mer 11 décembre 2024 - 23:12

Franc-maçonnerie et autres théories du complot émanant de l’extrême droite espagnole

De notre confrère espagnol cordopolis.eldiario.es – Par Sergio Grâce

Au cours des 80 dernières années, l’utilisation des théories du complot par l’extrême droite a été une constante, quelque chose d’intrinsèque à son existence même, certaines d’entre elles ont même coûté la vie à plus de 4 000 personnes, la plupart étant fusillées et enterrées dans des fossés pour seule raison, leur façon de penser ou leurs croyances.

Les théories du complot ont cherché à justifier, cacher ou utiliser à la fois les meurtres et les actes terroristes de manière manipulée. Ils ont même voulu présenter pour bon nombre de ces actes comme des « attaques sous fausse bannière », mais cela a été démantelé, lorsque le 2 août 1990, le président du Conseil des ministres italien, Giulio Andreotti, a reconnu que pendant la guerre froide, il existait en Europe un réseau d’armées clandestines pour empêcher l’ascension des partis politiques de gauche aux responsabilités gouvernementales.

Les théories sont généralement promues par des esprits dogmatiques désireux de manipuler les foules, transformant les théories en vérité en établissant toutes sortes d’hypothèses difficilement discutables.

Parmi les théories du complot les plus remarquables de ces décennies, il faut souligner la référence continue à la franc-maçonnerie, l’opération Gladio, le plan Kalergi, qui visait soi-disant à éliminer la race blanche, les attentats du 11 septembre, peut-être, le spectacle politique le plus embarrassant de notre histoire, le grand remplacement, l’invasion musulmane, ou le plus récemment avec le Covid-19 et les vaccins, et la manipulation de lier tout cela à la franc-maçonnerie elle-même.

C’est une erreur de croire que les théoriciens du complot ont émergé du jour au lendemain en Espagne à cause de la pandémie de Covid-19, puisqu’ils sont présents dans notre société depuis près d’un siècle et n’attendent que les circonstances propices pour lever à nouveau le drapeau de la conspiration et ainsi prétendre que tous les maux que notre pays rencontre, sont toujours créés selon eux, par les mêmes groupes, que ce soient ces Maçons, des rouges dangereux liés à la « conspiration judéo-maçonnique » ou tout autre groupe aux intérêts cachés d’après leurs opinions et leurs spéculations, sans fournir aucune preuve tangible contre eux.

C’est une tâche ardue de raisonner un complotiste, car ce serait déjà plus un acte de foi qu’une démonstration empirique, et où il y aurait toujours un résidu doctrinal dû à son militantisme.

Contre la franc-maçonnerie en Espagne

Il y a quelques semaines, un livre a été présenté à Cordoue par le biais d’une plate-forme d’extrême droite dont la couverture était déjà une déclaration d’intention, où il liait à nouveau le diable et le mal aux ordres de la franc-maçonnerie. Mais où et comment est née la première théorie du complot de l’extrême droite espagnole ?

Après le coup d’État de 1936 et la guerre civile qui a suivi, l’une des premières mesures prises par le dictateur Franco sera la promulgation de la loi de répression sur la franc-maçonnerie et le communisme le 1er mars 1940, dont le préambule exposait les raisons pour lesquelles la dictature considérait que la franc-maçonnerie devait être persécutée.

Pour les persécuter, la dictature créera le Tribunal spécial pour la répression de la franc-maçonnerie et du communisme (TERMC), qui sera constitué le 4 juin 1940, se réorganisant finalement en mars 1941, et qui sera actif jusque dans les années 1960, bien que le la répression se poursuivra jusque dans les années 70.

Peu de gens savent que la Troisième Internationale a décidé de l’incompatibilité d’appartenir à un parti communiste et être franc-maçon.

La dictature a accusé la franc-maçonnerie de participer activement à la perte de l’empire colonial, d’inciter à la cruauté lors la guerre d’indépendance, ainsi que dans les guerres carlistes, en plus de favoriser la crise de la monarchie constitutionnelle d’Alphonse XIII et d’aider à la chute de la dictature de Primo de Rivera.

Depuis la promulgation de cette loi jusqu’à nos jours, la franc-maçonnerie a été une excuse et un thème récurrent de l’extrême droite pour construire son discours chaque fois qu’elle n’avait rien à dire ou à contribuer au débat politique. Il n’y a qu’à voir les justifications grossières et maladroites que ces groupes et politiciens apparentés à l’extrême droite ont utilisées lors de l’hommage que l’État a rendu aux victimes du Covid-19, le comparant à un rituel maçonnique. 

La théorie du complot de la franc-maçonnerie, pour les mouvements d’extrême droite espagnols, est une question qui enflamme et stimule l’inventivité des exaltés de toute part, où il n’est pas étrange de voir dans les médias connexes ou dans les discours politiques l’utilisation, encore aujourd’hui, de « rhétorique répressive » favorisant le bellicisme et la haine dirigés contre ce mouvement.

Alors que l’extrême droite actuelle ainsi identifiée au franquisme continue de sympathiser avec des concepts tels que « Empire/Souveraineté », « Patrie », « Dieu » ou « Tradition », ceux qui veulent détruire l’Espagne, selon eux, les ennemis de cette Patrie , parlent de termes tels que « Démocratie », « Liberté », « Égalité » ou « Fraternité ».

Si nous consultons différents réseaux sociaux tels que Twitter, Telegram ou Instagram, et recherchons les termes « franc-maçonnerie » ou « franc-maçon », nous pouvons observer l’utilisation continue de ces termes de manière péjorative et désobligeante par des groupes, mouvements et individus liés à l’extrême droite, où l’on peut même avoir accès à une grande quantité de documentation sur ce qu’est la « soi-disant » franc-maçonnerie, sur ses loges et ses supposés rituels et symboles, tout cela, généralement diffusé par des individus qui n’ont jamais eu accès à ce mouvement. Mais pas seulement sur la franc-maçonnerie, mais aussi sur d’autres théories du complot mentionnées précédemment, en particulier le grand remplacement.

Lorsque la vérité perce et que le projet visionnaire n’est plus, on tente de lier tous les maux et la prétendue dégradation des valeurs occidentales aux boucs émissaires d’autres groupes ou minorités plus vulnérables comme les juifs, les musulmans, l’immigration ou les LGBT.

En bref, les théories du complot sont devenues l’un des piliers essentiels sur lesquels se tient la « nouvelle » extrême droite, elle cherche à simplifier les vrais problèmes que vivent les sociétés en se basant sur des préjugés déjà existants chez ces individus, et ceux-ci peuvent avoir des conséquences dévastatrices pour la société. comme nous l’avons déjà vu avec la connexion de différents actes terroristes à l’origine de certaines de ces théories.

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