ven 13 décembre 2024 - 21:12

Le sexisme en franc-maçonnerie… selon le blog de La Maçonne

Article de notre consœur la Maçonne du blog lamaconne.over-blog.com

Depuis plusieurs années, les associations féministes dénoncent une forme de sexisme dit « ordinaire ». Ce sexisme quotidien consiste par des remarques ou des réactions souvent anodines, qui reflètent un préjugé, un stéréotype ayant pour objet de réduire les femmes à des objets.

C’est considérer que le sexisme est inscrit dans les mentalités et qu’il s’exprime quotidiennement, sans être pour autant (toujours) agressif, dans des petites phrases dommageables dans la vie professionnelle et privée.

Il existe plusieurs sites dédiés au sexisme ordinaire. Ils ont un double objectif : 

  • offrir une définition permettant aux femmes de ne pas se croire « folles » lorsqu’elles subissent certaines remarques ou comportements,
  • des témoignages de femmes qui racontent leurs « expériences ».

Messieurs, il y a de quoi – parfois -hurler de rire tant vos réflexions confinent bien souvent à la plus sombre bêtise. Comme le sujet intéresse les médias, ceux-ci s’en emparent et illustrent leurs articles de ces petites phrases guère glorieuses pour la gente masculine.

En 2014 – lorsque j’ai rédigé cet article – le commun des mortels n’a aucune excuse pour ignorer le sujet, sauf, semble-t-il, les francs-maçons. C’est donc faire œuvre publique & collective d’en produire ici une définition toute maçonnique, comme on les aime. Pourtant en 2022, presque 10 ans plus tard – et c’est long 10 ans – je constate que le “sexisme ordinaire” est toujours une composante des relations Femmes/Hommes. 

Le sexisme ordinaire touche toutes les catégories socio-professionnelles et tous les âges.

Il n’y a personne qui en réchappe, que l’on soit auteur ou victime. Si les féministes orientent le débat sur la vie professionnelle – qui de vous n’a jamais entendu dire qu’il existait des « métiers de femmes » et d’autres pour « les hommes » ? – les femmes politiques, elles-mêmes, ont fini par ouvrir les hostilités contre leurs collègues et confrères, lassées d’entendre les mêmes sottises. Entendons-nous bien, le sexisme ordinaire est la petite phrase assassine qui ne « passe » pas. Ainsi, sur le Trumbl ouvert par une euro-députée, des femmes politiques posent devant la petite phrase, celle qui tue, comme par exemple « le nucléaire, c’est trop sérieux pour que les femmes s’en occupent. » ou bien « quoi ? vous demandez aussi l’égalité dans les prises de paroles ».  –> Lien vers le site (qui n’existe plus en 2022).

Depuis quelques temps, il existe une plateforme contre le sexisme ordinaire mise en place par le gouvernement devant apprendre aux femmes à “riposter”.  Reconnaissons que les exemples présentés prennent les femmes pour des idiotes.  Toutefois, aujourd’hui en 2022, personne ne peut dire qu’il ignorait le problème. 

Dans le monde du travail, 80% des femmes ont entendu « elle est hystérique » ou « elle est pire qu’un homme » au sujet d’une femme ayant des responsabilités et autant considèrent que “les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes” dans le monde du travail en France, d’après une étude menée en 2013 (pour le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes) … Pour les hommes, la situation est normale. Il n’y a que 56 % des hommes qui en ont conscience. En 2021, les choses n’ont guère évoluées à en croire les témoignages des femmes. 

La droitisation des esprits de ces dernières années n’a, disons-le, pas aidé à une évolution. Ce qui était hier inadmissible vis-à-vis des femmes est aujourd’hui devenu une norme. 

L’injure sexiste est plus grave que ces propos anodins, qui ridiculisent leurs auteurs. C’est l’équivalent de l’insulte raciste. Traiter une femme de « mal baisée » revient à traiter un homme de « sale arabe ». C’est réduire l’autre dans une relation de dominant/dominé … L’insulteur veut garder sa place illusoire de dominant face à la différence de l’autre. L’insulteur sexiste ramène la femme à un rôle supposé d’objet sexuel ou de bonne à tout faire. Celles qui se défendent sont forcément « folles » ou « hystériques ». Le mécanisme est simple.

