jeu 28 mars 2024 - 12:03

Regard sur… la Théorie de l’attachement

La théorie de l’attachement est un champ de la psychologie qui traite d’un aspect spécifique des relations entre êtres humains. Son principe de base est qu’un jeune enfant a besoin, pour connaître un développement social et émotionnel normal, de développer une relation d’attachement avec au moins une personne qui prend soin de lui de façon cohérente et continue (« caregiver »). C’est dans ce sens qu’on peut dire que l’attachement est primordial pour l’évolution psychologique de l’enfant. Cette théorie a été formalisée par le psychiatre et psychanalyste John Bowlby après les travaux de Winnicott, Lorenz et Harlow.

Au sens de la théorie de l’attachement, le comportement infantile associé à l’attachement est essentiellement la recherche de proximité avec une figure d’attachement lors de la survenue de situations de stress. Les enfants en bas âge s’attachent aux adultes qui se montrent sensibles et attentionnés aux interactions sociales avec eux, et qui gardent leur statut de caregiver d’une façon stable au moins plusieurs mois durant la période qui va de l’âge de six mois environ jusqu’à deux ans. Vers la fin de cette période, les enfants commencent à utiliser les figures d’attachement (c’est-à-dire l’entourage familier) comme base de sécurité à partir de laquelle ils vont explorer le monde, et vers qui ils savent qu’ils peuvent retourner. Les réponses de l’entourage au comportement de l’enfant guident le développement de schèmes d’attachement (des modèles opérationnels de l’environnement et de l’organisme construits et élaborés par l’enfant) ; ceux-ci seront à leur tour la base de la mise en place des modèles internes opérants qui régiront les sentiments, pensées et attentes des individus par rapport à leurs relations, et ce dès l’enfance. L’angoisse de séparation ou la douleur qui suivent la perte d’une figure d’attachement est considérée, de la part d’un jeune enfant, comme une réponse normale et adaptative. D’un point de vue évolutionniste, cet ensemble de comportements est peut-être apparu du fait qu’il accroît la probabilité de survie d’un enfant.

Pour les nourrissons et les jeunes enfants, le comportement d’attachement permet de maintenir la proximité avec les figures d’attachement, habituellement les parents. Photo d’une famille inuit prise en 1917.

Les recherches de la psychologue du développement Mary Ainsworth au cours des années 1960 et 1970 ont donné un socle aux concepts de base, en introduisant la notion de base de sécurité et en développant la théorie de l’existence de schèmes d’attachement dans la petite enfance : attachement sécurisé, attachement anxieux et attachement évitant ; un quatrième schème, l’attachement désorganisé, a été identifié plus tard. Au cours des années 1980, la théorie est étendue aux relations d’attachement entre adultes. D’autres types d’interactions peuvent être interprétées comme des situations particulières du comportement d’attachement : ceci inclut les relations entre pairs quel que soit l’âge, l’attraction sentimentale et sexuelle et les relations de soins envers les jeunes enfants ou les personnes malades ou âgées.

Afin de formuler une théorie complète de la nature des premiers attachements, Bowlby a exploré un large ensemble de domaines incluant la théorie de l’évolution, les théories de la relation d’objet (un des principaux concepts de la psychanalyse), l’analyse systémique, l’éthologie et la psychologie cognitive. À la suite des articles préliminaires de 1958, Bowlby a exposé la théorie de l’attachement dans l’ouvrage en trois volumes Attachement et perte (1969-82 pour l’édition originale, 1978-84 pour l’édition française). Dans les premières années de diffusion de la théorie, Bowlby a été critiqué par les psychologues universitaires, et la communauté psychanalytique l’a marginalisé pour s’être écarté des principes de la psychanalyse ; la théorie de l’attachement est cependant devenue depuis « l’approche dominante pour la compréhension du développement social précoce, et a été à l’origine d’une importante vague de recherches expérimentales dans la mise en place des relations des enfants avec leurs proches ». Les critiques ultérieures de la théorie de l’attachement se rapportent à la complexité des relations sociales et aux limites d’une classification discrète des schèmes comportementaux. La théorie de l’attachement a été significativement modifiée à la suite de ces recherches expérimentales, mais les concepts sont désormais largement acceptés au début du xxie siècle.

