Ernesto de Martino – Traduit de l’italien par Giordana Charuty,
Bartillat, 2022, 316 pages, 22 €
Présentation de l’éditeur : Maléfices, conjurations, sorcellerie, communication avec les esprits, voyance, télépathie : cet essai qui relate d’innombrables pratiques de magie, repose sur une documentation ethnologique de premier plan. Mais son importance, soulignée par des esprits aussi éminents que Benedetto Croce ou Mircea Eliade, tient à l’attitude originale de l’auteur face au problème des pouvoirs magiques, de leur réalité et de leur signification culturelle. Au refus des positivistes, au désintérêt des ethnologues, comme aux illusions qu’ont pu entretenir la parapsychologie et l’irrationalisme, de Martino réplique par une interprétation historique qui assigne à la magie sa place dans le développement de l’esprit humain : celle d’une culture où l’homme doit encore accomplir un effort intellectuel et spirituel pour s’affirmer et s’imposer au monde.
Biographie de l’auteur : Formé à l’histoire des religions, Ernesto de Martino (1908-1965) est le fondateur d’une tradition nationale d’anthropologie de l’Europe et compte parmi les intellectuels italiens les plus importants du XXe siècle. Il occupe de 1959 à 1965 la chaire d’histoire des religions à l’université de Cagliari (Sardaigne). Introduite en France au milieu des années 1960 par Michel Leiris, Alfred Métraux et Georges Balandier, son œuvre poursuit le projet d’une ethnologie chez soi, fondée sur la «rencontre ethnographique » en situation d’inégalité, de violence, de domination symbolique. Elle a constitué une référence majeure, au milieu des années 1980, pour la refondation d’un domaine régional, au Centre d’anthropologie des sociétés rurales de Toulouse.
Ernesto de Martino est l’auteur de plusieurs livres d’ethnologie, dont « Italie du Sud et magie » et « La Terre du remords », « Le Monde magique ». Au fil des ans, il s’est imposé comme un classique dans sa catégorie.
[NDLR : D’abord disciple du philosophe, historien, écrivain et fondateur du Parti libéral italien Benedetto Croce (1866-1952), Ernesto de Martino développa ensuite une pensée originale et novatrice. Son œuvre fait désormais l’objet d’une redécouverte – d’où cette réédition – tant sur le plan international que national, dans le domaine non seulement de l’anthropologie et de l’ethnologie, mais aussi des sciences humaines en général.
Dans cet ouvrage, l’auteur recense les expériences de magie auxquelles ont été confrontés les ethnologues et qu’ils n’ont pas su expliquer.
Rappelons que la magie est un art fondé sur une doctrine qui postule la présence dans la nature de forces immanentes et surnaturelles, qui peuvent être utilisées par souci d’efficacité, pour produire, au moyen de formules rituelles et parfois d’actions symboliques méthodiquement réglées, des effets qui semblent irrationnels. Les esprits modernes y croient ou pas… De toutes les façons tant la magie cérémonielle qui agit sur les esprits – autres que les esprits des hommes vivants – par le moyen d’un rituel ou la magie blanche qui opère de façon occulte sur les forces et les esprits du bien et qui permet à l’homme d’utiliser leurs pouvoirs ou encore la magie noire, démoniaque, diabolique qui elle opère sur les forces et les esprits du mal, existent.
Ernesto de Martino nous fait entrer, très objectivement, dans ce monde sans mettre de côté pratique ni de but, tentant de nous faire pénétrer tous les secrets. Nous notons que l’auteur rejoint des théoriciens comme James George Frazer (1854-1941), anthropologue écossais connu pour être le premier à avoir dressé un inventaire planétaire des mythes et des rites, qui reconnaissaient l’efficacité mortelle de l’envoûtement et de la violation des tabous.
En mars 2003, la Collection « Les Empêcheurs de Penser en Rond » nous avait livré, en plusieurs volumes, les œuvres d’Ernesto de Martino traduites par Marc Baudoux. Nous saluons cette réédition qui devrait toucher un plus large public. L’édition originelle « Il mondo magico : prolegomeni a una storia del magismo » est parue en 1948 chez Einaudi.
Nous en profitons aussi pour signaler, du même auteur, la parution de « Mort et pleurs rituels » (Éditions de l’EHESS/École française de Rome, « Translations », 384 p., 29,90 €) avec une traduction inédite d’Alfonsina Bellio et de Jérôme Nicolas sur la crise du deuil dans le monde antique. Une très belle et riche étude, sur le rapport – sur ce que nous Maçons appelons l’ultime Initiation mais qui est un événement naturel – la mort humaine et le rite de la plainte funèbre.]