L’insulte sexiste est, en France, bien que cela mérite encore quelques progrès, condamnée sous le coup d’un article qui dit ceci : « Seront punis des peines prévues à l’alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l’égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal. »

La Belgique, choquée par un film dénonçant le harcèlement de rue, a défini l’injure sexisme comme suivant : « Tout geste ou comportement verbal ou autre, qui a manifestement pour objet d’exprimer un mépris à l’égard d’une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou de la considérer comme inférieure ou de la réduire essentiellement à sa dimension sexuelle, ce qui porte une atteinte grave à sa dignité »

En Egypte, un homme habillé en femme fut, de même, filmé. Avec ou sans voile, il subissait les mêmes types d’insultes dites « de rue ».

Le harcèlement de rue est devenu un délit en juillet 2018. Le harcèlement de rue est  d’« imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Elle rend ces faits passibles d’amende de catégorie 4, allant de 90 euros en paiement immédiat à 750 euros, et même de catégorie 5 (jusqu’à 3 000 euros) en cas de récidive ou de circonstances aggravantes, par exemple lorsque l’outrage est commis en réunion, sur des personnes vulnérables ou dans les transports en commun.  Or, cette loi qui se présentait comme “révolutionnaire” existe depuis 2014 en Belgique et n’a jamais montré son efficacité. Il faut dire qu’en France, il y a à peine trois procès verbaux par jour !

De plus, alors qu’il existait une loi qui pénalisait certains agissements sexistes, cette loi dite loi Schiappa réduit donc les faits à des amendes de 90 euros au lieu d’une peine de prison, comme les mains aux fesses, par exemple qui est une agression sexuelle. 

Ne croyez pas qu’internet est un no man’s land dans lequel tout est permis. Bien au contraire, l’insulte sexiste n’y est pas plus tolérée et comme internet est un outil « écrit », il n’y a aucune difficulté d’en exposer la preuve.

En ouvrant un blog maçonnique d’opinion, je savais déjà – parce que pas naïve – que nos frères n’étaient supérieurs en rien aux profanes et très certainement pas dans le domaine des droits des femmes.

J’ignorais, cependant, que certains frères pouvaient toucher le fond d’un gouffre, tout en considérant, car le secret de l’insulteur est là, que c’est de leur « bon droit », voire même que c’est tout à fait normal d’insulter une femme (voire une sœur).

C’est considérer comme de la paillardise, une marque de virilité, une forme stylisée de langage, bref … ce n’est pas de l’insulte. Néanmoins, certains propos peuvent être repris au masculin … Et je me demande si ces insulteurs de bas niveau aimeraient que nous leur parlions de leur déséquilibre émotionnel du fait de relations sexuelles insatisfaisantes ou de leurs problèmes prostatiques les rendant incompétents, voir même de les renvoyer à une activité masculine plus prosaïque soit par exemple de réparer la machine-à-laver, ceci en version crue … car bien entendu, si ce n’est qu’un effet de style autant s’y abonner aussi.

En tenant un blog maçonnique d’opinion, je touche deux interdits.

  • Le premier, qui concerne toutes les femmes, est l’expression, la parole « féminine » qui n’a pas de place dans notre société. Les femmes se doivent de rester dans des sujets considérés comme féminins (éducation des enfants, soin. aux autres, etc), qui ne mettent pas en danger « la place des hommes ». Ainsi, rien d’étonnant au fait que les femmes politiques dans l’exemple cité plus haut soient plus exposées au sexisme ordinaire que d’autres femmes.
  • Le second interdit touche la franc-maçonnerie, très exactement le blog maçonnique d’opinion, considéré comme une affaire d’hommes. Une sœur ne peut pas en avoir une connaissance complète et transmettre son opinion, qui est par nature « fausse».

Il fut, un temps, où tout était simple. Les femmes et donc les sœurs savaient graduer les obédiences les plus sexistes des unes des autres. Ainsi, le classement officiel était, du moins au plus sexiste : le GODF, la GLDF et la palme d’or était attribuée aux « réguliers », la GLNF. Depuis, quelques temps – en fait depuis que j’ai ouvert ce blog – j’ai constaté que ce classement était d’ores et déjà estampillé de préjugés.

