sam 23 novembre 2024 - 05:11

Une révolution de la voie maçonnique ?

Qu’en est-il de la qualité, de la transmission en Maçonnerie ? La succession des trois degrés bleus est-elle efficiente et naturelle ? Je ne le crois pas du tout ! La pédagogie initiatique a pour nom : la psychagogie, terme bien plus approprié. Alors interrogeons cette psychagogie. Avec la crainte de faire hurler d’indignation plusieurs d’entre nous ! D’abord, faisons le point sur la succession : Apprenti, Compagnon, Maître, à la lueur des études et des recherches menées depuis bien 70 ans au moins.

Et après une incroyable découverte, ignominieuse pour certain(es), nous irons plus avant. Comment se déroule l’enseignement, comme on dit maladroitement, des initié(es) ? Réponse stéréotypée bien française : avec un programme, bien établi, une succession de connaissances étagées selon les degrés. Des « maîtres-plancheurs-professeurs ». Et les niveaux qui sont sacrés ! C’est bien connu : Un Compagnon en sait bien plus qu’un Apprenti.  Que de clichés dans notre culture ! Deux parties donc dans cet article : l’ordre des degrés : « Victor ! Viens, Venge, Voyage » et la manière de vivre la Voie maçonnique : « le vagabondage de la Voie ».

Victor : « Viens, Venge, Voyage ».

            Victor, Maître depuis 5 ans, s’ébroue car il a été interpellé par ce qu’a résumé, en tenue, un Maître de l’Atelier, aussi chevronné que réformateur. Mais il s’est rassis. Ne dénonce-t-il pas les prises de parole qui n’en finissent pas ? En trois mots, il a dit, à propos de la progression maçonnique, le sujet de la tenue : « Moi, je sens trois étapes, plutôt trois postures dans la Loge bleue, je vais vous choquer ! Viens pour les Apprentis, Venge pour les Maîtres du deuxième degré et Voyage pour les Compagnons, dernier degré ». Plusieurs anciens, ressentent que Victor est allé plus loin qu’eux sur la    Voie ; en s’y soumettant mais, en même temps en osant la remettre en question. Ils en veulent plus sur ce que recèlent ces trois injonctions attirantes et insupportables selon la fameuse tradition. Il est alors décidé de tenir quatre ou cinq comités d’instruction pour découvrir ce que cachent ces trois verbes, ces injonctions successives : Viens, Venge, Voyage.

            En voici les comptes-rendus qui ne font pas une place suffisante aux échanges en miroir, base de la progression en fraternité :

  • Victor – « Mes Frères vous savez ou pas que la plupart des parcours initiatiques mondiaux commencent par la naissance du candidat et ses toutes premières années »
  • Le Frère Alexandre renchérit : « Mais oui, en Orient, en Afrique noire, beaucoup, mais aussi chez les Amérindiens… quels que soient l’époque et le lieu. »
  • « Oui », continue Victor. « Toute la base d’une initiation commence par une naissance. On dit au petit qui sort du ventre : « Viens » à la vie, à toi, à nous, au monde.
  • Julien a une intuition soudaine : « Alors, la succession des degrés raconterait l’enfance. Chez nous c’est transparent avec les âges : 3,5 et 7 ans. Mais pourquoi donc ? La spiritualité prendrait-elle donc racine dans ces jeunes années ? »
  • Victor dépouille le cheminement initiatique. Tous, toutes sont curieux et suspendus à ses lèvres : « Ne va-t-il pas toujours plus loin que tous ces bouquins sur l’histoire et l’érudition ? Ils sentent qu’avec Victor, ils vont aller, non pas plus loin mais ailleurs ; peut-être là où ils s’attendent en eux-mêmes dans la nostalgie inaccessible de l’Un : « Au début, la naissance. Viens ! D’accord ?  A quoi le constatez-vous ?  Plusieurs voies : Le ventre-cabinet, l’accouchement avec la porte basse, le corps serré, écrasé avec les épreuves et le bandeau à l’ouverture des yeux du nouveau-né ». Mais oui ! Et cet état de petit enfant va durer combien de temps ? L’âge de l’Apprenti : trois ans ».
  • Laurence précise : « J’ai envie de dire plutôt, de la naissance à trois ans ».
  • Alors Victor encourage et demande les âges maçonniques après les trois ans.
  • Alexandre a compris l’idée d’écart : « De trois à cinq ans et de cinq à sept ans ».
  • Victor interroge : « Quel est donc l’intérêt de reprendre la vie du petit jusqu’ à l’âge dit de raison ? Là git le secret des initiations, la nôtre en particulier qui le fait en toute clarté. En avez-vous l’explication ? » Des réponses de-ci de-là mais hésitantes. Victor laisse parler, puis : « Je résume ce que vous avez dit car vous êtes près du but : « Il faut à peu près 7 ans pour qu’un enfant soit socialisé. C’est-à-dire qu’il ait intégré tous les codes sociaux qui lui permettront d’être reconnu par les autres de la meute : les interdits, les valeurs, les modes, les prêts à penser, les conceptions dictées d’une vie heureuse… Bref, à cet âge de 7 ans, dit effectivement de raison, on demande au jeune de raisonner ses conduites en fonction de ce qui se dit, ne se dit pas, se fait et ne se fait pas. La Voie initiatique, elle, dit : laisse tout ce fatras social de côté, s’il ne porte pas tort et revient à l’essentiel, qui a jailli des jeunes années : les trames, à savoir les symboles, les mythes, les rêves, les joies du tout amour, et les peurs terribles et tous les désirs que tu as vécu avant d’essayer d’être raisonnable »
  •  Denis interrompt : « J’y suis. Avant d’être maquillé par la société, nous remontons le temps. Revenir à l’essentiel encore plus loin, de la naissance à trois ans ».