Attachement

Bien que la figure d’attachement primaire est habituellement la mère, les bébés forment des liens d’attachement avec toute personne prenant soin d’eux et répondant à leur demande d’interactions sociales. Photo prise à Nampula au Mozambique en septembre 2005.

Au sens de la théorie de l’attachement, l’attachement est un lien affectif entre un individu et une figure d’attachement (en général un caregiver, une personne qui prend soin). Un tel lien peut être réciproque entre deux adultes, ou s’établir entre un enfant et la personne qui en prend soin ; dans ce dernier cas, le lien est basé sur les besoins de l’enfant en matière de sécurité, de protection et de soins, en particulier dans la petite enfance et l’enfance. La théorie propose que les enfants s’attachent instinctivement aux caregivers, favorisant ainsi leur survie ; ainsi, le résultat biologique est un accroissement des probabilités de survie de l’enfant, et le résultat psychologique, un sentiment de sécurité. La théorie de l’attachement n’est pas une description exhaustive des relations humaines, elle n’est pas non plus synonyme d’amour et d’affection, bien que ces sentiments peuvent indiquer l’existence de liens entre deux personnes. Dans les relations d’enfant à adulte, le lien de l’enfant est appelé « l’attachement » et l’équivalent réciproque du caregiver est appelé le « caregiving » (terme repris de l’anglais qui signifie « prendre soin », dans le cadre de la théorie de façon cohérente et continue).

Les jeunes enfants forment des attachements avec toute personne prenant soin d’eux de façon cohérente et répondant à leur demande d’interactions sociales. La qualité de cet engagement relationnel est plus importante que la quantité de temps passé. La mère biologique est habituellement la principale figure d’attachement, mais ce rôle peut être tenu par toute personne qui adopte un comportement « maternel » cohérent et constant sur une certaine période de temps. Dans la théorie de l’attachement, cela se traduit par un ensemble de comportements qui associent l’engagement dans une interaction sociale vivante avec l’enfant et une réponse volontaire à ses signaux et approches. Rien dans la théorie ne suggère que les pères ou de tierces personnes ne sont pas également susceptibles de devenir la principale figure d’attachement s’ils procurent la plus grande partie des soins et des interactions sociales de l’enfant.

Certains jeunes enfants dirigent le comportement d’attachement (la recherche de proximité) envers plus d’une figure d’attachement aussitôt qu’ils commencent à discriminer les différentes personnes qui prennent soin de lui ; la plupart cependant en deviennent capable au cours de leur deuxième année. Ces figures d’attachement sont hiérarchisées, avec la figure d’attachement principale en haut de la hiérarchie. L’effet du système comportemental d’attachement est de maintenir un lien avec une figure d’attachement disponible.

« Alarme » est le terme désignant l’activation du système comportemental d’attachement causé par la peur ou le danger, alors que l’« anxiété » est l’anticipation de la peur ou de la séparation d’avec la figure d’attachement ; si la figure d’attachement est indisponible ou ne répond plus, une détresse apparaît chez l’enfant. Chez les jeunes enfants, la séparation physique peut ainsi provoquer anxiété et colère, puis détresse et désespoir. Vers l’âge de trois ou quatre ans, la séparation physique n’est plus vécue comme une menace pour le lien de l’enfant avec la figure d’attachement. Les menaces pour la sécurité affective de l’enfant plus âgé et de l’adulte surviennent en cas d’absence prolongée, de rupture de communication, d’indisponibilité émotionnelle, ou de signe de rejet ou d’abandon.

Comportements

Des schèmes d’attachement insécurisés peuvent compromettre l’exploration de l’environnement et la mise en place de la confiance en soi. Un bébé sécurisé dans ses schèmes d’attachement est libre de se concentrer sur son environnement.

