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18/03/1314 : Mort de Jacques de Molay, 23e et dernier maître de l’ordre du Temple

La terrible histoire de Jacques de Molay

L’absence d’archives correctes empêche de pouvoir localiser exactement le lieu et la date de naissance de Jacques de Molay (c. 1244-1314), le tout dernier maître de l’ordre du Temple.

Blason de la famille de Molay : d’azur à la bande d’or

Néanmoins, des indications retrouvées dans les minutes du procès, dans les archives des royaumes européens de l’époque, nous permettent de penser que Jacques de Molay est né vers 1245 en Haute Saône, dans le Comté de Bourgogne, alors toujours vassal de l’Empire germanique.

Chapelle de la commanderie de Beaune où Jacques de Molay a été reçu

En 1265, Jacques de Molay est reçu dans l’ordre à Beaune par Humbert de Pairaud, visiteur de France et d’Angleterre et par Amaury de la Roche, maître de France.

Vers 1270, il est en Orient où son action reste très discrète. On ne sait pas s’il se trouve parmi les survivants d’Acre qui réussissent à s’échapper avec Thibaud Gaudin à Chypre, mais il participe à un chapitre qui se tient dans l’île en automne 1291.

Jacques de Molay, maître de l’ordre

Le parcours du maitre de l’ordre du temple

Il est élu maître de l’ordre avant avril 1292, peu de temps après la mort de Thibaud Gaudin.

Dès son élection, Jacques de Molay s’empresse de parer au plus pressé, il met en place un gouvernement et s’occupe de la défense de l’île de Chypre et du Royaume de Petite Arménie, dernières possessions franques en Orient.

Au printemps 1293, il entreprend un long voyage en Europe, où il règle différents problèmes dans les domaines de l’ordre, mais surtout, il implore l’aide des princes occidentaux et de l’Eglise pour la défense des derniers États Chrétiens.

Au cours de ce voyage, il noue d’étroites relations avec plusieurs monarques, dont Edouard 1er d’Angleterre, Jacques II d’Aragon et le pape Boniface VIII.

Il rentre à Chypre en automne 1296 pour y régler des problèmes survenus avec le roi Henri II.

En 1298, il monte une expédition en Cilicie après la chute de Roche-Guillaume, la dernière place forte du royaume. Malheureusement, les forces chrétiennes ne parviendront pas à profiter de la victoire de Ghâzân, le Khan de Perse sur les Mamelouks à Homs en décembre 1299.

Jacques de Molay, grand maître

En 1300, il continue de fortifier l’îlot de Rouad en face de Tortose pour en faire une base avancée en vue d’opérations combinées avec les mongols. Mais les mongols, trop occupés par leurs guerres tribales, ne pourront jamais s’allier avec les chrétiens contre les mamelouks.

En septembre 1302, les Templiers de Rouad sont massacrés par les mamelouks égyptiens.

Le début de la fin de l’ordre du Temple

Jacques de Molay abandonne alors cette stratégie de l’alliance mongole qui se révèle être un échec total.

En 1305, le nouveau pape Clément V, sollicite l’avis des maîtres des ordres religieux pour la préparation d’une nouvelle croisade et sur un projet d’unification des ordres.

Le 6 juin 1306, Clément V les convoque officiellement à Poitiers, mais à cause de l’état de santé du pape, l’entrevue avec Jacques de Molay n’aura lieu qu’en mai 1307.

Comme il l’avait déjà mentionné au pape auparavant, Jacques de Molay refuse catégoriquement ce projet d’union entre les ordres.

Cette décision aura de lourdes conséquences pour l’avenir de l’ordre du Temple. D’abord, le roi de France prend ombrage de cette décision, car elle perturbe ses ambitions, de plus elle met à mal les négociations entre Clément V et Philippe le Bel au sujet de la condamnation de la mémoire de Boniface VIII et enfin, elle perturbe l’organisation de nouvelle croisade.

À l’occasion de ce voyage en Occident, Jacques de Molay découvre que des rumeurs calomnieuses courent au sujet des Templiers. Philippe le Bel et ses conseillers vont immédiatement profiter de cette faiblesse et établir un plan pour détruire cet ordre intransigeant.

