L’origine du mot est incertaine, strictement latine. Mais l’idée de *premere, sans ambiguïté, est de serrer pour extraire un liquide. On presse un fruit dans le pressoir, une éponge entre ses doigts, un tissu engorgé ou une compresse, pour en exprimer le contenu, l’excédent.
Par diverses tâches concrètes exercées dans une substance molle, malléable, plastique, il s’agit de laisser une marque, un vestige, l’empreinte d’un pas dans le sable, d’un cachet dans la cire, d’un caractère de plomb encré sur le papier. Exercice d’une force coercitive pour réduire le volume du comprimé, imposer son pouvoir, pressurer le contribuable. La déprime et, à plus forte raison, la dépression oppressent la poitrine et la respiration, oppriment corps et esprit de qui en est victime. Qu’il est pesant celui qui accable de ses prévenances celle auprès de laquelle il se montre intempestivement empressé !
Quel que soit le préfixe utilisé pour ce verbe presser, l’idée de contrainte est sous-jacente. Les diverses expressions faciales témoignent des sensations et des sentiments en jeu. Le temps, incompressible ou pas, est réduit au maximum en voyage ou courrier express. On réprimande l’insolent, on réprime les velléités d’indépendance, la répression se fait cruelle jusqu’à supprimer les fauteurs de troubles. Ou bien les fautes d’impression qui font désordre dans le bel ordonnancement des lignes du texte que la presse de l’imprimeur vient de produire.
La langue du XVIe siècle conserve la connotation sensorielle dans l’expression imagée “être en bonne ou mauvaise odeur”, qui désigne la bonne ou mauvaise impression que l’on suscite.
Impression comme un choc que l’on reçoit, effleuré ou appuyé, doux ou amer, durable ou fugace. Elle vient toujours de l’extérieur. On tente avec plus ou moins de succès de la fixer dans sa mémoire, d’en donner la description narrative ou raisonnée. Aucune certitude à retenir dans cette image visuelle ou mentale qui peine à se matérialiser, se justifier, à s’imprimer dans la conscience. J’ai comme l’impression… avec cette sensation d’être près de quelque chose, dans le flou du presque.
Les officiels autoproclamés des Salons, au XIXe siècle, ne manquèrent pas de vitupérer contre ces peintres qui s’attachaient moins au trait et à sa netteté qu’à la vague des couleurs et ne respectaient pas l’orthodoxie des Beaux-Arts. Et faute de trouver une juste dénomination, ils leur attribuèrent ce néologisme qui fit tant florès dans l’avenir, l’Impressionnisme. Faut-il rappeler que ces inclassables mirent ainsi K.O. nombre d’académismes… ?
Je l’ai pas fait exprès, promis !, disent les irresponsables penauds.
Et après ?
Annick DROGOU
“Impression, soleil levant“, c’est un célébrissime tableau de Claude Monet. Le soleil y émerge d’une brume enveloppante, tout semble encore nébuleux, comme nos souvenirs, ces impressions enfouies dans notre mémoire, ce que nous avons imprimé, sans en vouloir garder la précision des faits, seulement ce qui en a été une perception fugace. Affleurement de la vérité de l’aurore sous le pinceau de l’artiste. Nos impressions sont-elles ces perceptions apparemment les plus éphémères qui pourtant gravent en nous l’essentiel ?
Entre inconscience et conscience, entre intuition et réminiscence. Vague impression, bonne ou mauvaise impression. L’impression est en train de se produire, elle est chaque fois neuve et pourtant elle hérite de tout ce qui a déjà imprimé notre mémoire. L’impression n’a pas besoin de mots, elle est sœur de l’intuition. Elle parle au cœur, elle dit les mots de l’âme. Elle ne raisonne pas, elle veut seulement résonner. Le tableau de Monet est plus fort qu’un dessin d’architecte pour nous donner à voir le soleil levant.
Ce n’était qu’une impression, une perception pas encore formulée ou même jamais dite mais jamais perdue, sentiment comme un message subliminal, que je m’adressais à moi-même, un avertissement, ce moment juste avant l’élan, qui prépare la réponse. Et puis cela m’a fait forte impression. Impression indélébile, tellement impressionnante qu’on en reste impressionné, intimidé, interdit.
Impression comme une entrevue. Mémoire de la rencontre, reconnaissance avec qui, avec quoi ? Avec le soleil levant, avec toi qui t’avances. Impression comme une interprétation rapide, et pourtant qu’on rend définitive. La première impression sera la bonne parce qu’elle est la reproduction de ce qui a déjà été imprimé dans notre histoire. L’impression est le point de rencontre entre la nouveauté et notre histoire.
Jean DUMONTEIL