Le système comportemental d’attachement permet le maintien ou la mise en place d’une proximité étroite avec la figure d’attachement. Les comportements de pré-attachement surviennent dans les six premiers mois de vie. Durant la première phase (les huit premières semaines), les jeunes enfants sourient, babillent et pleurent pour attirer l’attention des caregivers. Bien qu’ils apprennent à cet âge à distinguer les différentes personnes qui prennent soin d’eux, leurs comportements sont dirigés envers toute personne de l’entourage.

Pendant la seconde phase (de deux à six mois), le jeune enfant distingue de mieux en mieux les adultes familiers des non familiers, devenant plus particulièrement attentifs à ceux qui prennent soin d’eux ; l’orientation visuelle et l’agrippement aux personnes sont ainsi ajoutés au rang des comportements.

Des attachements plus actifs se développent lors de la troisième phase, de six mois à deux ans environ ; le comportement de l’enfant envers les personnes qui prennent soin de lui commence à s’organiser en fonction d’objectifs basés sur les conditions qui le font se sentir sécure (c’est-à-dire en sécurité). Vers la fin de la première année, l’enfant est capable d’exprimer une gamme de comportements d’attachement destinés à maintenir la proximité. Ceci se manifeste par des protestations lors du départ du caregiver, par des signes de joie lors de son retour, des comportements de cramponnement lorsqu’il a froid, et de suivi dès qu’il en est capable. Avec le développement de la locomotion, l’enfant commence à utiliser le ou les caregivers comme base de sécurité à partir de laquelle il peut explorer son environnement. L’exploration par l’enfant est facilitée par la présence du caregiver car son système d’attachement ne lui procure alors aucun stress et il est donc libre d’explorer. Si le caregiver est inaccessible ou ne répond pas, le comportement d’attachement est plus fortement exprimé. Anxiété, peur, maladie et fatigue causeront également un renforcement des comportements d’attachement.

Après la seconde année, alors que l’enfant commence à percevoir le caregiver comme une personne indépendante, un partenariat plus complexe et basé sur des objectifs différents se met en place ; l’enfant commence à prendre en compte les objectifs et les sentiments des autres, et à agir en fonction de cela. Par exemple, tandis que les bébés pleurent parce qu’ils ont mal, les enfants de deux ans pleurent pour faire venir leur caregiver, et si cela ne fonctionne pas, pleurent plus fort, crient ou le suivent.

Principes

Les expériences précoces avec les caregivers font progressivement émerger un système de pensées, de souvenirs, de croyances, d’attentes, d’émotions et de comportements à propos de soi et des autres.

Les émotions et les comportements d’attachement humains courants s’inscrivent dans une perspective évolutive. L’évolution vers l’espèce humaine actuelle a inclus la sélection de comportements sociaux qui favorisent la survivance des individus et des groupes. Le comportement habituel d’attachement des jeunes enfants qui restent près des personnes qui leur sont familières a pu conférer des avantages en matière de sécurité au cours de l’évolution antérieure, et encore de nos jours. Être capable de percevoir la non-familiarité, l’isolement ou une approche rapide comme des situations potentiellement dangereuses est ainsi un avantage évolutif. Selon Bowlby, la recherche de proximité de la figure d’attachement en face d’une menace est l’intérêt du système comportemental d’attachement du point de vue de l’évolution.

Le système d’attachement est très robuste et les jeunes humains forment facilement des attachements, même dans des conditions non idéales. En dépit de cette robustesse, une séparation significative d’un caregiver familier, ou de fréquents changements de caregiver qui empêchent le développement de l’attachement, peuvent être la source de psychopathologies à un moment ultérieur de la vie. Les enfants dans leurs premiers mois n’ont pas de préférence pour leurs parents biologiques par rapport aux étrangers. Des préférences pour certaines personnes, ainsi que des comportements qui sollicitent leur attention et leurs soins, se développent sur une grande période de temps. Lorsqu’un jeune enfant est bouleversé par la séparation d’avec son caregiver, ceci indique que le lien ne dépend plus de la présence du caregiver, mais est de nature pérenne11. C’est à un âge plus avancé (3 ou 4 ans au minimum) que l’enfant pourra supporter une séparation sans éprouver de détresse.