Le 24 juin, Jacques de Molay est à Paris où il rencontre Philippe le Bel pour discuter des accusations portées contre l’ordre. Il rentre à Poitiers, rassuré par la discussion avec Philippe le Bel, mais demande au pape qu’il diligente une enquête pour laver l’ordre de tout soupçon.

Le 24 Août, Clément V annonce à Jacques de Molay qu’une commission d’enquête est mise en place. Philippe le Bel veut précipiter les choses pour éviter que toute l’affaire qui s’annonce ne reste entre les mains du pape. Le 14 septembre, aidé par Nogaret, il fait transmettre en grand secret à tous ses baillis et sénéchaux un ordre d’arrestation pour tous les Templiers du Royaume et la mise sous séquestre de tous leurs biens.

L’arrestation des Templiers

La chute brutale de l’aura templière

Cette opération d’envergure débute le 13 octobre 1307 à l’aube – consulter notre papier « Demandez à un Templier si le vendredi 13 porte malheur… » https://bit.ly/3itdbbD. Tous les Templiers du royaume de France sont arrêtés. Dans quelques commanderies, les Templiers sont massacrés par traîtrise, car les gens d’armes royaux craignent de devoir affronter ces guerriers redoutables en combat loyal.

Maître de Boucicaut, Clément V et Philippe le Bel face aux Templiers

Jacques de Molay est arrêté dans la maison cheftaine de l’ordre, à Paris.

Un évènement étrange survient lors du premier interrogatoire de Jacques de Molay le 24 octobre. Au lieu de nier les accusations, il avoue certains faits et ainsi crédite la propagande royale contre l’ordre.

En décembre 1307, Clément V envoie des cardinaux à Paris pour interroger le maître de l’ordre. Devant ceux-ci, Jacques de Molay révoque ses aveux. Il s’engage alors un bras de fer entre Philippe le Bel et Clément V qui se conclut en août 1308 par un compromis entre les deux parties concrétisé par la bulle pontificale « Faciens Misericordiam ». Elle est fulminée par le pape Clément V le 12 août 1308 dans le cadre du procès de l’ordre du Temple.

Elle crée des commissions diocésaines, chargées d’enquêter sur les agissements des Templiers, et des commissions pontificales, chargées de juger l’ordre du Temple comme tel. Ces dernières livreront leurs rapports lors d’un concile œcuménique convoqué à Vienne en 1310, qui discutera du sort de l’ordre par la bulle « Vox in excelso ».

Transféré à Chinon avec plusieurs autres dignitaires de l’ordre, comme Geoffroy de Charney, Hugues de Pairaud, Geoffroy de Gonneville, Jacques de Molay est à nouveau interrogé par des agents royaux. Au cours de cet interrogatoire, il reviendra à ses aveux faits en octobre 1307.

Pendant plus d’une année, la commission pontificale se met en place et commence ses audiences. Jacques de Molay ne pourra y déposer que deux fois vers la fin novembre 1309. A cette occasion, il change de stratégie de défense et veut garder le silence et ne s’en remettre qu’au jugement du pape, se fiant au contenu de la bulle « Faciens Misericordiam ».

Miniature du Maître de Bedford tirée du “Des cas des nobles hommes et femmes de Boccace” vers 1415-1420, BnF

Le premier bûcher

La répression de Philippe Le Bel

En 1310, plusieurs dizaines de Templiers veulent se présenter devant la commission pontificale pour témoigner en faveur de l’ordre et ainsi mettre à mal tout l’acte d’accusation.

Ce mouvement de protestation est brisé net par la condamnation au bûcher de 54 Templiers jugés comme relaps par Philippe de Marigny le 10 mai 1310.

De plus, les meneurs de ce mouvement de protestation disparaissent des geôles de Philippe le Bel sans laisser de traces.

Le 22 mars 1312, Clément V annonce officiellement l’abolition de l’ordre du Temple lors du Concile de Vienne. Malgré sa volonté et ses demandes insistantes auprès de ses geôliers, Jacques de Molay continue de croupir en prison sans pouvoir être reçu par le pape. Ce dernier consent néanmoins à envoyer 3 cardinaux à Paris en décembre 1313 pour statuer sur le sort des dignitaires.

