La mémoire est définie comme le processus continu de rétention d’informations dans le temps. Dans la vie de tous les jours, c’est une capacité cognitive fondamentale qui, lorsqu’elle commence à disparaître, nous projette dans le monde du handicap et souvent de la démence. Dans la grande majorité des cas, on ne se pose pas de problème et on utilise cette fonctionnalité cérébrale sans réfléchir ! C’est lorsqu’arrive le 3ème et le 4ème âge que l’on commence à s’inquiéter ! Les informations que j’ai rassemblées ci-dessous ont pour but de nous inciter à “protéger” et à “cultiver” notre mémoire !
Mais comment ça marche exactement ?
A vrai dire on est encore loin d’avoir tout compris mais ce que l’on sait n’est pas sans intérêt. Une réponse rapide pourrait être : “Sur deux modes !”
- Le système 1 : plutôt inconscient, rapide, automatique, routinier,
- Le système 2 : plutôt conscient, lent, nécessitant un effort.
À chacun de ces deux niveaux, il y a :
- La prise en compte de l’information (encodage),
- La conservation (stockage) de l’information acquise,
- et sa récupération à la demande.
Si vous repensez aux circonstances où vous avez appris une nouvelle compétence, comme conduire une voiture, vous devriez vous souvenir que, lorsque vous avez appris cette compétence pour la première fois, l’exécuter fut un processus actif dans lequel vous analysiez et étiez parfaitement conscient de chaque mouvement que vous faisiez : cela mettait en activité le système 1. Ce système 1 se caractérise par un rappel rapide et inconscient d’informations précédemment mémorisées.
Les activités en classe s’appuient fortement sur le système 1 ; comme par exemple, l’apprentissage des tables de multiplication, les questions d’examen à choix multiples.
L’activation du système 2 devient nécessaire lorsque les élèves se voient proposer des activités et des devoirs qui les obligent à fournir une nouvelle solution à un problème, à s’engager dans une réflexion critique ou à appliquer un concept en dehors du domaine dans lequel il a été initialement présenté.
Il est important de garder à l’esprit que le fonctionnement du Système 2 dépend de la fonctionnalité du Système 1.
En d’autres termes, la pensée critique nécessite de nombreuses connaissances mémorisées et la capacité de réaliser des jugements intuitifs et automatiques.
Les trois processus principaux qui caractérisent le fonctionnement de la mémoire : l’encodage, le stockage et la récupération (ou le rappel).
L’encodage . L’encodage fait référence au processus par lequel l’information est apprise, comment les informations sont prises en compte, comprises et modifiées pour faciliter la 2ème étape, le stockage.
Il y a quatre méthodes d’encodage des informations :
- L’encodage visuel ;
- L’encodage acoustique
- L’encodage sémantique (en rapport avec la signification)
- et l’encodage tactile.
Le stockage. Le stockage de la mémoire met en évidence deux types de mémoire :
- la mémoire à court terme
- et la mémoire à long terme.
La mémoire à court terme (Short Term Memory – STM) ne dure qu’entre 15 et 30 secondes. De plus, STM ne stocke qu’entre cinq et neuf éléments d’information, sept éléments étant le nombre moyen. Dans ce contexte, le terme « éléments » fait référence à toute information.
La mémoire à long terme (Long Term Memory – LTM) a une immense capacité de stockage, et les informations stockées dans LTM peuvent y être stockées indéfiniment.
Une fois que les informations sont stockées dans LTM ou STM, les individus doivent les rappeler ou les récupérer pour utiliser ces informations.
L’information codée est d’abord stockée en mémoire à court terme puis, si besoin est, en mémoire à long terme.
La récupération . C’est le processus par lequel les individus accèdent aux informations stockées.
Les informations stockées dans STM et LTM sont récupérées différemment. Alors que STM est récupéré dans l’ordre dans lequel il est stocké (par exemple, une liste séquentielle de numéros), LTM est récupéré par association (par exemple, se souvenir de l’endroit où vous avez garé votre voiture en retournant à l’entrée par laquelle vous avez accédé à un centre commercial ).
Physiologie de la mémoire
La théorie de la mémoire en « deux étapes » postule que la consolidation de la mémoire implique un dialogue pendant le sommeil entre l’hippocampe, où les traces de mémoire sont initialement formées, et le néocortex, où elles sont stockées pour une rétention à long terme.
