ven 19 avril 2024 - 00:04

Débit, débats

« Le langage est le lieu même du malentendu ».

Plus que jamais, ce constat de Charles de Talleyrand est d’actualité ! Il n’est qu’à voir ou entendre les « discussions » télévisées ou radiophoniques : parce que personne n’écoute personne, nous assistons, non plus à de vrais dialogues prenant en compte toutes les opinions, mais à de tristes monologues croisés au cours desquels, dans la cacophonie et devant un présentateur vite désespéré, chaque intervenant veut débiter et imposer son point de vue !

On a critiqué en son temps « Droit de réponse », l’émission-chahut de Michel Polac, mais on ne fait guère mieux aujourd’hui, en matière de caquetage, à quelques exceptions près !

C’est ainsi, le vrai débat clairement et rondement mené se perd. Et avec lui disparaît, ou est soigneusement évité dans nombre de groupes, l’usage de toute forme de « poil à gratter ». Qu’il s’agisse de la polémique, la critique, la controverse, la satire, la réplique, la riposte, autant d’arts verbaux – sains et constructifs quand ils ne sont pas méchants – autant d’occasions de « frottements de cervelles » dans lesquels nos aînés excellaient et qui font peur aujourd’hui. Dommage, car si les étincelles brûlent, elles peuvent aussi éclairer !

C’est ainsi, nous vivons l’ère du politiquement correct et de la pensée unique ! Dans « l’associatif », nous n’échappons pas à cette tendance, semble-t-il (Même si en franc-maçonnerie, la parole circule !) Alors que nombre de mouvements auraient besoin de novateurs, d’humoristes, de « dérangeurs » ; alors que maintes sociétés de pensée, sont en recherche – sinon en panne – d’idées et d’expériences nouvelles, leurs membres créatifs, parfois las de parler dans le vide ou ne voulant plus « faire de vagues », par crainte de déplaire, se taisent bien souvent maintenant.

Sans y prendre garde, les groupes sont en train de se réfugier dans une pensée lisse, impersonnelle et surtout improductive. Bref, en ce début de millésime, nous voici, au plan discursif, dans « l’associativement correct ».

Mais point de catastrophisme, il faut l’espoir garder ! Puissent les cercles et forums, colloques et tribunes, assemblées et réunions, permettre à leurs participants de se ressaisir et se rappeler que dans l’authentique et souriant échange – celui dont les paroles vivantes enrichissent locuteurs et auditeurs – l’important n’est pas d’avoir raison mais de raisonner. Encore convient-il que, de leur côté, les meneurs de jeux, l’œil trop fixé sur horloges et chronomètres, se préoccupent moins du temps de parole de chacun que de la forme et du fond de cette parole. Pour faire en sorte que les débatteurs échappent au « tic-tac », et retrouvent… le tac au tac !

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Gilbert Garibal
Gilbert Garibal
Gilbert Garibal, docteur en philosophie, psychosociologue et ancien psychanalyste en milieu hospitalier, est spécialisé dans l'écriture d'ouvrages pratiques sur le développement personnel, les faits de société et la franc-maçonnerie ( parus, entre autres, chez Marabout, Hachette, De Vecchi, Dangles, Dervy, Grancher, Numérilivre, Cosmogone), Il a écrit une trentaine d’ouvrages dont une quinzaine sur la franc-maçonnerie. Ses deux livres maçonniques récents sont : Une traversée de l’Art Royal ( Numérilivre - 2022) et La Franc-maçonnerie, une école de vie à découvrir (Cosmogone-2023).

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