Un jeune père allongé sur le dos sur un édredon sur le sol. Il tient sa fille bébé au-dessus de lui avec ses bras tendus et ses mains autour de sa cage thoracique. Le bébé a ses bras et ses jambes tendus et arque son dos, il sourit à l’appareil photo.

Le premier modèle formulé par Bowlby de la période critique qui se déroule entre six mois et deux à trois ans a évolué vers une approche moins rigide. Il existe une période sensible au cours de laquelle il est hautement désirable que des attachements privilégiés se développent, mais cette période est plus large et les effets moins intangibles et irréversibles que proposé initialement.

Au cours des recherches ultérieures, les auteurs discutant de la théorie de l’attachement en sont venus à estimer que le développement social est également affecté par les relations plus tardives, en plus des relations précoces. Les premières étapes de l’attachement se mettent en place plus facilement si l’enfant a un caregiver, ou reçoit des soins occasionnels d’un petit nombre d’autres personnes. Selon Bowlby, presque dès le départ la plupart des enfants possèdent plus d’une figure envers laquelle ils dirigent leur comportement d’attachement. Ces figures ne sont pas toutes traitées de la même façon ; un enfant donné exprime une forte tendance à diriger son comportement d’attachement principalement envers une personne en particulier. Bowlby a utilisé le terme « monotropie » pour décrire cette tendance. Les chercheurs et les théoriciens ont abandonné ce concept dans la mesure où il pourrait être pris dans le sens où la relation avec la principale figure d’attachement diffère qualitativement de celle avec les autres figures. L’état actuel de la réflexion, en 2010, avance plutôt l’idée d’une hiérarchie définie de relations.

Les expériences précoces avec les caregivers permettent l’émergence progressive d’un système de pensées, de souvenirs, de croyances, d’attentes, d’émotions et de comportements à propos du moi et des autres, en particulier de formes types (schèmes) de relation. Ce système, appelé le « modèle opérant interne des relations sociales », continue à se développer avec le temps et l’expérience. Les modèles opérants internes régulent, interprètent et prédisent le comportement lié à l’attachement chez le moi et chez les figures d’attachement. Au fur et à mesure qu’ils se développent parallèlement aux changements environnementaux et développementaux, ils incorporent la capacité à réfléchir et communiquer au sujet des relations d’attachement passées et futures. Ils permettent à l’enfant de maîtriser de nouveaux types d’interactions sociales ; par exemple, quand un bébé est traité différemment d’un autre enfant ou que les interactions avec les professeurs et les parents partagent certaines caractéristiques. Ces modèles opérants internes continuent à se développer à l’âge adulte, aidant à faire face aux relations amicales, de couple et parentales, toutes développant différents comportements et sentiments.

Le développement de l’attachement est ainsi un processus transactionnel : les comportements spécifiques d’attachement prennent leur source dans des comportements de la petite enfance prédictibles et apparemment innés ; ils se modifient avec l’âge d’une façon qui est déterminée en partie par l’expérience et en partie par l’environnement au sein duquel ils prennent place. L’évolution des comportements d’attachement avec l’âge est façonnée par les différentes relations qu’expérimente l’individu. Le comportement d’un enfant lorsqu’il se retrouve avec un caregiver n’est pas seulement déterminé par la façon dont le caregiver a traité l’enfant dans le passé, mais aussi par l’histoire des influences que l’enfant a eu sur le caregiver.

Attachement sexuel

Les différents styles d’attachements sont normalement associés à différents comportements et/ou aptitudes sexuels.

Les individus ayant un style d’attachement sécurisant sont moins portés à avoir des relations sexuelles en-dehors d’une relation amoureuse stable et ont habituellement peu de partenaires sexuels. Ils sont donc rarement portés vers les relations sexuelles d’un soir, non-exclusif ou avec un inconnu.

Par ailleurs, ceux ayant un style d’attachement non sécurisant sont davantage portés à vivre des insécurités sexuelles avec leur partenaire, une plus grande fréquence de relations sexuelles ainsi qu’un niveau inférieur de plaisirs provenant de ces relations.

Les femmes ayant un attachement anxieux auraient leur première relation sexuelle à un âge plus précoce, tandis que les hommes ayant un style d’attachement préoccupé auraient leur première relation à un âge plus avancé, en plus d’avoir moins de partenaires sexuels.