Un article qui dénonce, à sa façon, des insultes sexistes dont je suis la cible a été publié cette semaine. Il a été écrit par un frère de la GLNF. En lisant les commentaires, vous trouverez aussi ce même frère faire une leçon de féminisme à un frère du GODF … connu sur ce blog pour tenir LE blog profane, hiram.be …

Expliquer le sexisme au nul.le.s. 

Le sexisme trouve les mêmes origines que le racisme : peur de l’autre, refus de la différence, ignorance, … Le raciste refuse d’admettre l’unité de l’espèce humaine et il prétend que l’humanité est et sera toujours divisée en races supérieures et inférieures. Le mécanisme à l’œuvre dans le racisme consiste à mettre au compte de la nature des situations d’inégalité résultant de l’histoire.

Le sexisme part du même constat, il n’y aurait pas d’unité dans l’espèce humaine entre les hommes et les femmes. Ce sont deux groupes humains bien distincts, par leurs différences biologiques, qui, par hasard, se rencontrent. Le principe est de considérer que les femmes sont naturellement inférieures aux hommes et d’y trouver une justification dans l’histoire et dans les traditions.

Ceci est illustré dans les propos tenus, hélas – encore une fois hélas – par Marc Henry, Grand Maître de la GLDF, dans une interview que Gadlu.Info nous a fait le plaisir de nous transmettre.

« La Grande loge n’a jamais été mixte de son histoire. Le rite que nous pratiquons ne comprend que des figures masculines. Nous pensons, à tort ou à raison, que le domaine de l’initiation doit se faire sans mixité. Nous pensons que cela doit rester séparé. Entendons-nous bien, nous nous voyons avec les soeurs, et nous avons d’excellents rapports avec les autres obédiences. » 

Sœurs, qui pour 80%, pratiquent le même rituel … Dans ce court paragraphe, il exprime bien cette différence « naturelle » entre hommes et femmes. Leur destin est de vivre « séparé » malgré des « rencontres ».

Sa justification est même historique. Les femmes sont inférieures, car la tradition maçonnique nous destine à une allégorie de « figures masculines », incompatible avec une unité humaine. Si les femmes étaient les égales des hommes, c’est-à-dire appartenant à la même humanité que les hommes, des figures féminines y seraient aussi présentes … comme la Veuve.

La Grande Loge de France a été mixte dans son histoire, grâce (à cause ?) des loges d’adoption, dont certaines organisaient leurs tenues le même jour, la même heure et dans le même temple que les loges masculines. Cela a énervé plusieurs grands maîtres d’alors, qui y voyaient une mixité cachée.

La GLDF se dit être issue d’une autre Grande Loge et de trouver dans l’écossisme du 18ème siècle, l’origine de son rite, le REAA. Or, l’écossisme du 18ème siècle, c’est-à-dire les rituels de Clermont (le même de Clermont auquel se réfère la GLDF) avait, comme déjà vu dans des précédents articles, établi bon nombre de rituels mixtes, dits des « loges d’adoption ». Ignorance ou encore du révisionnisme ? Je l’ignore.

Ainsi, la justification … « never », il a dit «never » …. ne colle pas avec les faits historiques, ni même avec les faits tout simplement.

« Entendons-nous bien », les frères de la GLDF rencontrent des sœurs dans leur loge, ce qui leur permet de travailler à Londres en totale mixité en y pratiquant aussi le REAA, cela depuis plus de 120 ans.

Le sexisme est autant un préjugé que le résultat d’une situation hypocrite. Il est le refus de la réalité, celle de la place des femmes dans la société. Il faut donc à ces hommes la réduire, cette place durement gagnée, à une part congrue, tout en affirmant que « oui , j’ai fait mes études avec des filles » ou bien « mon chef est une femme, bien que ce soit un métier d’hommes ».

C’est ce tour de force que vient de nous faire Marc Henry, évoquant piteusement des figures masculines. Or, les soeurs ne sont pas sexistes. Elles se font très bien des figures masculines dans leurs rituels. Hiram ne subit aucune mutilation génitale, dans les loges féminines, ce qui porterait une grave atteinte à sa dignité. Peut-être, les sœurs devraient-elles revoir où placer le troisième coup pour plaire au Grand Maître de la GLDF ?

