Les points cardinaux – du latin cardo, charnière – sont les 4 points imaginaires qui définissent les directions du Nord, de l’Est, du Sud et de l’Ouest. Ils sont à la fois utiles pour se repérer et repérer des objets sur Terre ou dans le ciel. Ils symbolisent donc un espace terrestre orienté en lien avec la trajectoire du soleil.
Les codifications culturelles des points cardinaux puisent leur légitimité dans la nature en se référant à la trajectoire du soleil, ce qui mythifie leurs significations culturelles et politiques.
Les chinois associent les points cardinaux avec les éléments, les couleurs et des zones du corps tels que : nord, noir, eau, dos ; sud, rouge, feu, poitrine ; est, vert, bois, bouche ; ouest, blanc, métal, genou ; milieu, jaune, terre, pied.
En grec, les 4 lettres du nom Adam sont l’acrostiche, les initiales, des 4 points cardinaux : Anatolé (l’Orient), Dysmé (l’Occident), Arctos (le Nord) et Mésembria (le Midi).
Pour la kabbale, les quatre éléments sont répartis entre les quatre points cardinaux du monde : le feu a son séjour au Nord, l’air à l’Est, l’eau au Sud, la terre à l’Ouest (le feu est à gauche, du côté nord, parce que la chaleur et la sécheresse dominent dans le feu ; or le Nord, qui est le contraire de chaleur et de sécheresse, a reçu pour partage le feu, pour que cet élément supplée à ce qui manque à ce point cardinal).
Martinès de Pasqually dans son Traité de la réintégration des êtres évoque les points cardinaux des portes du Temple du désert en relation avec les parties du corps : la porte d’orient est le cœur, la porte d’occident est l’œil (la conviction-le terrestre), la porte du midi est la bouche (la parole puissante-le céleste), la porte du nord est l’oreille (la conception-le surcéleste).
Dans le symbolisme de la Franc-maçonnerie, chacun des points cardinaux a une signification mystique. L’orient représente la sagesse, l’occident la force, le midi la beauté et le septentrion l’obscurité.
Dans le manuscrit de 1730 de Prichard, La maçonnerie disséquée, on trouve au grade d’apprenti entré, juste avant la clôture des travaux, cette interrogation et sa réponse : Q. – Comment souffle le vent? R. – D’est en ouest. On remarque qu’ensuite au Grade de compagnon il est dit : Q. – Avez-vous déjà voyagé ? R. – Oui, d’est en ouest ; et au Grade de maître : D’où venez-vous ? R. – De l’est. Q.- Où allez-vous ? R. – Vers l’ouest. Q. – Qu’allez-vous y faire ? R. – Y chercher ce qui avait été perdu et qui est maintenant retrouvé. Q. -Qu’est-ce qui avait été perdu et qui a été retrouvé ? R. – Le Mot de Maître Maçon.
Mackey, dans son Encyclopédie en donne une explication au mot wind’s mason (p. 886, la traduction française donne) : « “Comment souffle le vent dans la maçonnerie? “Favorable d’est et ouest. “Dans quel but? “Pour appeler les hommes pour, vers et depuis leur travail. “À quoi fait-il encore allusion? ” À ces vents miraculeux qui se sont avérés si essentiels dans l’heureuse délivrance des enfants d’Israël de leur esclavage égyptien, et qui ont permis de renverser Pharaon et toute son armée quand il avait tenté de les suivre… l’idée fondamentale du vent maçonnique soufflant de l’est se trouve dans la conviction du Moyen Âge selon laquelle toutes les bonnes choses, telles que la philosophie et la religion, sont venues de l’Est. Dans le Rituel allemand de la Loge mère des Trois Globes, l’idée est exprimée un peu différemment. Le catéchisme est comme suit : “D’où vient le vent? “De l’est vers l’ouest, et du sud vers le nord, et du nord vers le sud, l’est et l’ouest. “Quel temps l’amène? “Variable, grêle et tempête, calme et beau temps.” L’explication donnée est que les vents changeants symbolisent l’évolution de la vie de l’homme dans sa quête de la connaissance – tantôt claire et pleine d’espoir, tantôt sombre avec des tempêtes. »
«Une tradition enseigne : quatre vents ont été créés dans le monde, le vent du pôle Nord, le vent du pôle Sud, le vent du pôle Est et le vent du pôle Ouest. Pour ces quatre vents, il a créé quatre anges (selon Pirqé de Rabbi Eliezer chap. 4) qui les gouvernent le jour et la nuit. Michaël qui procède du côté de la Bonté et de la Clémence a en charge le vent de l’Est jusqu’à midi, depuis midi jusqu’à la nuit, Raphaël est chargé du vent d’Ouest, car il procède également du côté de la Bonté… Lorsque vient la nuit, Gabriel qui procède de la puissance de la justice (din) est chargé du vent du Nord jusqu’au milieu de la nuit… Gabriel gouverne jusqu’à minuit, à minuit même, lorsque s’achève cette veille, à cet instant, le Saint béni soit-Il, scrute l’Éden. À ce moment se lève Nouriel (Ouriel) avec le vent du Sud et il dit : «Lève-toi Nord et viens, Sud, souffle sur mon jardin».