Les individus avec un style d’attachement évitant auraient moins tendance à avoir des relations sexuelles comparées à ceux ayant un style sécurisant ou préoccupé. Toutefois, ceux ayant le style évitant et ayant eu des relations sexuelles auraient tendance à avoir des relations sexuelles impliquant peu d’engagement ou de proximité émotionnelle que ceux possédant un style sécurisant ou préoccupé. De plus, les jeunes qui ont eu leur première relation sexuelle avant 16 ans correspondent davantage au style évitant plutôt qu’aux autres.

Le style d’attachement développer lors de l’enfance aura ainsi un impact sur les pratiques sexuelles futures de l’adulte.

Modifications de l’attachement durant l’enfance et l’adolescence

Les pairs prennent de l’importance au milieu de l’enfance (de 7 à 11 ans) et ont une influence distincte de celle des parents.

L’âge, la croissance des facultés cognitives et une expérience sociale continue font évoluer le modèle interne opérant en le transformant et en le complexifiant. Les comportements liés à l’attachement perdent certaines caractéristiques typiques des jeunes enfants et adoptent d’autres caractères propres à un âge plus élevé. Ainsi, les enfants de quatre ans ne sont plus stressés par la séparation s’ils ont déjà négocié avec leur caregiver des modalités partagées de séparation et de retrouvailles. Exemple de nouvelle compétence, la période préscolaire permet la mise en place de la négociation et du marchandage.

Trois enfants âgés d’environ six ans sont groupés assis sur le sol, un garçon et une fille agenouillés, l’autre garçon assis en tailleur. Les deux enfants agenouillés tiennent des billes ; il y a d’autres billes dans un sac sur le sol. Les trois enfants les regardent.

Idéalement, ces compétences sociales sont incorporées au sein du modèle interne opérant afin d’être utilisées auprès des autres enfants et plus tard auprès des pairs adultes. Au début de l’âge scolaire, vers six ans, la plupart des enfants adaptent les objectifs de la relation avec leurs parents, dans laquelle chaque partenaire va montrer sa volonté de compromis afin de maintenir une relation gratifiante. Vers le milieu de l’enfance, l’objectif du système comportemental d’attachement a évolué de la proximité à la figure d’attachement vers sa disponibilité. En général, un enfant tolère des séparations plus longues pourvu qu’un contact, ou si besoin la possibilité de se retrouver physiquement, soit disponible. Les comportements d’attachement tels que le cramponnement et le suivi de la figure d’attachement se font plus rares, et la confiance en soi augmente. À partir du milieu de l’enfance (de 7 à 11 ans) peut se produire un changement dans la corégulation mutuelle du contact avec la base de sécurité, dans lequel le caregiver et l’enfant négocient des méthodes qui permettent de maintenir la communication et la surveillance alors même que l’enfant devient plus indépendant.

Tôt dans l’enfance, les figures parentales restent le centre du monde social d’un enfant, même si une autre figure prend soin d’eux durant une période de temps conséquente. Ceci devient moins vrai plus tard, particulièrement à partir de l’entrée de l’enfant dans le cadre scolaire. Les modèles d’attachement des jeunes enfants sont normalement évalués en lien avec les figures parentales, qui peuvent être les parents ou d’autres caregivers. Il semble exister chez les jeunes enfants des limitations mentales qui restreignent leur capacité à intégrer les expériences relationnelles au sein d’un unique modèle général ; ce n’est en général qu’à l’adolescence que les enfants commencent à développer un tel modèle général unique des relations d’attachement, bien que cela puisse se produire dès le milieu de l’enfance.

Les relations entre pairs ont sur l’enfant une influence distincte de celle des relations parent-enfant, bien que celles-ci puissent influer sur la forme des relations entre pairs que les enfants développent. Si les pairs deviennent importants au milieu de l’enfance, il semble qu’ils ne prennent pas le rôle de figures d’attachement ; les enfants peuvent cependant diriger les comportements d’attachement vers leurs pairs si les figures parentales sont indisponibles. Les attachements aux pairs tendent à émerger à l’adolescence, les parents restant à cette période des figures d’attachement. Le rôle des figures parentales envers les adolescents est d’être disponibles si besoin est, tandis que l’adolescent fait des excursions dans le monde extérieur.

