ven 13 décembre 2024 - 16:12

Carcassonne : Comment être franc-maçon au XVIIIe siècle ?

De notre confrère ladepeche.fr

Née en 1717 en Angleterre, la Franc-Maçonnerie moderne ou “philosophique”, qui reprend les rites et outils de la maçonnerie médiévale, se répand très rapidement en France et atteint officiellement Carcassonne en 1757. Dans la période qui court jusqu’à la Révolution, on dénombre pour la ville 16 créations de loges totalisant 436 frères. Cependant, les effectifs varient fortement dans le temps, car de nombreux affiliés sont des officiers des régiments de passage dans la ville, si bien que les périodes actives alternent avec des phases atones.

Les activités des loges

Les réunions des frères sont marquées par les cérémonies accompagnant les réceptions des nouveaux adhérents et l’évolution dans la hiérarchie, puisqu’on est successivement apprenti, compagnon et maître, pour atteindre éventuellement le poste suprême de vénérable. Le tout ne se concevait pas sans banquets arrosés de vin et de divers alcools. Entre les différentes loges, les rivalités sont incessantes, elles opposent en particulier la Parfaite Amitié, la Parfaite Vérité et les Commandeurs du Temple. Chacune voulant établir son hégémonie sur l’Orient carcassonnais, les débats sont âpres, les échanges injurieux, assortis de menaces et de pressions sur les autorités toulousaines qui ont en charge la médiation lors des conflits.

Le recrutement des ateliers

L’entrée dans la maçonnerie supposant le versement d’une somme élevée, doublée d’une cotisation annuelle, les loges recrutent dans les milieux aisés. Les nobles, dont les quatre cinquièmes sont officiers, l’emportent avec 38 % du total, suivis par le groupe formé par les marchands-fabricants, les négociants et les financiers (16 %). On trouve ensuite le monde de la justice et les médecins (14 %), enfin les artisans et petits marchands (9 %). Les quelques domestiques adhérents sont les “frères servants” voués au fonctionnement matériel des loges. Fait notable, le clergé tient une place non négligeable avec 10 % de l’ensemble, car il n’y a pas à cette époque d’incompatibilité avec la maçonnerie, qui témoigne d’un grand esprit de tolérance. Dieu est évoqué sous l’appellation du Grand Architecte de l’Univers, le futur apprenti déclare qu’il est “bon catholique” et prête serment sur l’Evangile, tandis qu’un cantique accompagne la fin de chaque réunion.

À l’encontre de certains, pour lesquels les loges ont été à l’origine d’un vaste complot préparant la Révolution, les frères carcassonnais manifestent un loyalisme constant envers le Roi, l’Etat et l’Eglise. Un vocabulaire “éclairé” est bien proclamé (fraternité, égalité, amitié, félicité publique), mais on rejette la proposition d’ouvrir un cercle de discussion en 1783, on refuse de voir adhérer les femmes, comme d’initier un juif. Un désir de cohésion peut expliquer ces attitudes, cohésion renforcée par des différences de recrutement d’une loge à l’autre, dont nous verrons un exemple avec les marchands-fabricants.Marcoul (N.), La Franc-maçonnerie dans l’Aude des origines à 1815, Bull. Sesa, 1993.Tirand (P.), Loges et francs-maçons audois, 1757-1946, C.P.C.C, 2002.

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