            En effet, Denis sent bien les choses. C’est à cette époque que les grandes représentations fondatrices se mettent en place : le corps, la lumière, les positions debout ou couché, les bras qui bougent, les rêves bleus avec des points brillants, le haut et le bas. Et puis les cris, se remplir de lait, exécrer. De la naissance à sept ans, voilà le retour aux grands symboles qui éclosent dans l’inconscient. Celui de tous les enfants. La voilà la racine de cette spiritualité impossible à atteindre. En authentique fraternité, nous sommes tous nus(es), habités(es) par notre imaginaire, partagés(es) dans l’inconscient collectif. Le message est tonitruant. Nous ne faisons qu’un !

            Un rite initiatique va faire revivre toutes ces brillances spirituelles, loin des capitulations sociales qui permettent quand même de vivre ensemble en meute agitée. La Voie est « libérative), à savoir « libératrice » et « libertaire ». Mais si le parcours de remémoration de l’enfance a bien été mené, cette socialisation sera imbibée de bienveillance, de compréhension, de tolérance…

  • Oui résume avec vivacité, Julien : « Nous sommes tous ensemble, unis, sans distinction jusqu’à ce que nous devenions les valets nécessaires de la société. »
  • Yvonne soupire : « Quand je pense à cette richesse collective, je me demande comment notre rituel la prend en charge »
  • Mûre assène : « Oui car l’initiation c’est remonter avec les autres, corps à corps, jusqu’à ces contrées merveilleuses que nous avons animées dans la joie tranquille des grandes volutes de notre inconscient collectif »
  •  Diane revient au rituel : « Et si nous nous rapprochions de notre pratique pour mieux en saisir le sens ? »
  • Victor met en garde : « Moi je veux bien, mais certains(es) risquent d’être secoués(es). Prêts(es)? Partons ! » finit-il… « Mais pas du tout ! C’est passionnant et on est libres. D’accord rechigne, en sourires ».

            Beaucoup de Maçons s’imaginent que l’humain est un être doué de conscience et de raison, comme on l’a toujours proclamé. En particulier dans notre beau pays, si cartésien. Mais c’est une représentation, veillotte, racornie, pour tout dire dépassée, encore plus clairement qu’avant, depuis 1900. Freud donna le coup d’envoi mais des chercheurs, souvent américains, depuis les années 50, ont repris la statue grandiose et incontesté de l’Homme, vainqueur de la Nature et de ses passions. Un vrai maître donc, qui n’hésite pas à tuer puisque que la meute l’y autorise. Exit la grande conscience et l’imparable raison des grandes Déclarations universelles !