Schèmes d’attachement

Une grande part de la théorie de l’attachement fut enrichie par la méthodologie innovante et les campagnes d’observation sur le terrain de Mary Ainsworth, particulièrement celles menées en Écosse et en Ouganda. Le travail d’Ainsworth élargit les concepts de la théorie et permit la vérification empirique de ses principes. Utilisant les premières formulations de Bowlby, elle mena une campagne d’observation sur les paires enfant-parent (ou dyades) durant la première année de vie, combinant des visites approfondies à domicile et l’observation des comportements dans certaines situations particulières. Cette première recherche fut publiée en 1967 dans le livre Infancy in Uganda.

Ainsworth identifia trois types d’attachements, ou schèmes, qu’un enfant peut adopter envers une figure d’attachement : sécure, anxieux-évitant (insécure), et anxieux-ambivalent ou résistant (insécure). Elle définit un protocole expérimental de laboratoire connu sous le nom de Situation Étrange (en) qui permet d’évaluer les comportements de séparation et de retrouvailles. Il s’agit d’un outil de recherche standardisé utilisé pour mettre en évidence les schèmes d’attachement chez les nourrissons et les jeunes enfants. En provoquant un stress conçu pour activer le comportement d’attachement, le protocole montre de quelle façon les très jeunes enfants utilisent leurs caregiver comme source de sécurité. Le caregiver et l’enfant sont placés dans une salle de jeu inconnue tandis que le chercheur enregistre les comportements spécifiques qu’il observe à travers une glace sans tain. En huit étapes différents, l’enfant expérimente la séparation et les retrouvailles avec le caregiver, et la présence en ce lieu d’un étranger inconnu à certaines étapes.

Le travail d’Ainsworth aux États-Unis attira de nombreux universitaires dans ce domaine, inspirant les recherches et remettant en question la domination du béhaviorisme. Des recherches ultérieures menées par Mary Main et ses collègues à l’Université de Californie à Berkeley ont permis d’identifier un quatrième schème d’attachement, appelé attachement désorganisé/désorienté. Ce terme reflète le défaut, pour certains enfants, d’une stratégie cohérente de réponse aux situations stressantes (coping).

Table des 4 schèmes reconnus

Le type d’attachement développé par les jeunes enfants dépend de la qualité des soins qu’ils ont reçus. Chaque schème d’attachement est associé avec certains schèmes de comportement caractéristiques, décrits dans le tableau suivant :

Ce sont là les quatre schèmes d’attachement actuellement reconnus par la recherche. Certains auteurs traduisent les termes de manière légèrement différente. On parle d’attachement sécurisant et d’attachement insécurisant de type évitant, insécurisant de type ambivalent, et insécurisant de type désorganisé et désorienté, dans la traduction du manuel de psychologie du développement de Diane Papalia et collaboratrices.

Attachement chez l’adulte

Les styles d’attachements dans les relations sentimentales adultes correspondent aux styles d’attachement dans l’enfance, mais les adultes peuvent présenter plusieurs modèles opérants internes en fonction des différentes relations.

La théorie de l’attachement fut étendue aux relations sentimentales adultes à la fin des années 1980 par Cindy Hazan et Philip Shaver. Quatre styles d’attachement sont couramment décrits chez l’adulte : sécure, anxieux-soucieux, distant-évitant, craintif-évitant. Ils correspondent plus ou moins aux types d’attachement de l’enfance : sécure, insécure-ambivalent, insécure-évitant et désorganisé/désorienté.

Les adultes sécures tendent à adopter une vision positive d’eux-mêmes, de leurs partenaires et des relations qu’ils nouent. Ils se sentent à l’aise dans l’intimité comme dans l’indépendance, équilibrant les deux.