S’il avait travaillé en « ayant de bonnes relations avec les autres obédiences », il aurait compris qu’il y a bien des moyens d’aborder des symboles … et que les femmes les trouvent aussi.

La définition de l’humanité des uns et des autres est au cœur de la question. Humanité qui est constituée d’hommes et de femmes, sans que les uns soient supérieurs aux unes. Travailler à ce sujet est , dit-on, le travail de tout maçon. On parle alors « d’humanisme ». 

Humanité qui est une Unité d’êtres humains, dont aucun ne peuvent être moitié d’êtres, ou incapables par raison ou par droit, par nature donc. Les « figures masculines » de nos rituels sont l’égale de « figures féminines » qui manqueraient, différentes, mais les unes et les autres sont l’expression d’une même humanité et de son unité.

Bien sûr, ma position de blogueuse maçonnique d’opinion, la « UNE », la sœur, la femme qui parle de maçonnerie, me mettra bien plus que d’ordinaire en situation d’être insultée et méprisée par des frères. 

 Ces dernières années, c’est même la leçon de morale qui est “tendance”. A croire qu’une soeur est une nonne. Je devrais dire, penser et éviter de m’exprimer ainsi. Tout y est passé (ou presque). 

Est-ce que dans l’esprit des frères (et même des soeurs), l’appartenance à la franc-maçonnerie serait une sujétion ?  Une forme si dogmatique d’envisager la vie et son environnement que finalement, la franc-maçonnerie se résume à une liste d’interdits ? 

Qu’avez-vous fait de la liberté ? Il faut dire que les dernières années ont fait des obédiences des coquilles vides sans idées, sans force et surtout sans avenir.  Tout juste, sont-elles capables d’offrir une spiritualité de supermarché où finalement l’habit fait le moine et – dans le cas – le tablier fait le maçon. 

Conclusion

A croire que pour eux, pour être une sœur, une Maçonne, il faudrait choisir entre la défense des droits des femmes, une réflexion humaniste  et la franc-maçonnerie.

Le racisme est un délit. Ce n’est pas une forme de pensée, c’est sa négation. Le sexisme et tout propos qu’il soit ordinaire ou insulte, l’est tout autant … Le sexisme en maçonnerie a les mêmes structures et justifications que dans le domaine professionnel, économique et culturel. Rien donc qui nous fasse espérer chez ces frères & dans toutes obédiences qui acceptent de tels propos – voir les cautionnent – qu’ils auront les moyens de changer le monde.

Lilithement vôtre, 

2 Commentaires

  1. Merci ma Très Chère Soeur pour ta planche.
    Je trouve ton action courageuse !
    Je suis dans une loge féminine et dans notre rituel d’initiation il figure la phrase « n’oubliez jamais que l’homme est l’autre pôle de l’humanité ». Un jour une Soeur s’est légèrement fourvoyée et d’un grand sérieux a déclamé : « n’oubliez jamais que l’homme est le second pôle de l’humanité » ce qui m’avait valu un fou-rire d’Apprentie bien difficile à contenir !
    Bien fraternellement à toi,
    Cécile

  2. Je suis une S depuis 36 ans, initiée au REAA dans la pure Tradition. J’ai cheminé jusqu’au 33ème degré . Quand j’étais apprentie, j’avais le plaisir de recevoir nos FF es qualité. Il se trouve que les Réguliers pour des raisons multiples ne peuvent nous recevoir dans leurs Temples, mais nombre de FF apprécient la qualité de nos travaux. Je n’ai jamais ressenti de sexisme dans ma pratique locale, nationale et internationale. Je rajoute que je suis obèse et donc que je connais bien le domaine des jugements, appréciations négatives, insultes. Je pense que les femmes doivent PRENDRE PLACE dans la société, le monde du travail, la FM en étant elles, honnêtes et capables. C’est comme cela que nous nous ferons respecter, apprécier…
    J’ajoute que je travaille en Loge féminine, que nos travaux sont ouverts à tout initié, mais je ne travaillerai pas en mixte, et que ma robe noire est précieuse pour mon travail intérieur au Temple.

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