  • Victor enchaîne : « Alors je vous invite maintenant que nous savons d’où surgit la spiritualité, à regarder de plus près les temps forts de chacun des trois âges et la manière qu’à le rituel de nous y renvoyer, pour revivre ces moments exceptionnels de notre enfance. Baudelaire enfonce le clou :  Le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté. Commençons par la naissance. Les souffrances de sortir du ventre, avec les épreuves, les voyages dangereux. Certains dès 2 ans, d’autres attendront plus, pour découvrir les grandes chambres mystérieuses, charnelles et sonores en eux. Plus tard que fait celle, celui, plus rare, qui s’occupe de l’enfant nourrisson puis bébé ? Elle le touche, le caresse, le lave, le nourrit mais elle demande à son petit, un peu plus tard d’être propre, de ne pas s’approcher d’objets dangereux, de ne pas trop crier pour n’importe quoi. Bref, les chercheurs précisent que cette période est celle du SOIN et de la LOI ». Victor lance : « Maintenant osez, mes Sœurs et Frères, quel sont les officiers qui incarnent le Soin et la Loi ?»
  • Un silence puis Sofia se lance, presqu’ahurie par ses propos : « La Loi, c’est clairement l’Orateur ; on le répète sans arrêt ! »
  • Accord des autres. Victor hèle Diane : « Pour toi, ma petite sœur qui va donner vie à une petite Colombe, qui est, dans l’atelier celui, celle qui pourvoit au Soin ? »
  • Diane émet : « Ça devrait être le Secrétaire qui est à l’Orient mais je ne le sens pas du tout comme ça. Si je laisse aller mon intuition, je dirais, que oui, le Soin, c’est lui, elle, bien sûr : l’Hospitalier ! »
  • Victor pousse plus loin le bouchon rituel : « Conséquence pour la Maçonnerie de demain ?», interroge-t-il, presque avec rudesse.

            Quelques-uns(es), comme Sofia, se jettent dans l’eau grandiose de leur inconscient. Elle estime que c’est à l’Hospitalier d’être à l’Orient, pour le Soin. Ainsi, nous tous, en voyant l’Orateur et le Secrétaire à l’Orient, sommes trimballés(es) dans des culs de sac sur le chemin initiatique. Il faudra changer la place de ces deux officiers.

  • Jean, qui s’était tu jusque-là, interroge : « Mais, si on continue comme ça, on va peut-être remettre en cause des éléments de rituel intouchables, à cause de leur ancienneté »
  • Victor demande : « Alors, choisissez. Nous continuons ? »

            « Oui, on continue ! » Sans tabou, précisent plusieurs. Continuons à observer le(la) petit(e) qui traverse la période de 3 à 5ans, pile poil avec le rituel. Un des traits les plus criants, à cet âge, est le fameux complexe d’Œdipe, largement remanié depuis Freud mais toujours solide. Les Maçons, très souvent affirment, avec intuition, que l’assassinat d’Hiram est l’exemple type de la mort du père ; celle que souhaitent beaucoup de petits garçons de cet âge.

  • Josette tressaille : « Je n’ai jamais voulu la mort de mon père. Par contre, avec maman c’était à la fois de l’amour et de vraies disputes. Mais, de là, jusqu’à vouloir la tuer ! »
  • Brouhaha dans le groupe ; puis Victor rappelle : « Oui l’Œdipe des garçons et des filles, c’est différent »
  • Mûre se récrie : « Alors, allons jusqu’au bout. Il faudra revoir le rituel du meurtre, pour les Sœurs ».

