Sur mon chemin des enseignements bouddhistes, j’ai rencontré des enseignants (tes) de grande qualité et qui étaient en accord entre leurs propos et leurs comportements.
J’ai été frappée par le fait qu’ils manifestaient d’une part une grande force intérieure, une bienveillance sans faille et une sagesse à toute épreuve, et d’autre part une complète absence du sentiment de l’importance de soi. J’ai moi-même observé à quel point l’identification à un « moi » qui siégerait au cœur de mon être est une source de vulnérabilité constante, et que la liberté intérieure qui naît d’un amenuisement de cette identification est une source de plénitude et de confiance sans égale.
Comprendre la nature de l’ego et son mode de fonctionnement est donc d’une importance vitale si l’on souhaite se libérer des causes intérieures du mal-être et de la souffrance. L’idée de se dégager de l’emprise de l’ego peut nous laisser perplexe, sans doute parce que nous touchons à ce que nous croyons être notre identité fondamentale.
Nous imaginons qu’au plus profond de nous-mêmes siège une entité durable qui confère une identité et une continuité à notre personne. Cela nous semble si évident que nous ne jugeons pas nécessaire d’examiner plus attentivement cette intuition. Pourtant, dès que l’on analyse sérieusement la nature du « moi », l’on s’aperçoit qu’il est impossible d’identifier une entité distincte qui puisse y correspondre. En fin de compte, il s’avère que l’ego n’est qu’un concept que nous associons au continuum d’expériences qu’est notre conscience.
Nous pourrions penser qu’en consacrant la majeure partie de notre temps à satisfaire et à renforcer cet ego, nous adoptons la meilleure stratégie pour atteindre le bonheur. Mais c’est faire ainsi un mauvais pari, car c’est tout le contraire qui se produit. L’ego ne peut procurer qu’une confiance factice, construite sur des attributs précaires – le pouvoir, le succès, la beauté et la force physiques, le brio intellectuel et l’opinion d’autrui – et sur tout ce qui constitue notre image.
Une confiance en soi digne de ce nom est tout autre. C’est paradoxalement une qualité naturelle de l’absence d’ego. La confiance en soi qui ne repose pas sur l’ego est une liberté fondamentale qui n’est plus soumise aux contingences émotionnelles, une invulnérabilité face aux jugements d’autrui, une profonde acceptation intérieure des circonstances, quelles qu’elles soient.
Cette liberté se traduit par un sentiment d’ouverture à tout ce qui se présente. Il ne s’agit pas d’une distante froideur ni d’un détachement sec, comme on l’imagine parfois lorsque l’on parle du détachement bouddhiste, mais d’un rayonnement altruiste qui s’étend à tous les êtres.
Lorsque l’ego ne se repaît pas de ses triomphes, il se nourrit de ses échecs en s’érigeant en victime. Entretenu par ses constantes ruminations, sa souffrance lui confirme son existence autant que son euphorie. Qu’il se sente porté au pinacle, diminué, offensé, ou ignoré, l’ego se consolide en n’accordant d’attention qu’à lui-même.
L’attachement à l’existence de l’ego considéré comme une entité unique et autonome est fondamentalement dysfonctionnel, car il est en porte-à-faux avec la réalité. Fondé sur une erreur, il est constamment menacé par la réalité, ce qui entretient en nous un profond sentiment d’insécurité. Conscient de sa vulnérabilité, l’ego tente par tous les moyens de se protéger et de se renforcer, éprouvant de l’aversion pour tout ce qui le menace et de l’attirance pour tout ce qui le sustente. De ces pulsions d’attraction et de répulsion naissent une foule d’émotions conflictuelles.
En vérité, nous ne sommes pas cet ego, nous ne sommes pas cette colère, nous ne sommes pas ce désespoir. Notre niveau d’expérience le plus fondamental est celui de la conscience pure, cette qualité première de la conscience et qui est le fondement de toute expérience, de toute émotion, de tout raisonnement, de tout concept, et de toute construction mentale, l’ego y compris.
Pour démasquer l’imposture du moi, il faut ainsi mener l’enquête jusqu’au bout. Quelqu’un qui soupçonne la présence d’un voleur dans sa maison doit inspecter chaque pièce, chaque recoin, chaque cachette possible, jusqu’à être sûr qu’il n’y a vraiment personne. Alors seulement peut-il avoir l’esprit en paix.
Si l’ego constituait vraiment notre essence profonde, on comprendrait notre inquiétude à l’idée de s’en débarrasser. Mais s’il n’est qu’une illusion, s’en affranchir ne revient pas à extirper le cœur de notre être, mais simplement à ouvrir les yeux, à dissiper une erreur. L’erreur n’offre aucune résistance à la connaissance, comme l’obscurité n’offre aucune résistance à la lumière. Des millions d’années de ténèbres peuvent être dissipées instantanément lorsqu’une lumière est allumée.
La méditation, pratiquée régulièrement, permet ce travail et donne accès à cette lumière intérieure.
« A certains moments de notre vie, notre propre lumière s’éteint et se rallume par l’étincelle d’une autre personne. Chacun d’entre nous doit une profonde gratitude à ceux qui ont allumé la flamme en nous ». Albert Schweitzer
Ida Radogowski
Ida a créé avec d’autres personnes LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçon (nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme.
La lettre est trimestrielle et gratuite, on peut s’y inscrire en précisant son Ob., sa L. et la Ville de résidence à ce mail : lesdeuxvoies@orange.fr
“Le réel, c’est quand on se cogne” dit Lacan avec pertinence.
La vive douleur ressentie me fait immédiatement prendre conscience, au plus profond de mon être de chair, de l’existence de mon MOI…qui n’est autre que ma personnalité, mon individualité. Pour tout dire, mon CORPS-ESPRIT même, dans lequel la Nature a installé ma nature!
De la sorte, vouloir faire disparaître ce MOI, qu’on l’appelle l’ EGO ou le JE…par le jeu du vocabulaire, est une vaine entreprise, pour ne pas dire une plaisanterie. On entend même parfois en loge qu’il faut “tuer l’ego”, ce qui alors devient un contre-sens total. Dangereux de surcroît! Qu’il convienne de faire preuve d’humilité, nous sommes en maçonnerie pour l’entretenir. Mais de grâce, que soit préservé mon ego – dont je dois simplement surveiller le volume – pour vivre humblement parmi mes égaux!
Gilbert GARIBAL