Une cible importante est le cortex préfrontal médial, qui au fil des jours devient progressivement impliqué dans le rappel de la mémoire, en même temps qu’un désengagement progressif de l’hippocampe. Pendant le sommeil, les schémas d’activité neuronale liés aux tâches sont rejoués dans les deux structures, orchestrés par diverses oscillations cérébrales liées à la consolidation de la mémoire.
Troubles de la mémoire et le rôle des neuromédiateurs
Dans le cerveau, de multiples modifications physiologiques sont associées à la dégradation des facultés mentales et de la mémoire. Indépendamment de l’âge, un problème de la mémoire témoigne d’un déséquilibre neurochimique.
L’acétylcholine est le neurotransmetteur le plus souvent impliqué.
L’acétylcholine régit deux fonctions importantes : la vitesse de propagation de l’influx nerveux et la bonne hydratation du cerveau.
Dès que la transmission de l’influx nerveux entre les neurones ralentit, nos idées sont moins claires et nous n’arrivons plus à nous souvenir d’événements, de lieux ou de noms stockés dans la mémoire de travail. Si la vitesse de propagation ralentit de dix à vingt millisecondes, le fonctionnement du cerveau cesse d’être optimal. En effet la mémoire fonctionne avec des ondes et des particules : dès qu’une onde cérébrale ralentit, les particules (neurotransmetteurs) cessent de passer de neurones en neurones. Le cerveau marche parfois au ralenti parce qu’il manque d’eau, ce qui nuit au traitement correct des données. La transmission de l’influx nerveux se dégrade et certaines connexions neuronales sont court-circuitées par des plaques (qui se forment à partir du matériau neuronal endommagé agrégé à une protéine nuisible appelée bêta-amyloïde), par la non-continuité de la couche de myéline qui entoure les neurones et par la perte de liquide céphalo-rachidien.
Les troubles de la mémoire peuvent également résulter de nombreuses maladies liées à l’acétylcholine. C’est particulièrement vrai en cas de sclérose en plaques et d’épilepsie, deux affections dues à une démyélinisation. Les personnes qui souffrent de trouble déficitaire de l’attention ont des problèmes dans le traitement de la mémoire à cause d’une mauvaise circulation de l’acétylcholine. Les infections et les réactions inflammatoires, dont l’encéphalite et le sida, affectent la capacité à concentrer son attention et le temps de réaction. Un patient séropositif a ainsi parfois une bonne mémoire de reconnaissance, mais une mauvaise mémoire d’évocation.
Le rôle du GABA, de la dopamine et de la sérotonine
La vitesse de transmission des informations est en outre affectée par des déficiences des trois autres neurotransmetteurs. Une carence en dopamine peut affaiblir la mémoire de travail. La prise de drogue ou des troubles psychiatriques comme la schizophrénie altèrent également la mémoire à cause du manque de dopamine. Un stress important aura des conséquences sur l’acuité intellectuelle par un besoin accru d’acétylcholine.
Les douleurs chroniques sont souvent révélatrices d’un déficit en GABA. Or une forte douleur provoque des troubles de la mémoire car une mauvaise utilisation des antalgiques diminue le taux de GABA. Comme ce neurotransmetteur contrôle le rythme cérébral, il s’ensuit une perte additionnelle d’acétylcholine. Sur le plan mental, un trouble du rythme cérébral lié au GABA indique des problèmes d’interférence, au niveau de la mémoire, dus à de l’anxiété ou à un état dépressif. Sur le plan physique, le GABA joue un rôle dans la survenue des crises d’épilepsie pouvant être à l’origine de trous de mémoire voire d’amnésie.
Enfin, la sérotonine intervient dans la régulation du sommeil au niveau du système nerveux central. Des trous de mémoire momentanés peuvent aussi se produire suite à la prise chronique de certains médicaments vendus sans ordonnance (contre l’allergie, la grippe, les diarrhées, etc.) qui perturbent les cycles du sommeil, ce qui retentit sur la mémoire.
À terme, un dysfonctionnement du cerveau provoque de sérieux troubles du sommeil et, par conséquent, de mémoire. Un sommeil non réparateur peut également aboutir à de la dépression et/ou des traumatismes, et nuire là aussi à la mémorisation.
Les troubles de la mémoire et les pauses
En vieillissant, notre organisme sécrète moins d’hormones et des pauses apparaissent au niveau cérébral. Nous produisons moins d’hormone de croissance entre 30 ans et 50 ans, moins d’œstrogène et de testostérone entre 40 ans et 50 ans, moins de DHEA entre 30 ans et 60 ans, et souvent moins de progestérone à partir de 60 ans.