            Dans les têtes, le rite dans sa majesté avérée depuis trois siècles, se rebelle devant ce culot iconoclaste, voire scandaleux.  Car vient de débouler, là où on ne s’y attend pas le Venge ! Mais ce n’est pas fini. Le groupe en arrive donc s’il continue à suivre les âges de l’enfant à parvenir à la période qui va de cinq à sept ans. C’est un moment crucial. La socialisation imprègne petit à petit l’enfant. Il apprend à se soumettre car il n’a pas le choix. Mais grâce à cela, il commence à rencontrer l’autre et à le côtoyer dans les rires, les jeux, les défis, les affections. C’est le plaisir d’être en bande. Et il apprend ainsi à voyager, en jouant, rivalisant, s’amusant faisant des plans de conquête avec sa bande e de copines, de copains. En bref, Voyage avec les autres. Elles sont là les bases psychiques de la fraternité. Plusieurs Loges l’incitent même à aller visiter d’autres ateliers, quitte à le-la pousser sans ménagement sur les parvis. Le Voyage est le maître mot de cet âge, de cinq à sept ans. Le Trait montre le chemin de son voyage ; ce Trait qui retrouve un grand gain de faveur aujourd’hui. Après sept ans, la socialisation continue à formater l’enfant. Sa personnalité finira de se fixer à l’adolescence.

  • Victor résume : « À l’enfant, jusqu’à trois ans, on lui dit « Viens ».  De 3 à 5 ans, il est en colère contre le père ou une figure de l’autorité. A différencier pour les Sœurs. Il n’accepte pas et nous résumons ses comportements par « Venge ». Enfin, de cinq à sept ans, il(elle) va de ci de là avec sa bande. Il(elle) se clame alors : « Voyage ». Alors se pose la question inévitable : nos trois degrés suivent-ils le développement naturel du petit humain ? Question cruciale liée à la qualité du cheminement initiatique. Ne doit-il pas reprendre la croissance humaine dans la succession des trois degrés ? »

            Des propos confus, entre toutes les variantes ; le « oui, tout à fait » et le « non » pas du tout. On sent les résistances : les audaces, les peurs, les envies… se mélangent.

  • C’est la jeune Colombe qui, quand le silence revient, conclut avec clarté : « De la naissance à trois ans, l’Apprenti. Le rituel est en phase. Mais après, cela devrait être la violence, la rébellion., de trois à cinq ans. Or, pas du tout ! Le rite impose la violence, typique de notre troisième degré. Inversement, dans la vie, quand l’enfant a, en un deuxième temps maîtrisé ses désirs agressifs, il parvient à la fraternité et au voyage. Et nous, patatras, inversons les deux degrés, en mettant le Maître en troisième et en plaçant le Compagnon en deuxième » ? Stupéfaction ! Et si nous étions en train de blasphémer, détruite le travail de trois siècles, nous moquer de tous nos illustres prédécesseurs ? C’est impossible, nous n’oserons jamais ! »

            Discussion échevelée parfois et contrite souvent devant cette audace Et puis, peu à peu, le courage, prôné par la Franc-maçonnerie, l’intégrité qui tapisse les cœurs et l’honnêteté requise à tout moment l’emportent dans le petit groupe.

  • Alors Victor fait le point : « Nos trois degrés bleus, dans l’ordre actuel, n’accompagnent pas le développement de l’enfant. Nous imposons cet ordre pour des raisons historiques : le degré de Maître est tardif et dépouilla partie du degré de Compagnon, notamment sa place éminente Revenons au développement naturel : L’Apprenti an premier, le Maître, en deuxième et le Compagnon en troisième ».

            Mes Frères, mes Sœurs, la Franc-maçonnerie est en train de s’étioler sinon plus. Il est grand temps que vous agissiez pour lui redonner son éclat, sa splendeur, souchée dans la nature profonde de l’humain, dans sa chair, son cœur et son esprit. Car c’est partout que palpitent les grandes trames initiatiques.

            Mais nous avons assez parlé. Rallions-nous à la devise de la Voie maçonnique, selon Jacques Fontaine : Dans la cordée des trois degrés authentiques. Et méditez cette forte déclaration de Saint- : Exupéry : « Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants mais peu d’entre elles s’en souviennent ».

            Enfin je vous soumets la forte conviction de Joannis Corneloup : « La Tradition est n’est pas la conservation des cendres, mais la transmission de la FLAMME ! ». Mes Frères, mes Sœurs, enflammez-vous ! ».

Le vagabondage de la voie

            Oui, le mot « vagabondage » est poétique ; mais la Franc-maçonnerie n’est pas cela. L’initié(e) n’erre pas de-ci de-là, là où le vent l’emporte et les billevesées de celles et ceux qui l’étreignent. Comme le respire peut-être le vagabond. Oui, la Franc-maçonnerie a un chemin. Mais pas celui, scolaire, que nous honorons quasiment toutes et tous. Avec la transmission inévitable de connaissances et d’érudition, souvent historiques ; pas plus que je ne parlerai de « valeurs » bien top éthérées et discutables sans cesse. La transmission maçonnique se vit par sauts et gambades, comme le dit Montaigne.