Les bras de la croix se rapportent aux points cardinaux, et représentaient les quatre vents, les porteurs de pluie. Le vent est l’exemple suprême de la force de l’air et de la purification.
L’apprenti apprend à percevoir la lumière au cœur des ténèbres, l’épreuve de l’air met l’apprenti en contact avec l’invisible, l’air véhicule la vie et le souffle, reçoit la puissance d’unir le haut et le bas. L’épreuve de l’air est un acte de construction, elle participe à la naissance de l’apprenti, le vent divin, le souffle divin est le véhicule. Et l’air par sa nature mobile est insaisissable ; l’âme et l’esprit sont purifiés. L’apprenti a les yeux bandés et se trouve donc en relation avec l’invisible. L’apprenti perçoit puisqu’il ne voit pas.
Au XVIIIe siècle, les francs-maçons délimitaient les symboles des quatre vertus cardinales, la tempérance, la force, la prudence et la justice, vertus charnières, par un angle aigu différent en rapport avec les points d’accueil de tout nouvel initié. Ainsi, en faisant face à l’est, l’angle symbolisant la tempérance pointera vers le sud. On l’appelait un guttural. La force était désignée par un saltire (drapeau de l’écosse avec la croix de Saint-André, sur fond bleu), c’était le pectoral. Le symbole de la prudence était un angle aigu orienté vers le sud-est, et était dénommé manual ; la justice avait son angle vers le nord, et s’appelait Pedestal ou Pedal.
Dans la Maçonnerie d’adoption, maçonnerie des dames, les points cardinaux ne désignent plus les côtés de la salle : l’orient s’appelle climat d’Asie, l’occident ou côté d’entrée est appelé climat d’Europe, le midi climat d’Afrique et le nord climat d’Amérique.
Parce qu’orientée, la loge devient temple. S’inscrivant dans une géographie sacrée, permettant des allégories signifiantes, le positionnement de symboles est indications propédeutiques pour le franc-maçon se tournant vers celles-ci. C’est une orientation purement symbolique par rapport aux sources de la lumière spirituelle et de la connaissance.
Le Nord, le Septentrion
Le nord est la direction où règnent l’obscurité et l’eau, il était ainsi associé à la mort par le chinois. Mais si le plein Nord est le point où le yin est à son apogée, c’est aussi celui où le yang s’apprête à reprendre un nouvel essor ; de même la vie renaît dans les profondeurs aquatiques, car dans la croyance populaire, c’est au pays des morts que se trouvaient aussi les sources de la vie. Après le cabinet de réflexion, la colonne du nord, où sont positionnés obligatoirement les apprentis est donc, aussi, le lieu de la renaissance progressive des jeunes francs-maçons.
Le septentrion est la nomination vieillie du mot Nord. Du latin septentriones, (de septem, sept et triones, bœufs de labour), désignant les sept étoiles qui forment la constellation de la Grande Ourse ou plutôt de la Petite Ourse dont l’étoile du nord (l’étoile polaire) fait partie.
Le septentrion étant à la fois nord et sept, est origine du Mystère et sa révélation. À l’inverse de l’astre manifesté, terrestre, qui culmine au sud, le soleil spirituel, céleste, primordial, culmine au nord où réside l’origine de la lumière éternelle. Les anciens Égyptiens désignaient le nord céleste par le septentrion comme étant le lieu d’éternité, car dans le ciel nocturne de l’Égypte [dans l’hémisphère nord], il y a visibilité toute l’année des étoiles impérissables dont la Grande Ourse. Le soleil s’y trouve donc, symbolisant la lumière incréée, contenant toutes les potentialités que l’initié devra faire éclore. Source de toute orientation, le septentrion est la matrice du monde céleste et invisible où va s’opérer la gestation de l’initié. Il est le point de départ de la tradition.
Les rituels, pour marquer dans le langage la trace de la Tradition et la symbolique cosmique, utilisent très souvent ce mot. Les apprentis prennent place sur la colonne du septentrion. Repère céleste du voyageur, le septentrion oriente l’apprenti pour qu’il ne s’égare pas.
