleurs, le dossier de l’assassinat de Laurent Pasquali va connaître une autre évolution dans les prochaines semaines. D’après les informations de RTL, la mère et le frère du pilote souhaitent en effet déposer plainte contre l’État pour faute lourde, affirme leur avocate, Me Sandrine Pégand. Car les ossements de Laurent Pasquali, découverts par un promeneur dans une forêt près de Cistrières en septembre 2019, ont été identifiés dès novembre 2019, et ce grâce à l’ADN de sa mère, prélevé dans le cadre de l’enquête pour « disparition inquiétante », ouverte à Nanterre.

Athanor d’alchimiste ancien

Mais la famille n’a jamais été informée de cette identification. C’est par la presse, en février 2021, lorsque parait l’information sur les crimes avoués par le réseau des « francs-maçons criminels », que les proches de Laurent Pasquali apprennent sa mort violente. « Tous les soirs pendant deux ans et demi, il y a une mère qui a mis une assiette en plus à table, persuadée que son fils allait rentrer. C’est tout simplement inhumain », déplore Sandrine Pégand. « On nous a dit que c’est parce que la famille était soupçonnée, mais il n’y a pas un seul acte d’enquête en ce sens au dossier », a-t-elle ajouté. La plainte doit être déposée dans les prochaines semaines.

Désormais 19 personnes sont mises en examen dans le dossier fleuve de la loge « Athanor », qui compte un assassinat, une tentative d’assassinat, une surveillance en vue d’un assassinat, plusieurs agressions crapuleuses… le tout sur fond de barbouzeries privées d’une ampleur absolument inédite.

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