ven 26 avril 2024 - 18:04

Du sens, le bon sens

Le sens : vieux problème de l’homo sapiens, questionnement permanent du franc-maçon. C’est bien l’Homme qui a inventé ce concept, lequel se réduit (à première vue) à nos deux questions « éternelles » : pourquoi ? comment ? (Et inversement !).

Montent pourtant à l’esprit deux autres questions, l’une entraînant l’autre :

  • D’où vient ce mot ? Sa provenance est à la fois latine (sensus, sentir -> sensation, jugement, signification) et germanique (sinno vers -> direction)
  • Qu’est-ce que çà veut dire ? Deux notions apparaissent avec cette formulation : Le « çà » freudien et la volonté avec le verbe vouloir.

C’est humain : après le constat d’une chose, instinctivement, nous voulons la comprendre, lui « donner du contenu ». A l’image de la nature, le vide nous est insupportable ! Une fois comblé par l’explication « donnée » nous désirons que ce sens se « déroule » dans le temps. Partant est né le récit et son jalonnement en étapes répétitives (invention du calendrier, des dates, fêtes saisonnières et autres rites).

Nous avons besoin de « nous raconter des histoires » ! Nous vivons de la sorte dans la fiction, régal de notre imaginaire ! Selon ce processus, certains philosophes grecs ont voulu voir du sens (au vrai de la « vision humaine) dans la Nature, allant jusqu’à lui attribuer raison, bonté, harmonie, morale, pour en constituer un modèle à imiter. Nous pouvons vérifier chaque jour – ne serait-ce qu’avec le fonctionnement de ses quatre éléments – entre autre, son pouvoir de destruction…qui n’a pas de sens, sinon celui que nous lui donnons en la personnalisant, jusqu’à la taxer de cruauté. Donc en continuant inconsciemment de lui attribuer une intention, donc une « supposée » intelligence, à la manière antique.

Sur ce mode cosmologique, la recherche d’un sens à tout ce qui est, c’est instaurer le principe que la Nature est l’expression d’une volonté invisible, pour ainsi dire cachée. « L’intelligence de ce qui est » … est de fait la projection de la nôtre. C’est une définition de la philosophie.

Il en est de même avec le symbole (que nous croyons à tort faire parler !) et son soi-disant langage, alors qu’il n’est que « l’ombre de nos mots ». Même abondant, il n’est qu’évocation. Et au total, lui aussi n’est que notre « projection sur l’objet ». Il fait alors de nous – producteurs de sons par la voix -… des ventriloques !

Prenons garde, dans notre recherche éperdue de sens – comme nous le rappelle le rituel – à ne pas prendre les mots et les symboles pour des idées. Et produire au final des contre-sens ! Ecoutons cette phrase du philosophe Brice Parain, que rapporte son ami Albert Camus :

« Mal nommer un objet c’est ajouter au malheur de ce monde, car le mensonge est justement la grande misère humaine, c’est pourquoi la grande tâche humaine correspondante sera de ne pas servir le mensonge. »

A force d’attribuer des sens, nous pouvons finir par les croire. Bref, nous vivons encore largement – poètes que nous sommes – dans la pensée magique. Certes, elle nous est utile : quand on a fait le tour de toutes les utopies, il nous reste à penser que le sens de la vie, c’est d’aimer ! « Notre premier devoir », dit le précité Albert Camus. Envers et contre toutes les évidences qui nous montrent que l’homme actuel – n’ayant pas de « centre de l’amour » dans le cerveau, comme il a un centre de la toux – est fait pour constituer de l’autre un rival. Et prendre si possible sa place !

Dans ce contexte, parmi les choses de la vie, la lumière maçonnique créée par le « frottement » de nos pierres individuelles est une magnifique opportunité : Des étincelles surgissent à la fois l’éclairement de la raison et la chaleur fraternelle ! L’un nous permet de mieux approcher la vérité, l’autre nous invite à aimer lorsque la bonne volonté rencontre les sentiments authentiques. Là, dans cet amour, est le vrai sens, au cœur de la relation interpersonnelle. Il s’agit que le lien se noue par l’accord des acteurs. Alors s’exprime « le sens de l’autre ». Pour mieux dire, le souci de l’autre. Les paléontologues ne prévoient la naissance de ce fameux centre de l’amour que dans plusieurs milliers d’années! En attendant, il ne tient qu’à nous de vivre une riche vie d’initiés parmi les Hommes. Et d’en initier d’autres pour le bien commun.

Lorsque l’humanité aura disparu, comme les autres espèces, le soleil brillera toujours. Et le mystère de l’univers, cette quête présomptueuse de l’homo sapiens, disparaîtra avec lui. Fin du « pourquoi/comment » !

 Dès lors, restons forts et confiants, réalistes et joyeux. Mais humbles. Parce que notre sort est, si je puis dire, « simplement » de nous perfectionner dans notre être – selon la sage recommandation du philosophe Baruch Spinoza – évertuons-nous à grandir. Etre adulte, c’est s’épanouir. Pour, autant que possible, tâcher d’être heureux, sur le chemin…du bon sens !

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Gilbert Garibal
Gilbert Garibal
Gilbert Garibal, docteur en philosophie, psychosociologue et ancien psychanalyste en milieu hospitalier, est spécialisé dans l'écriture d'ouvrages pratiques sur le développement personnel, les faits de société et la franc-maçonnerie ( parus, entre autres, chez Marabout, Hachette, De Vecchi, Dangles, Dervy, Grancher, Numérilivre, Cosmogone), Il a écrit une trentaine d’ouvrages dont une quinzaine sur la franc-maçonnerie. Ses deux livres maçonniques récents sont : Une traversée de l’Art Royal ( Numérilivre - 2022) et La Franc-maçonnerie, une école de vie à découvrir (Cosmogone-2023).

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