            La Voie est une allée en forêt, large jusqu’aux arbres universels qui lui donnent son sens. Cette forêt, Je l’appelle : « Une spiritualité-pour agir ». Sur une allée forestière, on ne se balade pas comme-ci, comme-çà, militairement. Chacun(e) avance sans direction imposée ; chacun(e) avec sa respiration, ses couleurs intimes et les étranges entrelacs. Et palpitent, dans l’ombre de sa caverne et de ses nuées célestes, une émotion, un langage, un rêve, un désir… et un rayonnement UNI VERS ELLES. L’émissivité et de la réceptivité de l’Être et du cosmos, clefs de spiritualité.  Celles et ceux qui parviennent à tituber sur la découverte de l’humanimal[1] en elles, en eux échangent sous les frondaisons de la fraternité, le langage de la spiritualité : les racines sont différentes, la canopée est universelle.

            Donc pas de vagabondage superficiel pour trébucher sur la Voie. Mais quoi alors ? Trois termes cachés et serrés pour nous livrer le mystère : VAGUE-À-BOND-AGE. Ces termes nous aident à pénétrer plus consciemment la « psychagogie » de notre Voie, à savoir le processus de transmission du message initiatique entre adultes. Allons maintenant nous promener entre les futaies de ces trois vocables. Ils vont nous livrer une Maçonnerie loin des éruditions et de l’histoire des planches scolaires mais réconfortantes.

            D’abord « VAGUE » qui est gros de deux sens : l’imprécision comme dans le vague à l’âme d’une part ; et les vagues des déferlements marins sur les sables d’autre part. Pas de jaloux ! Prenons les deux : ce double sens n’est pas, bien sûr, un hasard. Il va nous livrer des mystères. D’abord le vague, soit l’à peine perceptible, le flottement, sans déni, ni vérité assénée. Dans le cheminement maçonnique des degrés, les historiettes habillent le rituel. Dans d’autres articles, je les nomme « scénarios » : des prétextes indispensables, comme la construction du Temple, les cartouches du Compagnon, le déluge de valeurs dont est paré Hiram… Plusieurs d’entre nous, notamment les érudits et les historiens se réjouissent de remonter les temps, sans se lasser, à la recherche d’un Graal historique : « Mais d’où vient le degré de Maître ? » ou bien « Quelles sont les références reprises par le Moyen-Âge des dimensions du temple ? »… Et je passe sur les étagères jamais pleines de ces livres d’exploration du passé ; car beaucoup d’entre nous y trouvent des réponses superficielles à leurs interrogations dont ils ne se doutent guère. Des avoirs, des connaissances… pour croire répondre à la question : « D’où venons-nous ? » Depuis plus d’un siècle, les chercheurs en psychanalyse, en psychologie l’ont sans cesse démontré. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Ces scénarios, dans le génie maçonnique, sont bien autre chose que le support de recherches historiques, la voie trompeuse Ils recèlent en eux le support de grands symboles immuables du langage humain universel. Ce sont, comme je les appelle, les « trames »… Les scénarios sont culturels, les trames sont universelles.

            Notre remarquable Voie laisse à chacun le soin de monter le long de tel ou tel tronc pour découvrir, dans les ramages élevés, les symboles de notre fraternité vague, car impossible à définir à ce niveau. À chacun de prendre un chemin, un scénario qui l’accroche, le sien, dans le plus grand vague de la meute, pour se noyer dans le ramage vert des cimes de l’humanité. Exemple : L’entrée entre les colonnes. Oui, on le sait, il y a des tonnes de pages qui glosent dessus. Des commentaires à n’en plus finir sur Jakin et Boaz. Montons aux branches, oublions-les et découvrons ce que vit le tout petit qui commence à marcher, debout et non couché, le pas mal assuré, en besoin d’aide, la lenteur de la progression hésitante. Tous les enfants du monde vivent cette trame. Et l’on sait qu’avant d’être socialisé vers 7 ans, notre être clame son innocence dans ce langage spirituel. Quelles racines, quel arbre, quel tronc, quelles branches font-elles de nous, des animaux sociaux après l’enfance merveilleuse ?  N’importe lesquels. C’est le plus grand vague dans ces choix. Mais certains(e)s parviennent, dans le bruissement céleste comme Jean de la Croix, le Bouddha, François d’Assise, Lao-Tseu… et tous les autres qui parviennent aussi haut, humbles, sans éclat. C’est un des aspects luisants de notre Voie. Certain(e)s vivent dans la discrétion la jouissance des trames.

