ven 26 avril 2024 - 21:04

SUB ASCIA

Sous la hache. Dès 1740-1750, sur les Tableaux de Loge français, la pierre cubique à pointe est placée, sub ascia pour indiquer son caractère sacré.

L’ascia a parfois été comparée à l’herminette égyptienne. On lui donne le nom d’herminette quand le manche est long et ascia quand le manche est court. Le Dictionnaire Gaffiot en donne la traduction d’«herminette», de «truelle», ou de «marteau de tailleur de pierre».

Les romains donnaient le nom d’ascia à un instrument dont le fer peut agir sur un plan parallèle à celui dans lequel se trouve l’ouvrier (la hache tranche dans un plan perpendiculaire). On trouve ce symbole, de même que l’inscription sub ascia, gravé sur d’anciennes tombes, particulièrement autour de Lyon (Couchoud Paul-Louis, Audin Amable. Requiem aeternam… L’ascia, instrument et symbole de l’inhumation. In: Revue de l’histoire des religions, tome 142, n°1, 1952. pp. 36-66.

Cela a donné lieu à de nombreuses interprétations. On retiendra que l’ascia pourrait être considérée comme un symbole (en fait une croix, crux dissimulata) utilisé pour marquer les tombes par les chrétiens au temps de persécutions comme l’évoque M. Sansas dans sa communication, Symbolisme de l’ascia,  retenue par les Actes de l’académie impériale de Bordeaux de 1866 (à partir de la p. 409 ). C’est donc une allégorie essentiellement chrétienne qui peut signifier : «réformez vos mœurs, retranchez vos vices, devenez ainsi des hommes nouveaux, purs de toute souillure comme le bois et la pierre qu’a polis l’ascia» . L’analogie morale avec la pierre cubique à pointe sub ascia pour le franc-maçon du XVIIIe s. est indéniable. Ainsi, on pourrait dire que la pierre cubique est consacrée par l’ascia, sub ascia dedicavit, par la foi chrétienne.

Un marteau bretté, Broked mall, que l’on lit dans le Manuscrit Chetwode Crawley, serait à l’origine de l’instrument semblable à une hache qui figure sur les tableaux de loge français du XVIIIe siècle, à côté de la pierre cubique à pointe ; ce pourrait être aussi, la corruption de broached urnall, mot qui désignerait la pierre cubique à pointe elle-même.

Pour Jules Boucher, la pierre est sous la Hache pour indiquer son caractère sacré. La Pyramide la protège de l’Eau, comme la Hache la protège du Feu ou de la Foudre, d’où un symbolisme moral. Comme les colonnes antédiluviennes découvertes par Pythagore et par Hermès, la pierre doit être défendue contre l’Eau (forces dissolvantes) et le Feu (forces trop sublimisantes). Elle représente l’idéal maçonnique qu’il faut sans cesse défendre contre ces forces. Le Maçon doit se tenir dans un juste milieu avec sûreté et rectitude.

Pour Irène Mainguy, la Hache au sommet du pyramidion, semblable à la foudre, ferait jaillir l’esprit de la matière. Cette Hache pénétrant le sommet de la pierre indiquerait que la pierre a atteint le fini d’une beauté et d’une perfection. Cela signifierait que la Pierre, après avoir été débarrassée de ses aspérités par le Ciseau et le Maillet, représenterait l’achèvement de l’œuvre lorsqu’elle est surmontée des quatre faces du pyramidion, axe de liaison entre le terrestre et le céleste.

Pour Guénon, la hache n’est ici autre chose que l’hiéroglyphe de la lettre hébraïque qoph (ק). Le sens général attaché à la lettre hébraïque qoph, ou à la lettre arabe qâf, est celui de «force» ou de «puissance» (en arabe qowah), qui peut être d’ordre matériel ou d’ordre spirituel.  

Justifiant que cette pierre soit un des bijoux immobiles, Jules Boucher nous en explique sa valeur propédeutique: «La pierre placée sous la hache pour indiquer son caractère sacré, reste cubique bien que surmontée d’une pyramide qui la protège de l’eau, comme la hache la protège du feu (de la foudre). Pour l’adepte, le sens de ce symbole est le même que celui de l’épée, du poignard ou du marteau ; ces armes blanches désignant les larmes d’argent du sel blanc (petites gouttes) qui hache la matière.

Rabi Zied Odnil (François Lindo-Diez) nous dit que la hache est placée sur le pyramidion pour nous inviter à fendre le sommet de la pierre cubique à pointe  (Oswald Wirth écrivait : la pierre cubique entamée par une hache, …indique sans doute qu’il faut ouvrir la Pierre, la fendre afin d’arriver à son contenu, à son ésotérisme). L’étoile flamboyante apparaît dans les interstices des tétraèdres retournés ; c’est le vide, l’invisible qui montre la forme. Ce sont les vides successifs,  l’invisible questionné, qui ont montré que l’étoile flamboyante est en gestation dans  la pierre brute. En son cœur se trouve la pierre philosophale.

La langue des oiseaux nous permet de retenir, pour la hache, le «H» qui est l’esprit des alchimistes. L’alchimiste Patrick Burensteinas et Georges Combes le montrent magistralement dans leurs films Le voyage alchimique dont voici l’extrait où l’étoile à 5 branches apparaît .

L’acacia maçonnique pourrait bien ne pas être un arbre tel que souvent évoqué. Il pourrait s’agir de la déformation d’ascia. Comme elle aurait servi à tailler les stèles funéraires, asciare aurait comme sens premier: dédier la tombe en aplanissant le bloc funéraire avec l’ascia.  Son sens second, symbolique, pourrait être «sceller une tombe sous l’ascia pour lui conférer un caractère inviolable».  Donc le mot déformé acacia serait un outil doté d’une dimension symbolique, troqué dans le Manuscrit Masonery Dissected (1730) de Prichard par «cassia».(voir l’article sur le journal Qui s’y frotte s’y vit ).

On raconte, à propos d’Athéna (Pallas), sortant du cerveau de Zeus (Jupiter) tranché par Héphaïstos (Vulcain), qu’elle représente la déesse qui préside à la sagesse et on la dit à bon droit car née du cerveau où se trouve le siège de la sagesse.

Illustration de l’article, Emblème XXIII Atalanta fugiens, Michel Maïeur

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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