Nous savons tous que le maçon est un être tolérant, charitable et fraternel.
Mais la question est de savoir à qui s’applique cette tolérance, cette charité et cette fraternité.
Soulignons d’abord que la tolérance maçonnique n’est qu’une tolérance à l’égard des idées et à l’égard de l’expression des opinions. La tolérance c’est accepter que les autres ne pensent pas comme vous. Elle ne consiste pas toujours à admettre que les autres n’agissent pas comme vous. Elle n’est en aucune façon une tolérance à des actes qui seraient répréhensibles, que ce soit d’un point de vue légal, éthique ou simplement lié aux convenances.
La tolérance maçonnique doit d’abord s’appliquer en loge. Notre tolérance s’exerce dans un espace protégé, avec des règles strictes, normalement à l’abri des excès…
Hubert Greven, Passé Souverain Grand Commandeur du SCDF nous dit « Mais si le Franc-maçon a le sens, inné ou acquis, de la tolérance, il a également le devoir d’intolérance, au même titre que les Etats ont le devoir d’ingérence dans le domaine humanitaire. Et cette intolérance doit d’abord s’appliquer à soi-même. Le Maçon Écossais possède, par l’utilisation des outils symboliques, les armes de la connaissance, de la liberté de conscience et de la tolérance pour combattre en lui-même les trois mauvais Compagnons que sont l’ignorance, le fanatisme et l’ambition personnelle… »
C’est donc à notre discernement, riche de la connaissance et de l’amour acquis dans nos loges, et à notre conscience que nous devons nous fier pour la pratique de la tolérance. Mais justement, à quel moment doit-on cesser de tolérer des écarts, des « pas de côté » dans le non-respect des règles ? Car n’oublions pas que les règles que nous nous imposons en loge résultent de nos serments. Nous les avons librement consentis et nous avons juré de les appliquer.
Dans le monde profane, le philosophe politique américain John Rawls pose la question « Doit-on tolérer les intolérants ? » Il y répond positivement, indiquant que de ne pas les tolérer serait intolérant et serait donc une injustice. En revanche il établit qu’une société tolérante a le droit et le devoir de se protéger et que ceci impose une limite à la tolérance. C’est donc la loi qui définit ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas. Mais au-delà de cette vision légale, il y a tout ce qui fait civilisation : les mœurs, la civilité, les pratiques diverses, les us-et-coutumes, la culture, les interdit et les tabous. Aucune loi n’interdit de mettre les pieds sur la table au restaurant. Doit-on le tolérer d’un convive indélicat ?
On voit bien que cette tolérance est limitée, que ce soit d’un point de vue légal, éthique ou simplement par les convenances. D’où la relativité ontologique de l’idée de tolérance. Elle est totalement liée au contexte du moment, dans le temps et dans l’espace.
« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » écrivait Pascal. Cela s’applique aussi au Bien et au Mal qui sont des notions éminemment relatives, même s’il y a des grands principes et des valeurs que nous espérons universelles.
Finalement, la tolérance est facile à définir : « vous ne pensez pas comme moi et je l’accepte » !
Si vous ne l’acceptez pas et si vous faites savoir que vous êtes le représentant de l’Empire du Bien et que l’autre est renvoyé dans les ténèbres du Mal, alors, vous êtes intolérant.
Une fois ces principes posés, on comprend que la vie réelle, celle qui n’est pas la vie spirituelle ou celle des idées éthérées, nous donne de nombreuses raisons d’être intolérant.
On peut être intolérant car l’autre tient des propos déshonorants qui risquent de se traduire en actes dangereux. Quand des milliers d’islamistes ou de compagnons de routes de l’islamisme insultent et incitent au meurtre de la jeune Mila qui à simplement exprimé son avis sur l’islam, il faut être intolérant avec ces adeptes d’une idéologie barbare. Il ne faut pas s’abriter derrière une tolérance naïve qui n’est souvent que le cache sexe d’une lâcheté habillée en soucis de ne pas mettre de l’huile sur le feu, de dégrader le vivre-ensemble ou de favoriser je ne sais quel courant politique qualifié « d’extrême droite ». La simple gêne que doivent ressentir certains en lisant ces lignes en dit long sur la soumission au terrorisme intellectuel qui s’empare de notre société de liberté. Mais vouloir interdire les propos de Mila en les qualifiant de l’étiquette discriminante et diabolisante « d’incitation à la haine » est simplement une entrave à la liberté d’opinion et d’expression qui doit être un principe fondamental en franc-maçonnerie. « Aucune limite à la recherche de la vérité » proclament certains rituels. Il faut être intolérant avec ceux qui veulent abolir votre propre liberté de pensée et d’opinion.
On peut être intolérant parce que l’autre ne se comporte pas comme il convient. On peut tout à fait tolérer que certains pensent que la terre est plate ou que l’homme a été créé il y a 6000 ans. Cela ne nuit à personne. Mais nous interdire de proclamer que c’est faux n’est pas acceptable, même si cela doit blesser la sensibilité des adeptes de la terre plate ou les adversaires de la théorie de l’évolution. Quand un écologiste vous dit que le train émet moins de CO₂ que la voiture individuelle ou l’avion, ce qui est souvent vrai mais pas toujours, c’est une opinion et elle doit être tolérée. Mais quand ce même écologiste vous dit qu’il faut interdire l’avion sur des distances de moins de 400 km pour imposer le train, il est légitime de ne pas tolérer ce totalitarisme vert.
Enfin, un degré du REAA nous enjoint à « combattre toute autorité usurpée, abusive ou irrégulière, qu’elle soit politique, militaire ou religieuse ». Dans une démocratie, ce principe s’applique aussi à la dictature des minorités. La démocratie ne se limite pas au processus électoral. Elle inclut tout un corpus de pratiques. La véritable démocratie a le respect des minorités. Mais elle ne les érige pas en norme majoritaire. Dans tous les domaines, elle cherche une conciliation des contraires afin d’aboutir à une cohabitation harmonieuse et paisible de la majorité et de la minorité. La norme qu’elle soit sociale, éthique ou politique ne doit pas privilégier les minorités au détriment des majorités.
Il faut être intolérant avec ces dictats importés des USA sous le terme de « woke ». Déplorer les discriminations fondées sur la race, le genre ou les pratiques sexuelles dont sont victimes certaines minorités est un combat légitime. Toujours ces phrases d’un rituel issu d’une conception éthique de la Chevalerie « … le maçon doit combattre tous les privilèges, qu’ils s’inspirent d’intérêts particuliers ou collectifs ».
Mais ce mouvement « woke » porte en lui une dérive totalitaire. À partir du constat de certains privilèges de majorités, il veut lui substituer des privilèges de minorités. Et contre cela, il faut être intolérant car on ne combat pas une injustice en établissant une autre injustice.
En conclusion, toute tolérance n’est pas légitime et toute intolérance n’est pas illégitime. Seule notre conscience et notre discernement nous permettrons d’adopter une attitude juste et une forme d’équité au-delà de la notion de justice.
Bonjour,
Tout à fait d’accord avec ta vision du wokisme, bel article.
Merci et joyeuses fêtes.
Fraternellement,
F.