Dans les temples dédiés à la F\M\, le plafond est souvent décoré par la représentation de la Grande Ourse (le ciel étoilé), mais on peut aussi le penser comme les chinois pour lesquels la Grande Ourse est utilisée comme support dans les méthodes de concentration spirituelle pour garder l’Un. La constellation est alors à l’aplomb de l’homme qui atteint l’état central : elle descend sur le sommet de sa tête. En diverses cérémonies, l’appel à T’ai-yi (le Suprême Un, habitant l’étoile polaire) se fait par la représentation des sept étoiles de la Grande Ourse sur un étendard.
La pierre angulaire a une forme spéciale et unique, qui la différencie de toutes les autres. Il s’agissait d’une pierre en situation basse, une pierre qui fait lien à l’angle de deux murs pour en assurer la cohésion. C’est en ce sens que le texte l’évoque aussi comme un fondement. La reprise néotestamentaire va dans le même sens : le Christ est la pierre d’angle sur laquelle nous pouvons désormais bâtir un nouveau Temple, fait cette fois de «pierres vivantes». L’apprenti entrant placé en tête de la colonne du nord, au nord-est, à cet angle-là, participe de la re-fondation permanente de la Franc-maçonnerie.
Mais, ce qui est important, pour les contemporains, n’est-ce plutôt le nord magnétique ?
Le Sud , le Midi .
Ici, il ne s’agit pas de l’heure, du temps mais de l’espace. Le midi s’oppose au nord (au septentrion). On le considère à droite en entrant dans le temple maçonnique. Les compagnons sont installés obligatoirement sur la colonne du midi. » Il est dit au REAA, «en tête du premier rang sur la colonne du midi, place qui lui est attribuée aujourd’hui. À l’avenir, il se placera sur les rangs arrière avec les autres Compagnons».
L’Ouest , l’Occident.
L’occident, c’est le côté où tombe, où meurt le soleil. Pour passer du verbe latin occidere (tomber, mourir) au nom commun français, on a utilisé une sorte de participe présent «occidens», puis «occidant» et enfin « occident », via le bas-latin et le vieux-français.
Ce terme est utilisé pour désigner l’ouest du temple (de la loge), point opposé à l’Orient.
Les anciens rituels compagnonniques installaient le responsable de leur Loge à l’occident pour qu’il dirige les travaux en recevant la lumière du soleil levant, en face de lui, et qu’il la redistribue, comme un miroir, sur l’ensemble des compagnons. John Yarker, dans The Arcane Schools, note que “les guildes affirment que c’est Anderson qui a abrogé l’apprentissage de sept ans et changé le siège du Maître d’ouest en est (Chap. XII, p.286 )
L’Est, l’Orient.
L’importance symbolique de l’orientation de la loge et de l’orient est maintes fois rappelée par l’allégorie du parcours de la lumière ; en effet il est écrit dans la plupart des rites que, comme le soleil se lève à l’orient pour dispenser la lumière, le Vénérable s’y tient pour transmettre la connaissance (ou participer à sa transmission). On emploie rarement le mot diusculaire pour qualifier cette lumière de l’aube.
L’Orient est le lieu symbolique où officient le Vénérable et, selon les rites, un Orateur, un Secrétaire, un Passé Maître immédiat ou ex-maître, un député Maître, un substitut maître, un premier diacre, un chapelain, les dignitaires, etc. Certains décors du temple sont toujours à l’orient, le delta lumineux, le soleil et la lune.
Surélevé sur le tapis de loge par 3 marches, l’Orient apparaît comme un espace particulier, séparé par cette frontière ascensionnelle, plus lumineux du fait de son décor, plus réservé et donc plus sacré, comme le Saint des saints du Temple de Jérusalem.
La vénération que les Maçons ont pour l’Orient confirme la théorie selon laquelle cela a un rapport avec la religion primitive dont l’une des premières manifestations était le culte du soleil.
L’Orient désigne aussi le district maçonnique (Orient de France, Orient de Lyon, Orient de Paris…).
Les dimensions du temple maçonnique sont des orientations
Le temple maçonnique, la loge, est le lieu d’une représentation symbolique du monde. Quelques rituels posent la question de ses dimensions à laquelle il est répondu : sa longueur va de l’occident à l’orient, sa largeur du septentrion au midi, sa hauteur du nadir au zénith. Le Sépher Yetsirah donne la même description de l’espace cosmique régenté par les 7 planètes associées aux lettres (authiot) doubles : «Sept doubles. Haut et bas, Est et Ouest, Nord et Sud». Les six extrémités : le dessus et le dessous, le devant et le derrière, la droite et la gauche correspondent aux six jours de la création.
