mer 24 avril 2024 - 16:04

La mort est omniprésente en Franc-maçonnerie

La mort est l’amie des Francs-maçons et Francs-maçonnes. Elle apporte la tristesse mais aussi la joie ! Elle est l’objet de réflexions multiples ; en un mot elle est omniprésente ! Pourquoi ?

C’est une banalité de rappeler qu’il y a plusieurs entrées possibles dans l’univers maçonnique ; pour certains il s’agit d’une illumination spirituelle, pour d’autres ce serait plutôt un club de bons vivants, d’autres encore s’y voient en défenseurs d’une laïcité anticléricale, sans oublier celles et ceux qui y découvrent les joies du mysticisme, et plus encore les convaincus que la vraie originalité de la Franc-maçonnerie se situerait dans l’apprentissage de la mort.  Et d’autres vécus sont encore possibles !

Mais dans toutes ces approches différentes, il y a un élément que l’on retrouve, au détour d’une phrase, dans une allégorie ou un fait social, dans la spiritualité ou la sociabilité : la mort !

La mort c’est d’bord celle de Maître Hiram dont le drame illustre le rituel du degré de Maître ou Maîtresse , le plus haut degré de la symbolique maçonnique (rappelons que les degrés des hauts grades n’ont rien à voir avec le maçonnisme authentique ; ils sont à connotation folklorique avec un symbolisme fait de bric et de broc !). Cette mort est le prétexte qui justifie notre raison de vivre mais c’et aussi une interrogation qui alimente notre recherche !

Si, dans une approche simple et conviviale, on présente la loge comme un espace dépassionné où l’on peut réfléchir tranquillement sur l’existence humaine en dehors de toute religiosité, ce serait heure d’oublier que la mort est notre préoccupation principale.

En loge, personne ne cherche à convaincre et chacun peut, au travers de planches, faire part de son expérience, de ses interrogations et de ses doutes. Aujourd’hui, l’euthanasie et le suicide médicalement assisté nous préoccupe et nombreux sont les maçons qui militent pour que ces procédures deviennent légales.

Si une franc-maçonnerie pépère et mémère convient généralement assez bien à des sœurs et frères âgés qui ne veulent pas se prendre la tête, ni se lancer dans je ne sais quelle croisade, qui se méfie des pseudo-mystiques qui cherchent à leur démontrer qu’il existe un espace sacré, ces soeurs et ces frères savent bien qu’ils et elles sont en fin de vie et que leur tour approche !

Sœurs et frères sceptiques, adeptes du doute, méfiants sur la nature humaine et les différentes formes d’ambition, pratiquent ainsi une franc-maçonnerie à deux visages : l’un d’une convivialité apparente et l’autre d’une gravité mélancolique !

Au-delà de cet aspect sociétal, on peut se demander si cette propension à philosopher dans un contexte de fin de vie et de bilan d’une existence n’entre pas en résonnance avec un aspect peu développé du rituel maçonnique, à savoir celui du « rituel funéraire ».

Tout le rituel maçonnique tourne autour de la mort ; on botte souvent en touche en se limitant à la mort profane laissant penser à une résurrection que l’on pourrait imagier de différentes façons .

Mais en fait, il s’agit bien d’un rituel funéraire comme on le voit dans de nombreuses communautés même si le notre a une spécificité maçonnique.

Cette spécificité on la retrouve dans un élément de la gestuelle durant l’élévation à la maîtrise.

Il s’agit de l’enjambement du cénotaphe ; cette gestuelle est réellement une énigme car on ne la retrouve nulle part dans la symbolique chrétienne. (SAUF INSUFFISANCE DE RECHERCHE DE MA PART)

Les explications habituelles sont fumeuses et non crédibles. On retrouve ce rite d’enjambement dans différentes cultures africaines ; l’explication que l’on en donne renvoie à une épreuve car le mort peut être capable de se réveiller » pour mordre un orteil, signant par là sa « désapprobation » !

Cette élévation à la maîtrise est un réel rituel funéraire et elle a son pendant dans le rituel de la tenue funèbre, cérémonie pendant laquelle les membres de la loge rendent « hommage » à un ou une des leurs précédemment décédé.

Aujourd’hui on évoque un « hommage » mais en fait il s’agit de bien d’autre chose ; car dans la symbolique maçonnique, la mort physique correspond à l’accès à l’orient éternel ou à la loge céleste. Et dans ce sens c’est d’abord une joie !

Les rituels funéraires, en général, ont deux fonctions :

  • Accompagner la famille du défunt et consolider le lien social
  • Conforter les croyances communautaires : croyance dans l’éternité de l’âme, dans la réincarnation ou dans l’accès au Paradis (pour les francs-maçons, l’orient éternel ou la loge éternelle.

