(Les “éditos” de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois)
Juillet, mon doux juillet, apothéose des fleurs et des fruits, voilà que tu t’enfuis. L’abeille [1] a, désormais, moins à butiner, l’abeille attachante et paisible, ô fraternelle et mystique abeille, toi qui comprimes le soleil dans tes alvéoles et fais ruisseler l’or dans nos bouches !
Mieux que jamais, à la saison sèche, les ruches, à l’ordonnancement parfait, renvoient à nos temples, suspendus… La torpeur d’août est propice à la méditation. Ainsi, l’abeille industrieuse construisant son royaume nous invite à l’utopie sociale et spirituelle. On se souvient que son miel, symbole de Lumière et de Verbe sublimes, fut partagé au banquet d’ordre de la Saint-Jean d’été, tandis que les fraternels convives cherchaient à « éclairer l’esprit, régler le cœur et inspirer le goût du vrai, du bon et du beau ».
Habillés comme des majordomes en gilet, ces hyménoptères organisés en de prodigieux ateliers [2] baignent, pour Bernard de Clairvaux, dans l’Esprit saint, comme le rappellent Roger Dachez et Alain Bauer dans leur Lexique des symboles maçonniques [3]. Toutefois, si l’on comprend que le moine bourguignon ait vu en ces magnifiques insectes un don mystérieux de Dieu agissant non seulement dans leur vie mais la régissant tout entière, nous restons, certes, admiratifs de la complexité de leurs instincts, de la richesse de leur langage gestuel et du règne égalitaire qu’ils respectent, mais nous nous distinguons du célèbre cistercien par le culte que nous vouons à la liberté. C’est ainsi qu’un symbole n’est qu’un tremplin pour le franc-maçon, un support de rêverie et de réflexion où il va loger ses propres choix de conscience et d’action.
Pour autant, sacrées abeilles !
[1] À l’instar de l’abeille, m’ont entraidé à rédiger cet édito les deux ouvrages suivants :
- Thomas Grison, Le symbolisme de l’abeille, Maison de Vie Éditeur, 2019, 122 p. (coll. « Les symboles maçonniques » № 87) ;
- Lucien Millo & Patrick Charles Berard, L’abeille et le franc-maçon : une sagesse commune dans un monde partagé, éd. LiberFaber, 2019, 262 p.
[2] Qu’il sagisse de leur constitution individuelle ou de leur vie collective…
[3] Presses Universitaires de France, 2014, 128 p. (coll. : « Que sais-je ? »), p. 14 et passim.