De notre confrère france24.com
Le nouveau roi zoulou a été couronné samedi après une longue querelle pour la succession au trône. Fils de la favorite du roi Goodwill Zwelithini décédé en 2021 après cinquante ans de règne, Misuzulu Zulu est contesté par la première épouse et ses descendants.
Autour du petit palais en marbre perché sur les collines, l’agitation est intense : le peuple zoulou couronne samedi 20 août son nouveau roi, souverain traditionnel le plus puissant d’Afrique du Sud, malgré une dispute pour le trône qui dure depuis plus d’un an.
Dans le pays d’Afrique australe, les souverains et chefs traditionnels sont reconnus par la Constitution. Rois sans pouvoir exécutif, ils exercent une autorité morale et sont profondément respectés par leur peuple.
Dans la matinée, une foule chamarrée de plusieurs milliers de personnes s’est rassemblée pour la fête en l’honneur de Misuzulu Zulu, 47 ans, désormais aussi appelé Misuzulu kaZwelithini, du nom de son père, mort l’année dernière après cinquante ans de règne.
Des troupes de guerriers “amaButho” ont afflué vers le palais, formant d’impressionnantes colonnes hérissées de sagaies et boucliers en peau de bête. Ces protecteurs du roi doivent promettre loyauté et respect au nouveau souverain.
Les femmes ont revêtu les tenues traditionnelles, des jupes plissées et des ceintures en perles pour certaines. D’autres sont drapées de tissus à l’effigie du souverain avec l’inscription “Bayede“, “saluez le roi” en langue zoulou.
Des jeunes filles dansent les seins nus. Chacune à leur tour, elles entrent dans le cercle au rythme de chants de célébration, lèvent la jambe haut avant de faire résonner leurs semelles dans la poussière.
Les 11 millions de Zoulous du pays, soit quasiment un Sud-Africain sur cinq, ont répondu en masse à l’invitation à célébrer leur culture. « Aujourd’hui le roi sera reconnu par toute la nation zouloue », explique à l’AFP sa sœur, la princesse Ntandoyesizwe Zulu, 46 ans, en sortant apprêtée et un peu fébrile du palais de KwaKhangelamankengane, à Nongoma, petite ville de la province du KwaZulu-Natal, dans le sud-est du pays.
Un roi controversé
Juste après minuit, le souverain est entré dans “l’enclos à bétail”, sorte de temple de la nation zouloue où les hommes, en cercle restreint, communiquent avec les ancêtres. Protégé par une clôture hérissée de troncs d’arbres, l’enclos symbolique était samedi matin interdit aux regards. « C’est un lieu sacré, nous ne pouvons pas révéler au monde ce qu’il s’y passe », dit Muntomuhle Mcambi, 34 ans, un des “amaButho”.
Au cours de la semaine, le roi a tué un lion dans une réserve proche, dernier rite avant le couronnement. La tradition a été respectée, sans toutefois faire taire la contestation au sein même du palais.
Le défunt roi Goodwill Zwelithini a laissé derrière lui six femmes et au moins 28 enfants. La première épouse clame être la seule légitime et demande à la justice de trancher. Samedi, son clan a annoncé avoir déposé un recours en urgence pour arrêter le couronnement.
« Ceux qui sont zoulous et connaissent les traditions savent qui est le roi », a fustigé Themba Fakazi, conseiller du précédent souverain et partisan de Misuzulu Zulu. D’autres voix dans le palais se sont élevées pour mettre fin à une bataille qui fait du “peuple du ciel” une risée, selon certains.
Misuzulu Zulu est le fils de la troisième épouse et favorite de son père. Il a lui-même deux épouses, dont l’une originaire d’Eswatini, et au moins quatre enfants.
La fortune dont il hérite est également au centre de la querelle. Le roi zoulou jouit de près de 30 000 km2 de terres, environ la superficie de la Belgique, gérées par un trust dont il est le seul administrateur. Il en tire de confortables revenus notamment en percevant des loyers.
Connu pour mener un train de vie fastueux, le roi Zwelithini percevait également environ 75 000 euros annuels de l’État pour son usage personnel et un budget de 7,1 millions de rands (4,2 millions d’euros) par an pour le fonctionnement du royaume, selon un barème du gouvernement.