A une époque où la croyance en l’existence d’une persistance de l’âme après la mort est de plus en plus remise en cause et où l’incinération détruit le squelette, il peut être normal que la 2ème fonction soit difficile à être comprise de la même manière par tous les francs-maçons.

La mort est aussi présente dans le symbolisme de l’acacia ; cette branche d’acacia qui marque le lieu où le corps d’Hiram a été enseveli renvoie à la nécessaire résilience qui accompagne la mort.

Tout n’a pas été dit mais vous aurez compris l’importance de la mort en franc-maçonnerie.

Bien que, généralement, le rituel maçonnique soit vécu comme un rituel d’initiation, surtout si on ne prend en compte que le premier degré, si on prend la globalité des trois degrés, il peut aussi être compris comme un rituel funéraire en l’honneur d’Hiram.

Tout se passe comme si l’inspiration funéraire traditionnelle des rituels maçonniques était un important élément qui attache le franc-maçon (ou la franc-maçonne) à l’ordre maçonnique et à sa loge.

9 Commentaires

    • Merci MTCF Yonnel pour cette video qui pourrait illustrer la puissance du lien communautaire associé à la mort par l’intermédiaire des funérailles !

  1. L’enjambement du cadavre a une forte résonance avec une ordalie. Jusqu’au XVIIe siècle, à travers toute l’Europe, parmi toutes les ordalies (jugements de Dieu), on était persuadé que si l’on mettait le cadavre d’un homme assassiné près de son meurtrier supposé, le cadavre saignait si le suspect était véritablement coupable ; c’était « la voix du sang », l’accusation par la victime.

    • Effectivement on retrouve cette interprétation dans certains écrits (cf Planches maçonniques d’Alain Lefebvre – 2019) et cette interprétation rejoint le rituel africain où le mort peut se manifester si celui qui enjambe n’est pas “clair” mais, pour nous, d’une part il s’agit d’un cénotaphe (cad sans corps) et d’autre part rien dans ce cénotaphe n’a de rapport avec Dieu, enfin il n’y a pas dans l’enjambement de véritable épreuve ! J’espère que des historiens vont se pencher sur cette gestuelle de l’enjambement pour trouver à quoi elle se réfère car elle n’a sûrement pas été inventée ; l’intérêt de l’associer à un rite funéraire permet de comprendre combien le lien communautaire prime dans le vécu maçonnique, plus que toute autre “justification” !

  2. En Afrique centrale, enjamber le mort signifie séparation en bonne entente. On fait enjamber le corps d’un parent par son ou ses enfant(s) pour lui signifier de s’en aller, de se séparer d’eux et de les laisser continuer leur chemin sur terre sans que lui vienne les perturber par son attachement, en les “revisitant” au travers des rêves.

  3. “A une époque où la croyance en l’existence d’une persistance de l’âme après la mort est de plus en plus remise en cause ”
    je penserais l’inverse ! Il sembait bien que la croyance en la persistance d’une conscience (“âme”, esprit etc.) ait été en extinction totale (le nirvana ?) au milieu du XXè siècle, les écrits de Raymond Moody (la vie aprsè la vie et etc.), de chirurgiens tant américains que français, d’anesthésistes, de cardiologues, dans leurs descriptions de NDE et autres phénomènes, l’ont réactualisé et “laïcisé” !
    Un sondage vers les années 80 montrait que chez les catholiques pratiquants, 40 % (!) ne croyaient pas à la survie de “l’âme” [et 1 % ne croyaient pas en Dieu !]. De nos jours, on pourrait dire que 40 % des individus, toutes religion et areligion confondues, y croient !
    On pourra trouver des développements sur la consicence dans mon ouvrage “Les énigmes de la conscience” [Frsison-Roche éditeur] et dans “l’essence du christianislme -et du judaïsme” sur mon blog (attention : sera supprimé car en cours d’édition).

    • Chacun a le droit de croire ou de ne pas croire ! Mais je me référais plus aux travaux scientifiques sur la conscience : en peu de mots disons qu’il semble bien que la conscience soit liée à une activité cérébrale !

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Alain Bréant
Alain Bréant
Médecin généraliste, orientation homéopathie acupuncture initié en 1979 dans la loge "La Voie Initiatique Universelle", à l'orient d'Orléans, du GODF Actuellement membre de la RL "Blaise Diagne" à l'orient de Dakar - GODF Auteur sous le pseudonyme de Matéo Simoita de : - "L'idéal maçonnique revisité - 1717- 2017" - Editions de l'oiseau - 2017 - "La loge maçonnique" - avec la participation de YaKaYaKa, dessinateur - Editions Hermésia - 2018 - "Emotions maçonniques " - Poèmes maçonniques à l'aune du Yi King - Editions Edilivre - 2021

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