            Après le vague des moyens d’accès aux révélations infernales et célestes, l’autre vague. Elle roule ses eaux salées sur les berges et les reflux sablonneux. C’est toute l’andragogie de la Maçonnerie qui nous raconte le roulement incessant des trames. Par exemple, la marche debout et droite est une première vague qui roule à nouveau au degré de Maître, puis roule encore aux autres degrés. Sans cesse jusqu’çà ce que ce déferlement finisse par s’inscrire dans la psyché : la seule manière d’être dans l’unité élancée de la Nature. Ou bien, autre exemple, la chaîne d’union qui ne cesse de se joindre, encore et encore dans les degrés, quel que soit leur ordre d’apparition. En termes plus vulgaires, ces vagues ne sont que des répétitions, parfois voilées, des symboles du Tout et de l’Un, ces avatars improbables de notre esprit commun. Le VAGUE et la VAGUE roulent et se déroulent dans un hasard bavard qui palpite dans les fonds et les hauteurs des humains.

            Mais l’impalpable peut aussi tonitruer dans l’écrasement de la vague qui surprend et saisit les coquillages de notre attention en tenue. Il arrive que des Sœurs, des Frères se prennent à méditer dans une tenue. Ils(elles) se sentent bercés(es) par des mots oubliés, dans le silence de leur attention, loin de ce qui se dit dans la planche. Alors, intérieurement, ils(elles) sursautent, dans un BOND spirituel, sans rapport évident avec le scénario historique ou moralisateur débité à l’Orient. Je me rappelle la Sœur Colombe qui me chuchota sur les parvis : « Je ne sais plus très bien ce qu’on a raconté dans la tenue ; mais j’ai eu une sorte de révélation. Elle a bondi dans ma tête : L’autre colonnes, en face, m’appelait impérativement pour que je me joigne à leur alignement et à leur droiture ». Quant au Frère Théodore il fit un autre bond, poussé par la vague des signes des trois premiers degrés. Il affirme : « Ce fut soudain. Les signes découpaient ma chair en morceaux palpitants du sang de la Terre. Je ne sais pas d’où ça venait ! » A chacun(e) de s’évader comme il le sent dans ces nuages délétères, La Vie ? Peut-être ! Avec ces exemples, nous sommes bien dans LE-LA VAGUE À BONDS

            Il nous reste dans notre errance spirituelle de notre mot-mystère, la syllabe ÂGE. Celui profane des années, avec la question fondamentale : Quel est l’âge le plus adéquat pour entrer en Maçonnerie ? Pas d’’ukase : 25 ans, 58… ? Je n’en sais rien mais il me semble, après plus de cinquante ans de Maçonnerie que le bon âge se repère ainsi. Celui où le candidat(e)) est enfin capable, après avoir traversé les soucis et joies de sa vie, de descendre en lui-même et de monter au mât d’artimon spirituel. Et, pour cela, pouvoir revenir avant l’âge de ce pénible 7 ans, appelé laidement « l’âge de raison », à savoir la soumission à la société.

            Toutes les spiritualités font ce voyage à rebours car, dans ces contrées, luit le Graal.  Là, voici un trait de génie, de la Franc-maçonnerie : les trois âges, 3, 5 et 7 ans. Se rappeler ce qui a été vécu dans ces trois périodes, fondatrices de nos personnalités jusqu’à ce que l’ailleurs nous emporte. Saint Exupéry, dans un chœur assez souvent repris a écrit sobrement : « Tous les Hommes ont été des enfants mais peu s’en souviennent ». N’est pas petit Prince, celui qui le décide en toute rationalité. Il semblerait que la période la plus propice pour embrasser notre Ordre se situerait environ après la quarantaine et avant la soixantaine. Mais par bonheur, les Maçons ne sont pas crispés sur l’âge. En tout cas le meilleur est celui où l’impétrant est en mesure de faire luire, en ses profondeurs des BONDS D’ÂGE.