Le roi doit encore être formellement reconnu par le président Cyril Ramaphosa, une cérémonie doit avoir lieu dans les prochains mois.
Les Zoulous
Les Zoulous sont un peuple bantou d’Afrique australe, en partie sédentarisé, qui se trouve principalement en Afrique du Sud.
Le peuple zoulou (son nom vient de l’expression amaZulu, « le peuple du ciel ») fut unifié par le roi Chaka, qui fit de son clan de 1 500 personnes une nation redoutable par la conquête et l’assimilation. L’unification zouloue est en partie responsable du mfecane, la vague chaotique d’émigration de clans au-delà des rivières Tugela et Pongola, nouvelles limites du KwaZulu.
Reconnus pour leur armée formidable (impi), les Zoulous se heurtent aux colons boers et à l’armée britannique au xixe siècle avec un acharnement et des tactiques qui prirent à plusieurs reprises les Européens au dépourvu (victoire zouloue à la bataille d’Isandhlwana pendant la guerre anglo-zouloue de 1879). La majeure partie des Zoulous aujourd’hui sont cultivateurs, mais l’urbanisation en a attiré un grand nombre vers les villes au cours du xxe siècle. Les Zoulous urbains se trouvent principalement au Witwatersrand, zone minière dans la province de Gauteng comprenant Johannesbourg et à Durban (dont le nom zoulou est eThekwini), port important du KwaZulu-Natal. La vannerie, la garniture de perles et les chants zoulous sont célèbres.
Sur le plan politique, les Zoulous sont depuis 1980 profondément divisés entre partisans du Congrès national africain (ANC, fondé en 1912) et ceux du Parti Inkatha de la liberté (IFP, fondé en 1975). De violentes émeutes éclatent entre ces partis, dans l’attente de la première élection de l’après-apartheid (Élections générales sud-africaines de 1994). L’IFP l’emporte (uniquement) au KwaZulu-Natal, mais son vote est légèrement en recul aux élections récentes. Depuis quelques années, l’IFP est en coalition avec l’ANC.
Religion et croyances
La plupart des zoulous se réclament du christianisme. Quelques-unes des églises auxquelles ils appartiennent sont l’African Initiated Church, en particulier l’Église chrétienne de Sion et diverses églises apostoliques, bien que l’appartenance aux principales églises européennes (l’Église réformée hollandaise, l’Église anglicane et le catholicisme) soit aussi assez répandue. Néanmoins, les Zoulous gardent leurs croyances pré-coloniales du culte des ancêtres sous forme d’un syncrétisme avec le christianisme.
La religion zouloue possède un dieu créateur, Nkulunkulu, qui interagit aussi dans la vie quotidienne des humains, bien que cette croyance se révèle être le résultat des efforts des premiers missionnaires pour adapter le dieu chrétien à la culture zouloue. Traditionnellement, la croyance la plus forte chez les Zoulous ce sont les esprits des ancêtres (Amatongo ou Amadhlozi), qui ont le pouvoir d’intervenir en bien ou en mal dans la vie des gens. Cette croyance perdure parmi la population zouloue.
Pour communiquer avec le monde spirituel, le sorcier (sangoma) doit invoquer les ancêtres à travers un rituel de divination. Alors, un herboriste (inyanga) prépare une mixture à consommer (muti) pour influencer les ancêtres. Les sorciers et les herboristes jouent un rôle important dans la vie quotidienne des Zoulous. Néanmoins, il existe une différence entre le muti blanc (umuthi omhlope), qui a des effets positifs, comme la guérison, la prévention ou la fin de la malchance, et le muti noir (umuthi omnyama), qui peut apporter maladies et mort aux autres, ou une santé mal acquise à celui qui en use. Les pratiquants du muti noir sont considérés comme des sorciers du mal et sont rejetés par la société.
Le christianisme a eu du mal à s’implanter dans la population zouloue, et l’a fait de manière syncrétique. Isaiah Shembe, considéré comme le messie zoulou, présente une forme de christianisme mélangé aux traditions locales.