Arrivés à Paris en mars 1314, le verdict des trois cardinaux est sans appel, les dignitaires de l’ordre sont condamnés à la prison à vie.

Plaque indiquant l’endroit du bûcher, square du Vert-Galant, Pont Neuf, Paris

L’exécution sur l’île aux Juifs

Le martyre des flammes

Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay s’insurgent avec véhémence contre ce verdict, comprenant qu’ils ont été joués depuis le début par un pape qui ne voulait pas les entendre. Ils révoquent tous les deux les aveux faits et proclament l’ordre innocent de toute accusation portée contre lui, Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay sont aussitôt reconnus comme relaps et livrés par les cardinaux au bras séculier. Un bûcher est installé le jour même sur une île (île de la cité) de la Seine au pied de Notre Dame. Au soir du 11 mars 1314 (ou 18 mars selon certaines interprétations), Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay sont livrés aux flammes.

La malédiction

Dès le XIVe siècle, le destin tragique de Jacques de Molay inspire des auteurs. Boccace parle de lui dans son De casibus virorum illustrium (Des cas d’hommes illustres) comme parfait exemple d’homme modeste que la Fortune a porté au sommet et dont la chute fut d’autant plus spectaculaire. Cependant, c’est souvent la fin des Templiers et de l’ordre qui marque la littérature et en particulier le bûcher spectaculaire de mai 1310 durant lequel 54 templiers sont brûlés.

La légende la plus connue et la plus ancienne autour de Jacques de Molay concerne la malédiction qu’il est censé avoir lancée contre Philippe le Bel et les Capétiens. Selon l’historienne Colette Beaune, cette légende est née après un épilogue stupéfiant pour les contemporains de Philippe le Bel : comment le roi le plus puissant de la chrétienté, doté de trois fils, a-t-il pu voir s’achever sa dynastie et plonger son royaume dans la guerre de Cent Ans ? Dans les mentalités médiévales, comment expliquer la chute de cheval, l’adultère de ses brus, la mort précoce de ses trois fils si ce n’est à cause d’une raison surnaturelle ? La malédiction est cependant plus souvent attribuée à Boniface VIII, pape dont la mort est imputable à Philippe. C’est au XIVe siècle que la malédiction est clairement formulée. Paolo Emilio rédige par la suite une histoire de France pour le compte du roi François Ier où il met en scène la mort d’un Jacques de Molay maudissant le roi et le pape et les convoquant devant le tribunal de Dieu. Les historiens des siècles suivants reprennent son récit.

La légende des templiers au cinéma et dans la littérature

Cette légende s’est maintenue jusqu’à la suite romanesque historique « Les Rois maudits », rédigée par Maurice Druon entre 1955 et 1977. Cette suite et ses adaptations télévisées contribuent à populariser encore davantage Jacques de Molay et sa malédiction :

Représentation imaginaire de Jacques de Molay datant du XIXe siècle

« Pape Clément !… Chevalier Guillaume !… Roi Philippe !…

Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu

pour y recevoir votre juste jugement !

Maudits ! Maudits ! Maudits !

Tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! »

(Les Rois maudits, 1955)

Une version populaire de la légende attribue à la malédiction la mort de Louis XVI qu’elle situe à la treizième génération après Philippe le Bel, alors que la treizième génération est celle des enfants de Louis XIV.

Absolution du Pape Clément V

Clément V

Pour en savoir plus sur le retour en grâce de Templiers vous pouvez lire l’excellent article de Madame Isabelle Heuillant-Donat (Université de Reims – Champagne Ardenne) en date du 19 octobre 2007, paru dans « Libération » et sous-titré : « L’original d’un document des archives vaticanes montre que le pape les avait absous. L’Église communique » (http://www.liberation.fr/jour/2007/10/19/le-retour-en-grace-des-templiers_104208) ou encore sur « France TV Info » avec cet article « Ordre des Templiers : le Vatican publie des archives secrètes. Sept siècles après l’extinction de l’ordre religieux, on apprend que l’Eglise avait tenté de réhabiliter les Templiers à l’issue de leur procès intenté par le roi de France. » https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/ordre-des-templiers-le-vatican-publie-des-archives-secretes_1605519.html

Sources : Wikipédia ; http://www.templiers.org/ ; Libération ; Euronews ; Francetvinfo

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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