ven 22 novembre 2024 - 15:11

Les cinq sens

Pas la peine de rappeler que c’est le premier voyage du compagnon ; tout le monde le sait mais, en revanche s’interroger sur ce message qui n’est en rien symbolique mais plus un rappel de la perception du monde par l’Homme. Pourquoi cela ? Pour s’imprégner de cette connaissance. Le propos de la Voie maçonnique n’est pas l’érudition. Il te faut donc chercher ce que déclencherait en toi ce premier voyage. À noter que c’est une invention précisément daté et authentifié : le Frère Amiable, du GODF, en 1884. Comme l’époque le voulait, ce fut un positiviste. Pas question donc de symboles.

Alors que vas-tu faire ? Laisser tomber et expliquer tes raisons. Ou alors admettre que le message, sans être symbolique, porte un enseignement. Si oui, cherchons l’intention de l’inventeur, le contenu de l’invention et les raisons pour lesquelles, ces cinq voyages se sont installés dans la Voie maçonnique, comme des musiciens en fanfare.

Les neurologues confirment dans leurs dernières découvertes ce dont plusieurs, à toutes les époques, eurent et ont l’intuition : le soubassement de la raison, c’est l’émotion ; et le soubassement de l’émotion c’est la sensation. Penses-tu que les Francs-maçons suivent une Voir maçonnique conforme à cette réalité démontrée ? Si oui, trouve des exemples ; sinon, pourquoi ? En tout état de cause, si nous voulons développer nos capacités cognitives et de discernement, il devient indispensable, dans le plus de situations possibles, de dégager l’émotion qui est le socle du raisonnement. Pour ensuite parvenir aux sensations.

Comment parvenir à faire ce travail qui nous mène aux confins de la conscience ? en fait à ce qui mène dans les régions étranges de l’inconscient ; ainsi que nous l’apprend le mouvement de l’Intelligence émotionnelle de Daniel Goleman. Ou les six « vertus » et 24 « forces de caractère » listées par Seligman et Peterson. Quant à moi, je préfère le modèle de Pluchik, avec les huit émotions primaires et les huit émotions secondaires qui en dérivent. Choisis ce que tu sens le mieux, c.a.d. le plus pratique et le plus proche de l’ambiance maçonnique. Puis, pose-toi la question : lesquelles de ces émotions ai-je ressenties depuis mon initiation ?

Exit donc la raison et les émotions sous-jacentes deviennent le vrai terrain de la connaissance de soi. L’invitation du miroir et le « gnothi seauton » delphique nous pressent de labourer cette terre intérieure. Alors ficher en l’air Platon-la raison et rejoindre Montaigne-le-cœur ? Mais alors comment aborder le monde de mes émotions ? Pas par l’analyse et le jugement. Par la vie, l’intuition, et l’abandon. Crois-tu que c’est facile avec une culture française ? Dans quelle mesure estimes-tu que les planches tiennent compte de cette réalité ? Reconnais tes émotions. Comment ? En les acceptant dans l’entièreté de son être, sans mépris, ni louange. Alors tu pourras descendre plus bas, aux sensations.

Les sensations, classiquement issues de cinq sens. Toute sensation ne fait pas naître une émotion palpable mais toute émotion germe sur une sensation. Il est indispensable de descendre l’échelle raison, émotions, sensations. Être à l’écoute de son corps. Qu’est-ce à dire ? L’aimer et l’accepter sans réserve. Pour ressentir la moindre de ses manifestations issues de la perception par les cinq sens. Où en es-tu à ce propos ? Quel est ton degré d’acceptation de ton corps au-delà de ses qualités et défauts apparents ? Chaque sens peut t’envoyer un message. Exemples dans l’infinie variété : j’écarquilles les yeux ; mon souffle s’accélère ; je ne prête pas l’oreille à ce qui se dit ; je me sens rougir, mes paumes se touchent ; ça démange ; mes pieds se contractent… et, à chaque fois, une émotion.