Trois axes sont ainsi définis : orient/occident (est-ouest), l’axe de la lumière, celui de la direction des travaux et des questions-réponses entre le Vénérable et ses surveillants ; midi/septentrion, (nord-sud), axe perpendiculaire et complémentaire au premier, il voit se répartir les membres de la loge autour de chacune des colonnes ; nadir/zénith (haut-bas), axe de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, de la terre et du ciel, du matériel et de l’immatériel. L’infini de cet espace indique au franc-maçon qu’il se construit en tous lieux.
Ajoutons à cela la dimension du temps et la dimension de la spiritualité. Au cours des tenues maçonniques, le rituel énonce un temps et un âge virtuels qui sont vécus, symboliquement, comme des vérités absolues, ce sont des temps apodictiques.
La vraie dimension du temple à bâtir est celle de l’homme à construire.
On retrouve évidemment les directions qui symbolisent les étapes manifestées successives de l’être dans les temples, les pyramides d’Égypte et du Mexique, de notre tableau de loge. Nous pouvons, ici, nous souvenir d’un texte de Carlos Castanéda propre à nous éclairer. Il nous rapporte ces paroles d’un de ses guides Don Juan Matus, sorcier yaqui. «Je vais énoncer le trait de connaissance peut-être le plus grand qu’un être humain puisse exprimer : Sais-tu qu’à cet instant précis, tu es entouré d’éternité? Et sais-tu que tu peux te servir de cette éternité si tu le désires? Là-bas, voilà l’éternité!» dit-il en signalant l’horizon, puis il montra le zénith : «ou bien là-bas. Peut-être que nous pouvons dire que l’éternité est comme cela». Il allongea les deux bras pour signaler l’est et l’ouest. «Sais-tu que tu peux te prolonger pour toujours dans une de ces directions que je t’ai indiquées? Sais-tu qu’un seul instant peut être une éternité? Il ne s’agit pas d’une devinette mais d’un fait, à condition que tu saisisses cet instant et que tu t’en serves pour maîtriser définitivement la totalité de toi-même, dans n’importe quelle direction». C’est avec son corps que le sorcier indique les directions du cosmos. Et c’est en étant debout que le nadir est exprimé, comme étant sous les pieds de l’homme. Par cette remarque, on peut dire que c’est le corps debout de l’homme qui indique les directions du cosmos. Ce fait pourrait peut-être expliquer les divers «debout et à l’ordre» qui permettent au F/maç/ d’attester aussi l’univers.
L’orientation des portes du Temple définissent-elles le parcours rituel de la fuite d’Hiram cherchant à échapper aux mauvais compagnons ?
Parce que les conjurés bloquent 3 portes, cela signifie qu’il n’y en avait pas d’autres. En effet le Temple avait trois portes (aucune à l’occident).
Tous les rituels disent cela, mais ensuite le parcours d’Hiram cherchant à échapper à ses poursuivants n’est plus le même selon les Rites. Par exemple : son le trajet commence, selon le REAA, au sud puisqu’il est écrit : «ayant terminé son inspection des travaux du jour, Hiram allait se retirer par la porte du Midi» puis il se dirige vers la porte d’occident [?]. Mais au Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm comme au Rite Opératif de Salomon: sa visite terminée, Hiram sortit de la Chambre du Milieu et se dirigea vers la porte d’occident [?], puis continua vers la porte du nord. Au Rite Écossais Primitif, Occident [?], Midi et Orient est le trajet d’Hiram. Au Style Émulation, ils [les mauvais compagnons] s’embusquèrent respectivement aux entrées ménagées à l’est, au nord et au sud du Temple, où notre Maître s’était retiré pour faire ses dévotions au Très Haut, ainsi qu’il y était accoutumé à l’heure de midi ; le premier coup est porté au sud, puis le Maître se dirige vers la porte du nord et reçoit le dernier coup à l’est.
Le trajet se finit toujours à l’Orient de la chambre funèbre de la loge. La narration du meurtre ne se rapporte donc pas toujours à l’orientation du Temple de Salomon, mais plutôt à celle la loge où se joue l’époptie.
Lorsqu’ils indiquent une orientation, les points cardinaux ont une valeur adjectivale. Ils doivent être écrits avec une minuscule. Lorsqu’ils permettent de parler d’une région déterminée, d’un lieu, d’une entité politique, les points cardinaux doivent être écrits avec une majuscule.