Les adultes anxieux-soucieux recherchent un haut niveau d’intimité, d’approbation et de réponse à leurs initiatives (responsiveness) de la part de leurs partenaires, se montrant excessivement dépendants. Ils ont tendance à être moins confiants, à adopter une vision moins positive d’eux-mêmes et de leurs partenaires, et sont aussi susceptibles de montrer au sein de leurs relations un haut degré d’expression de leurs sentiments, de souci et d’impulsivité.

Les adultes distants-évitants recherchent un haut niveau d’indépendance, et semblent souvent éviter totalement l’attachement. Ils se perçoivent eux-mêmes comme auto-suffisants, non susceptibles de subir les sentiments d’attachement et n’ayant pas besoin de relations proches. Ils tendent à faire taire leurs sentiments, gérant le risque de rejet en gardant eux-mêmes à distance leurs partenaires, dont ils ont bien souvent une assez pauvre opinion.

Les adultes craintifs-évitants éprouvent des sentiments partagés au sujet des relations proches, désirant et à la fois se sentant mal à l’aise avec la proximité émotionnelle. Ils ont tendance à se méfier de leurs partenaires et se considèrent eux-mêmes indignes d’affection (unworthy). De la même façon que les adultes distants-évitants, les adultes craintifs-évitants tendent à fuir l’intimité, réprimant leurs sentiments8,,,.

Un jeune couple se repose sous un arbre. L’homme est allongé sur le dos et regarde la femme. La femme, qui porte de longs cheveux blonds et des lunettes de soleil, est assise près de la tête de l’homme, le regardant et posant sa main sur ses cheveux. Les deux sont en train de rire.

Deux aspects de l’attachement chez l’adulte ont été principalement étudiés. L’organisation et la stabilité des modèles opérants internes qui sous-tendent les styles d’attachement sont explorés par les psychologues sociaux qui étudient l’attachement au sein du couple,. Les psychologues du développement intéressés par les différences individuelles d’état d’esprit au regard de l’attachement explorent généralement de quelle façon l’attachement fonctionne dans une dynamique relationnelle, et comment il influe sur l’issue des relations. L’organisation des modèles opérants internes est relativement stable par rapport aux variations de l’état d’esprit d’un individu vis-à-vis de l’attachement.

Certains auteurs ont suggéré qu’un adulte n’entretient pas un seul type de modèles opérants internes. Il posséderait plutôt à un premier niveau un ensemble de règles et d’hypothèses au sujet des relations d’attachement en général, et à un autre niveau des informations concernant les relations ou les évènements relationnels spécifiques. Les informations des différents niveaux n’ont pas besoin d’être cohérentes entre elles ; les individus peuvent donc entretenir différents modèles opérants internes pour différentes relations,.

Il existe différentes façons de mesurer l’attachement chez l’adulte, le plus commun étant les questionnaires et les entretiens basés sur l’Adult Attachment Interview. Les différents outils de mesure ont été d’abord développés dans un but de recherche dans différents domaines tels que les relations sentimentales, parentales ou entre pairs. Certains classifient l’état d’esprit d’un adulte par rapport à l’attachement et aux schèmes d’attachement en référence aux expériences infantiles, tandis que d’autres évaluent les comportements relationnels et la sécurité relationnelle concernant les parents et les pairs.

1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour MTCF Franc
    Merci pour tout ton dévouement à notre association Mathusalem et tes écrits sur notre belle Association solidaire
    Je recherche dés document sur le Tami et l’entonnoir donc garder nos SS et FF avant la monter au grade de Maitre (30%de perte avant la maîtrise )
    Merci de m’aider sur cette recherche pour une planche
    Très fraternellement
    Bisesss
    Jc Levy
    Président Mathusalem13

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Guillaume Schumacher
Guillaume Schumacher
Guillaume SCHUMACHER a été initié au GODF à l’Orient d’Épinal. Il participe également, quand il le peut, aux Imaginales Maçonnique & Ésotériques d'Épinal organisées aussi par son atelier. Avant d'être spéculatif, il était opératif. Aujourd'hui, il sert la nation dans le monde civil. Passionné de sport et de lecture ésotérique, il se veut humaniste avec un esprit libre et un esprit laïc.

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