Mais si se connaître, c’est reconnaître ces émotions, le fin mot est de prendre conscience de l’émotion et de la sensation qui l’a engendrée. Et de la reconnaître chez l’autre. C’est le vecteur le plus puissant de la fraternité. La leçon est « je peux ne pas être d’accord avec tes opinions, tes raisonnements mais je partage les émotions dont tu témoignes. » Là est vraiment l’empathie maçonnique. Alors pose-toi les questions sur notre pratique. On part du postulat selon lequel plus les cinq sens sont sollicités, plus les émotions seront variées et plus les émotions seront variées et conscientes plus on aura une vie pleine.

Alors dans quelle mesure le rite maçonnique, les arcanes nous guident vers ce travail de la connaissance de soi et de partage avec les autres ? Par exemple le baiser maçonnique est de l’ordre du toucher puis de l’affection (ou de la simple courtoisie) : l’énoncé (l’ouïe) du rituel me détend et me fait ressentir la paix, au moins le calme.

Alors va plus loin et passe en revue les cinq sens ébruités dans les cérémonies, surtout l’initiation. Envisage alors ce que pourrait être ton travail, adapté à ta spécificité. En fonction de ta prise de conscience actuelle. Jusqu’où connais-tu la vie pleine ? Quelles améliorations. N’hésita pas à être très concrète du genre : trois fois par tenue, quand je ressentirai une sensation, même infime, j’identifierai l’émotion qui se manifeste. Ou dans l’autre sens :Je ressens telle émotion ; à quel(s) sens me renvoie-t-elle ?

Pour terminer, je te propose par exemple, L’ajout des cinq sens est d’origine positiviste, je l’ai dit plus haut, à l’époque ou la raison trônait. (Amiable 1884) Cette conception est très dépassée. Mais elle trouve une seconde naissance, dans la sensation vécue comme cause première de l’accueil du monde et de ses phénomènes. Nos anciens, sans qu’il soit besoin de la démontrer rationnellement, eurent bien du flair, de l’intuition.

1 COMMENTAIRE

  1. S’arrêter aux 5 sens traditionnels, n’est-ce pas à la fois s’illusionner, ne oas tenir compte des expériences que nous pouvons faire nous mêmes et limiter le champ de nos connaissances possibles ?
    (NB, je n’ai pas été prévenu du sort fait à un commentaire précédent…)

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Jacques Fontaine
Jacques Fontaine
Jacques Fontaine est né au Grand Orient de France en 1969.Il se consacre à diffuser, par ses conférences, par un séminaire, l’Atelier des Trois Maillets et par une trentaine d’ouvrages, une Franc-maçonnerie de style français qui devient de plus en plus, chaque jour, « une spiritualité pour agir ». Il s’appuie sur les récentes découvertes en psychologie pour caractériser la voie maçonnique et pour proposer les moyens concrets de sa mise en œuvre. Son message : "Salut à toi ! Tu pourrais bien prendre du plaisir à lire ces Cahiers maçonniques. Et aussi connaître quelques surprises. Notre quête, notre engagement seraient donc un voyage ? Et nous, qui portons le sac à dos, des bagagistes ? Mais il faut des bagagistes pour porter le trésor. Quel est-il ? Ici, je t’engage à aller plus loin, vers cette fabuleuse richesse. J’ai cette audace et cette admiration car je suis un ancien maintenant. Je me présente : c’est en 1969 que je fus initié dans la loge La Bonne Foi, à Saint Germain en Laye, au Rite Français. Je travaille aussi au Rite Opératif de Salomon. J’ai beaucoup voyagé et peu à peu me suis forgé une conviction : nous, Maçons latins, sommes en train d’accoucher d’une Voie maçonnique superbe : une spiritualité pour agir. Annoncée dès le début du XXème siècle. Elle est en train de se déployer et nous en sommes les acteurs plus ou moins conscients mais riches de loyauté.

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