Une boucle de causalité, dans un contexte de voyage dans le temps ou de rétro-causalité, est une séquence (d’actions, d’informations, d’objets, de personnes), dans laquelle un événement est en partie la cause d’un autre événement, qui à son tour est l’une des causes du premier événement mentionné…
Déjà Homère l’observe dans un des épisodes de l’Iliade : alors que la bataille entre les Grecs et les Troyens s’engage dans une phase critique, vue du haut de l’Olympe par la famille des Dieux et des Déesses – les uns et les autres partagés entre l’un ou l’autre camp des belligérants –, Héra cherche comment détourner l’attention de Zeus. En effet la situation vient de prendre un tour désavantageux pour les Grecs qu’elle protège depuis le départ des bateaux du port d’Agamemnon vers Troie…
Grâce à son intelligence de femme et de déesse, Héra a l’idée d’une ruse. Elle se pare de ses plus beaux atours et, par précaution, sollicite d’Aphrodite un talisman d’amour avant de s’élancer de l’Olympe vers l’île de Lemnos, proche de la Troade, à la pointe de l’Asie mineure. Là, elle trouve Hypnos, le dieu du sommeil et elle l’emmène avec elle vers la région montagneuse de l’Ida.
Prudente, elle ne s’approche de l’île qu’avec beaucoup de précautions, protégée par le talisman d’Aphrodite. Hypnos, deux fois plus prudent qu’elle, n’accepte de l’accompagner que jusqu’à la clairière, à la limite du sanctuaire de Zeus. Or celui-ci, dès qu’il aperçoit Héra, « un voile de désir obscurcit sa raison, comme la première fois où ils s’étaient unis en amour, en se rejoignant dans la même couche, à l’insu de leurs parents ». La rusée feint la pudeur. Confronté à cet émoi féminin, Zeus couvre le sommet de la montagne d’un nuage de rosée.
Le nuage d’où perle l’abondante rosée n’est pas seulement le moyen de protéger la Déesse, il est aussi le signe que les ondées vont faire reverdir non seulement les flancs du Mont Ida, mais la région de la Troade tout entière. Quand Héra s’abandonne dans les bras de Zeus, l’accouplement divin garantit la fertilité des champs et la fécondité des troupeaux. Zeus avisé va même jusqu’à faire surgir une herbe fraîche, dense et moelleuse, parsemée de trèfle humide et parfumée de jacinthes et de ces fameux crocus jaunes qui fleurissent abondamment en fin d’hiver dans ces lointaines contrées…
Le Zeus de l’Ida mêle donc les traits d’une divinité climatique et bucolique à celle d’un Dieu montagnard localisé dans un point central de régulation météorologique de toute la Troade. Le massif montagneux est en effet le véritable château d’eau de la région, qui rassemble les nuages chargés de pluies fréquentes sur ses cimes, mais qui est aussi un lieu d’énergie cosmique déclenchant des éclairs et des tonnerres incroyables !
Dompté par l’amour et le sommeil, Zeus s’endort contre le corps de son épouse pendant qu’Hypnos court porter la nouvelle au dieu Poséidon pour qu’il puisse intervenir dans l’évolution de la bataille. Ainsi, Poséidon rassemble les héros du camp en une phalange soudée et prend ouvertement la tête de l’armée achéenne, cet ensemble des peuples engagés pour assiéger Troie. Hector de son côté range les Troyens, mais la partie est inégale. Hector est touché au plexus solaire par une pierre que lui lance un adversaire. Il s’écroule. On l’emporte à l’arrière. Les Achéens progressent…
Alors que la déroute des Troyens est totale, Zeus se réveille. Il voit la fuite des Troyens et Poséidon s’agitant au milieu des Achéens. Il comprend aussitôt de quelle ruse il a été victime même si Héra lui jure (ses grands dieux ?) qu’elle n’y est pour rien ! Sur son ordre, Iris et Mercure sont mandatés par le Dieu souverain : l’une conseille au Maître de la Mer, Poséidon de respecter la décision originellement établie, à savoir que Zeus possède toute royauté sur la terre et ce, de manière indivise et qu’il doit cesser ce défi fraternel insensé. Quant à Apollon il ranime Hector, lui redonne force et vigueur pour le relancer au combat, notamment en agitant l’égide, le bouclier magique en peau de chèvre, frangé d’or, qui provoque tant de tonnerre et de vacarme qu’il sème un véritable vent de panique dévastateur dans les rangs achéens…[1]
Notre observation : dans les rituels maçonniques, les lieux élevés sont fréquemment évoqués, comme autant d’étapes symboliques décisives et souvent conflictuelles sur le chemin de la spiritualité. Elles localisent ou un mont entre ciel et terre, choisi pour une rencontre séparée afin que le prophète dialogue avec Dieu, ou un point de vue dominant retenu après accord pour ériger le Temple – ou un sanctuaire suffisamment grand pour rassembler le troupeau d’âmes pieuses. Parfois le mont fait « symbole » et souvenir du sacrifice accompli pour la rédemption de l’humanité. Quelquefois, il se nomme « calvaire », et comme pour toute montagne sont exigés, (cela va de soi) moult efforts d’endurance à ceux et celles qui tentent ou se hâtent d’en gravir les pentes !
Jamais (à notre connaissance) n’est cité le Mont Ida ! Il est pourtant bien connu comme siège des tempêtes, des tornades et des orages, du moins comme le lieu de la confusion la plus extrême. Certains estiment que, cachés du côté de son adret ou de son ubac, il abriterait quelques cavernes secrètes comme autant de lieux de vie et de régénérescence… Mais les cartographies manquent à ce jour de précisions scientifiques…
En conséquence, nous hésitons à vous en donner une adresse plus complète, même si, le Mont Ida fut, au moins une fois, le site d’un accouplement charnel et voluptueux avec des effets climatiques très spécifiques dans une boucle causale devenue depuis très réputée !
[1] La suite de cet épisode est à retrouver dans le récit d’Homère, grand reporter de guerre… si vous ne connaissez pas la fin ?