Par Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix
Nul doute que vous connaissez les quatre éléments que sont la terre, l’air, l’eau et le feu. Dans leur expression courante, ils correspondent aux quatre grandes manifestations que l’on trouve dans la nature : la terre correspond au sol et à tous les minéraux qui le composent ; l’air au fluide éthéré qui remplit l’atmosphère ; l’eau aux rivières, aux fleuves, aux mers, aux océans, etc. ; le feu au Soleil qui nous éclaire et nous réchauffe, mais également aux éclairs qui zèbrent le ciel lorsqu’il y a des orages ou aux flammes qui consument telle plaine asséchée. En fait, c’est la combinaison harmonieuse de ces quatre éléments qui rend la vie possible sur Terre.
Les quatre éléments
L’existence des quatre éléments et le rôle qu’ils jouent dans la nature, l’univers et même la Création dans son ensemble ont toujours intrigué les penseurs et les philosophes, notamment ceux de la Grèce antique. Pour Thalès, c’était l’eau le plus important ; pour Anaximène, c’était l’air ; pour Empédocle, c’était le feu… Cela étant, tous admettaient que ces quatre éléments provenaient d’une même essence invisible et intangible : la Quintessence. Et selon eux, cette Quintessence était une émanation de Dieu, qu’ils assimilaient à l’Essence primordiale d’où toute la Création a émané. Pythagore désignait cette Essence primordiale sous le nom de «Divine Tétraktys», qu’il représentait par la somme des quatre premiers nombres (et non pas chiffres) : 1 + 2 + 3 + 4 = 10, 10 étant appelé «Décade» par les Pythagoriciens.
Mais c’est Aristote qui poussa le plus loin l’étude des quatre éléments, et c’est à lui que nous devons la plupart des correspondances que la Tradition en général leur attribue : la terre : ouest, automne, froid et sec… ; l’air : est, printemps, chaud et humide… ; l’eau : nord, hiver, froid et humide ; le feu : sud, été, chaud et sec… De plus, il associa chacun d’eux à l’un de nos sens et les mit en relation avec les tempéraments qui s’expriment à travers l’être humain : terre : toucher, nerveux ; air : ouïe, sanguin ; eau : goût, lymphatique ; feu : vue, bilieux.
Le quaternaire
Beaucoup plus tard, dans l’Europe du Moyen-Âge, les alchimistes complétèrent ces correspondances, mais surtout les appliquèrent à l’Art royal. Sous leur influence, les quatre éléments, associés aux trois principes qu’étaient pour eux le soufre, le sel et le mercure, devinrent le fondement d’opérations subliminales ayant pour but, comme chacun sait, de transmuter les métaux vils, notamment le plomb et l’étain, en or. Ils les associaient également à chacune des quatre dimensions de l’être humain : la terre au corps physique, l’air au mental, l’eau à l’âme et le feu à l‘esprit. À leurs yeux, c’était le feu le plus important, car sans lui, aucune combustion n’était possible.
De leur côté, les Rosicruciens ont une double approche des quatre éléments. Sur le plan matériel, ils voient plutôt en eux les principes de base du monde terrestre, le mot «éléments» étant mieux approprié selon eux pour désigner les atomes, comme c’est le cas dans l’appellation «Tableau périodique des éléments», lequel regroupe tous les atomes qui ont été répertoriés et classés à ce jour. Sur le plan spirituel, ils les font correspondre aux quatre étapes majeures de l’initiation, depuis l’état de simple disciple, jusqu’à celui de Maître. Cette correspondance initiatique est étudiée en profondeur dans l’Ordre de la Rose-Croix, mais je ne peux, dans le cadre de ce blog, en dire davantage…
Pour les Pythagoriciens, le carré signifiait que Rhéa, la mère des dieux, la source de la durée, se manifestait par la modification des quatre éléments symbolisés par Aphrodite qui était l’eau génératrice, par Hestia qui était le feu, par Déméter qui était la terre et par Héra qui était l’air ; le carré symbolisait la synthèse des éléments.
C’est à partir du feu de l’esprit que tout se manifeste comme est considéré le feu du Saint Esprit dans les Évangiles.
L’eau désigne tout qui est liquide indépendamment de la température, ce qui fait entrer, dans l’élément eau, la lave des volcans et les métaux en fusion.
La terre comprend tout ce qui est solide : les minéraux, les métaux, le bois et même la glace.
L’air correspond à tout ce qui est gazeux sans tenir compte de sa compatibilité avec notre respiration.
Les quatre bases de l’ADN (Adénine, Guanine, Timine et Cytosine) pourraient bien être l’écho de l’articulation des quatre éléments entre eux. Ce que l’on trouve déjà dans le Liber de Compositione alchemia, avec le Dialogue entre le roi d’Égypte Calid et le Philosophe Morien (VIIe siècle): «dans le corps de l’Homme sont contenus les quatre Éléments, Dieu les a aussi créés différents & séparés ; & il les a créés, unis & ramassés en un, étant répandus par tout le Corps» (p.10 : ).
Dans son Tarot des Imagiers, Wirth présente les moyens de se rendre maître des éléments symboliques : «pour entrer en possession de ces instruments mystiques, il faut avoir subi l’épreuve des éléments : la victoire sur la Terre confère le denier point d’appui nécessaire à toute action ? En affrontant l’air avec audace, le chevalier du Vrai obtient d’être armé du Glaive, symbole du Verbe, qui met en fuite les fantômes de l’erreur. Triompher de l’eau, c’est conquérir le Saint-Graal, la coupe, où il boit la Sagesse (la Coupe c’est aussi le cœur). Éprouvé par le feu, l’Initié obtient enfin l’insigne suprême, le Bâton, sceptre du Roi qui règne par sa volonté confondue avec le souverain Vouloir.» Et dans son livre de l’apprenti (1894) il écrit : «La quadruple purification subie par l’Initié doit lui enseigner à surmonter les attractions élémentaires. Celles -ci s’exercent en s’opposant deux par deux. On fait correspondre la première à la Terre, qui symbolise la lourdeur, l’opacité, le positivisme matériel, l’inertie, etc. Cette tendance vers le bas est combattue par le dégagement en hauteur, figuré par l’Air, élément léger, subtil, transparent, mais inconsistant et peu saisissable. L’Eau remplit ce qui est creux ; elle a ainsi donné l’idée d’une matière universelle se pliant à toutes les formes. Elle cherche d’ailleurs le repos, l’horizontalité ; elle calme, elle éteint, d’où la propulsion à la langueur et à la paresse qu’on lui attribue. À sa passivité, à son indifférence, à sa froideur s’oppose le Feu, dont l’activité stimule toutes les énergies. Modéré il vivifie, mais trop violent, il dessèche et tue».
On remarquera que les purifications sont effectuées sur le corps, cet extérieur symbolisant des purifications intérieures.
Visionner La théorie des 4 éléments, de Thalès à Platon : .