Ces pauses peuvent toutes provoquer des troubles de la mémoire. Par exemple, une insuffisance de mélatonine entraîne des interruptions dans les cycles du sommeil, ce qui affecte le stockage des données ; un taux de progestérone trop bas augmente l’anxiété, ce qui est destructeur pour la mémoire ; une carence en hormone de croissance aboutit à l’arrêt prématuré de la croissance des neurones.
Des conseils pédagogiques pour permettre de mieux mémoriser
L’effet test.
La recherche moderne en psychologie suggère que de petits tests fréquents sont l’un des meilleurs moyens d’apprendre. En encourageant les élèves à se souvenir régulièrement des informations qu’ils ont récemment apprises, vous les aidez à conserver ces informations dans la mémoire à long terme, sur lesquelles ils pourront puiser à une étape ultérieure de l’expérience d’apprentissage (Brown, Roediger et McDaniel, 2014). Comme avantages secondaires, des tests fréquents permettent à la fois à l’enseignant et à l’élève de garder une trace de ce qu’un élève a appris sur un sujet et de ce qu’il doit réviser à des fins de rétention.
L’espacement :
Selon l’effet d’espacement, lorsqu’un élève apprend et se souvient de manière répétée d’informations sur une période prolongée, il est plus susceptible de retenir ces informations. Ceci est comparé à l’apprentissage (et à la tentative de retenir) des informations dans un court laps de temps (par exemple, étudier la veille d’un examen). En tant qu’enseignant, vous pouvez favoriser cette approche d’étude chez vos élèves en structurant vos expériences d’apprentissage de la même manière. Par exemple, au lieu de présenter un nouveau sujet et ses concepts connexes aux étudiants en une seule fois, vous pouvez couvrir le sujet en segments sur plusieurs leçons (Brown, Roediger et McDaniel, 2014).
L’entrelacement :
La technique d’entrelacement est une autre approche d’enseignement et d’apprentissage qui a été introduite comme alternative à une technique connue sous le nom de «blocage». Le blocage fait référence au moment où un étudiant pratique une compétence ou un sujet à la fois. L’entrelacement, d’autre part, se produit lorsque les étudiants pratiquent plusieurs compétences connexes au cours de la même session. Cette technique s’est avérée plus efficace que la technique de blocage traditionnelle dans divers domaines (Brown, Roediger et McDaniel, 2014).
La mémoire dépendante de l’état :
La mémoire dépendante de l’état fait référence à l’idée qu’être dans le même état dans lequel vous avez appris des informations pour la première fois vous permet de mieux vous souvenir de ces informations. Dans ce cas, « l’état » fait référence à l’environnement d’un individu, ainsi qu’à son état mental et physique au moment de l’apprentissage (Weissenborn & Duka, 2000).
Le rôle des schémas :
Les schémas font référence aux cadres mentaux qu’un individu crée pour l’aider à comprendre et à organiser de nouvelles informations. Les schémas agissent comme un “raccourci” cognitif en ce sens qu’ils permettent aux individus d’interpréter de nouvelles informations plus rapidement que lorsqu’ils n’utilisent pas de schémas. Cependant, les schémas peuvent également empêcher les individus d’apprendre des informations pertinentes qui sortent du cadre du schéma qui a été créé. C’est pour cette raison que les élèves doivent être encouragés à modifier ou à réanalyser leurs schémas, si nécessaire, lorsqu’ils apprennent des informations importantes qui peuvent ne pas confirmer ou s’aligner sur leurs croyances et conceptions existantes sur un sujet.
Le regrouper :
La segmentation est le processus de regroupement d’éléments d’information pour mieux faciliter la rétention. Au lieu de se rappeler chaque pièce individuellement, les individus se souviennent de l’ensemble du groupe, puis peuvent récupérer plus facilement chaque élément de ce groupe (Gobet et al., 2001).
La pratique délibérée :
La dernière technique que les élèves peuvent utiliser pour améliorer le rappel est la pratique délibérée. En termes simples, la pratique délibérée fait référence à l’acte de pratiquer délibérément et activement une compétence avec l’intention d’améliorer la compréhension et la performance de ladite compétence. En encourageant les élèves à pratiquer une compétence continuellement et délibérément (par exemple, rédiger un essai bien structuré), vous assurerez une meilleure rétention de cette compétence (Brown et al., 2014).