            Alors le vagabondage des tenues ordinaires ne serait-il qu’un scénario limité de notre quête ? Les trames universelles qui nous fondent en humanité-une, ne nous rouleraient-elles pas, ébahis et heureux, dans une VAGUE-À-BONDS-D’ÂGE ?


[1] Daniel Beresniak

1 COMMENTAIRE

  1. Il est à noter que ce sont les personne les plus ignorant qui parlent le plus et propose des modification les plus ineptes.
    le rédacteur à été “initié” où et comment ? quelle expérience à_t_il au juste….
    Bien sur on vas me traiter de vieux “schnok” mais tant mieux ! car mon parcours justifie mon droit de critiquer :
    30° du REAA en GLDF et SCdF, j’ai depuis subit un autre initiation, vous ne savez sans doute pas que les “Templier” n’ont pas étés dissout en Espagne et au Portugal. Certes ils ont ét repris en mains par la royauté et beaucoup servent de distinctions honorifiques, mais plus discrètement, le rituel d’origine (bien sûr passablement change, mais tout de même…) perdure. vu mon origine et ma famille, j’ai du subir une véritable initiation qui n’a rien à voir avec les rituels édulcorés de certaine société qui se disent maçonnique :
    qui de nos jours accepterait de passer la nuit dans une crypte où gisent plus de 70 cadavres ( desséchés bien sûr) ? et ce n’est qu’une épreuve.
    De plus, pour des raison scientifique, j’ai suivi ce que j’appelle une “initiation” chamanique par un schaman d’Asie centrale. ce fut particulier, mais cohérent avec ce que j’ai connu plus tard.
    Ce que j’en retire ? c’est que la GLDF pratique une initiation, certes “amollie” et simplifiés, mais est la SEULE à pouvoir prétendre à une certaine filiation car elle conserve une grande part de la “magie”. (n’oublions pas nos sœurs de la GLFF du REAA)
    Si je dit cela c’est que j’ai beaucoup voyager GOdF, GLMU, DH, 5 ou six émanation égyptienne, …
    CE que j’en retire, c’est une certaine exaspération de petits intellectuels qui n’ont rien compis et qui veulent nous montrer ce que doit être la véritable initiation. Les enfant cassent leur jouet, car il ne savent plus jouer et veulent monter qu’il existent.

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Jacques Fontaine
Jacques Fontaine
Jacques Fontaine est né au Grand Orient de France en 1969.Il se consacre à diffuser, par ses conférences, par un séminaire, l’Atelier des Trois Maillets et par une trentaine d’ouvrages, une Franc-maçonnerie de style français qui devient de plus en plus, chaque jour, « une spiritualité pour agir ». Il s’appuie sur les récentes découvertes en psychologie pour caractériser la voie maçonnique et pour proposer les moyens concrets de sa mise en œuvre. Son message : "Salut à toi ! Tu pourrais bien prendre du plaisir à lire ces Cahiers maçonniques. Et aussi connaître quelques surprises. Notre quête, notre engagement seraient donc un voyage ? Et nous, qui portons le sac à dos, des bagagistes ? Mais il faut des bagagistes pour porter le trésor. Quel est-il ? Ici, je t’engage à aller plus loin, vers cette fabuleuse richesse. J’ai cette audace et cette admiration car je suis un ancien maintenant. Je me présente : c’est en 1969 que je fus initié dans la loge La Bonne Foi, à Saint Germain en Laye, au Rite Français. Je travaille aussi au Rite Opératif de Salomon. J’ai beaucoup voyagé et peu à peu me suis forgé une conviction : nous, Maçons latins, sommes en train d’accoucher d’une Voie maçonnique superbe : une spiritualité pour agir. Annoncée dès le début du XXème siècle. Elle est en train de se déployer et nous en sommes les acteurs plus ou moins conscients mais riches de loyauté.

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