Le rôle de l’alimentation dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer
Différentes études effectuées aux Etats-Unis ont montré que le métabolisme cérébral du glucose et de l’insuline était altéré dans la maladie d’Alzheimer (MA). Pour compenser ce trouble, les cétones sont appelés à fournir une énergie alternative.
En partant de cette constatation, l’apport d’huile de triglycéride à chaîne moyenne (MCT) a été proposée comme source nutritionnelle de cétones.
Une étude croisée randomisée, en double aveugle, contrôlée par placebo, d’une durée de 6 mois, avec une extension de 6 mois chez des sujets probables atteints de MA, sous médication stable a été réalisée en 2021 et les résultats ont été publiés par “l’Alzheimer’s association”. La dose de MCT était de 42 g/jour, soit la dose maximale tolérée. La cognition a été évaluée avec le Mini-Mental State Examination (MMSE), le Montreal Cognitive Assessment (MoCA) et Cognigram®.
Vingt sujets, âge moyen 72,6 ans, 45 % de femmes, 70 % ayant fait des études universitaires avaient au départ un MMSE de 22,6/30 (10–29) ; MoCA 15,6/30 (4–27) ; référence Cognigram® Partie 1 : 65-106, Partie 2 : 48-107. La consommation moyenne d’huile MCT était de 1,8 cuillères à soupe/jour (25,2 g, 234 kcal).
Résultats : Quatre-vingt pour cent sont restés stables ou se sont améliorés. Une exposition MCT plus longue et un âge > 73 ans ont entraîné des scores MMSE finaux plus élevés ( P < 0,001) et Cognigram® 1.
Dans la vie courante l’aliment qui possède une proportion importante de triglycéride à chaîne moyenne sont l’huile de coco et l’huile de palmiste (à ne pas confondre avec l’huile de palme) : voir pour plus d’infos !
Ce résultat doit inciter les personnes âgées à ne pas attendre d’avoir des problèmes de mémoire pour inclure dans leur alimentation ces deux huiles alimentaires.
Mémoire et symbolisme
Charles-Bernard Jameux a consacré un livre à ce sujet : “L’art de la mémoire et la formation du symbolisme maçonnique” dont on dit beaucoup de bien (cf l’article que lui consacre Jean-Louis Turbet).
C’est un thème classique de la philosophie mais c’est aussi une constatation lorsque l’on sait combien les supports de la connaissance ont transformé nos existences !
On ne peut aborder ce sujet sans se poser la question d’un appauvrissement de la pensée collective suite à la moindre utilisation de nos procédés de mémorisation.
“Le symbolisme est un des éléments caractéristiques de la Franc-Maçonnerie. Plus précisément, il constitue le langage de l’initiation. Le propre du langage symbolique initiatique est d’utiliser des images du monde matériel, accessibles aux sens, pour évoquer des réalités abstraites, morales ou spirituelles.
Il faut cependant rappeler que la correspondance entre une idée et son symbole n’est pas un rapport symétrique, comme celui qui lie, dans un lexique, un mot à sa définition. Si l’image symbolique reste immuable, l’idée qu’elle évoque est appelée à se constituer progressivement et à mûrir dans l’esprit de l’initié en fonction de ses réflexions et méditations. Avec le temps, la simple présentation du symbole permettra d’activer dans la mémoire du sujet un ensemble de connaissances, d’impressions, de règles de conduite, ou un « état de l’être » qui y avaient été attachés.
Ce qui est important, c’est que la pléiade évoquée reste du domaine intérieur du sujet, et qu’elle n’est pas communicable par le langage ordinaire. D’où le peu d’intérêt, pour l’initié, d’un dictionnaire des symboles.
Dans la période terminale de son évolution, l’art de la mémoire est devenu une forme d’ascèse, dont le but était la connaissance de soi et la réintégration de la partie divine de l’âme. Curieusement, cette période précède de peu les débuts de la Franc-maçonnerie spéculative, et les deux disciplines présentent quelques « intersections » sous la forme de personnages et de milieux cultivant un intérêt pour l’ésotérisme.” (L’art de la mémoire et le langage symbolique de la Franc-Maçonnerie par Jean-Daniel Graf)
Sources :
Brain Rhythms and Neural Coding of Memory – Principal Investigator: Michaël ZUGARO, DR1 Cnrs
Brown, P.C., Roediger, H.L. & McDaniel, M.A. 2014. Make it stick: The science of successful learning. Cambridge, MA: Harvard University Press.
https://alz-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/trc2.12259