jeu 31 octobre 2024 - 09:10

Protégeons notre fragile Liberté Absolue de Conscience

Dans notre lutte pour la liberté absolue de conscience nous avons identifié les GAFAM comme une menace potentielle. La résistance a commencé , et le rapport Bronner propose un jeu structuré de mesures de compensation. La dernière faiblesses de notre cerveau détectée, « la théorie argumentative du raisonnement », se rajoute à la déjà longue liste de nos biais cognitifs.

Dans un précédent papier, nous comprenions comment rationalité et irrationalité peuvent cohabiter dans un même crâne. Les penseurs du siècle des Lumières se disaient que la diffusion libre des connaissances était la solution idéale pour vaincre l’obscurantisme .

Au siècle de Wikipédia force est de constater que cela n’a pas suffi. Et non seulement cela n’a pas suffi, mais plusieurs indices nous font craindre que les idées les plus rétrogrades, telles que racisme, sexisme et autres discriminations, sont en train de regagner du terrain . On a beau jeu d’incriminer les réseaux sociaux, mais ceux-ci se défendent en montrant que le volume de trafic complotiste/extrémiste est fortement minoritaire.

On peut leur concéder que les rumeurs et la médisance ne datent pas d’hier, mais nous n’oublions pas que les algorithmes, tout à leur objectif de maximiser la durée passée sur les écrans, ont attribué aux communications comportant des affects ( colère/indignation/tristesse ) un coefficient de référencement majoré, alors que ces émotions favorisent déjà naturellement les partages et captations d’attention, bref la viralité.

Autre reproche que l’on peut adresser aux GAFAM :  la tendance, boostée par les algorithmes, à créer des bulles cognitives où les tenants d’une pensée se retrouvent entre eux, favorisant la radicalisation.

Serions tout simplement instrumentalisés par les GAFAM et conditionnés ( après pompage de nos profils par le Big Data ) à passer notre temps libre, acheter, voire même voter comme on nous le dit ?

Pas étonnant en tous cas que la commission Bronner préconise des mesures de régulation et surveillance des réseaux sociaux, tant par les opérateurs de plateformes eux-mêmes que par la recherche et les pouvoirs publics.

Mais revenons à notre petit cerveau à chacun de nous.

Les prix Nobel Kahneman et Tversky ont consciencieusement décrit les deux systèmes à l’œuvre, l’un correspondant à la pensée intuitive ( automatique, rapide, axée sur nos envies, mais peu fiable )  et l’autre à notre raisonnement volontaire et logique ( lent, consommateur d’énergie…). Il semblait qu’on pouvait à force de volonté se brancher sur son système raisonnant afin de profiter de sa précision et ainsi se garantir des prises de décision efficaces.

Notons au passage que la commission Bronner préconise aussi de nombreuses actions concernant ce domaine de la connaissance de nos faiblesses…celui qui fait que nous maçons sommes ( ou « devrions être » ) passionnés par le sujet.

D’abord, il faut cesser de considérer le numérique comme un phénomène séparé de la connaissance générale. Wikipédia est l’outil idéal de jointure entre les « bibliothèques » et le Numérique ! L’EMI, éducation aux médias et à l’information, doit encore être améliorée.

Ensuite, il s’agit de développer un esprit critique, qui ne soit ni de la pensée angélique ni du rejet généralisé . L’esprit analytique est à développer dans les cursus scolaires, et parmi ses ennemis à connaître il y a  bien entendu les fameux biais cognitifs ( biais de confirmation, le plus célèbre ; biais d’agentivité, qui voit une intention derrière tout phénomène ; biais d’investissement , qui invite à ne jamais reconnaitre un mauvais choix si on y a consacré beaucoup d’énergie, etc. ), mais aussi l’ « avarice cognitive », un genre de fainéantise intellectuelle qui cantonne la pensée à la sphère intuitive, avec toutes les erreurs qui en découlent .

Jusqu’ici donc, on pourrait conclure que le numérique, qui nous a tout de même apporté de très nombreux bienfaits, n’est  pas à jeter avec l’eau du bain GAFAM, pourvu que les mesures correctives des quelques faiblesses et menaces soient appliquées et portent leurs fruits.

Il reste un élément final : c’est que la liste des faiblesses de notre cerveau s’est encore allongée, par ce que son découvreur Hugo Mercier a appelé la théorie argumentative du raisonnement. Kézako ?

La conception du raisonnement généralement admise est qu’il s’agit d’une faculté que nous mobilisons pour augmenter nos connaissances ou prendre de bonnes décisions. Mais de nombreux résultats d’expériences montrent que le raisonnement peut conduire à des distorsions épistémiques ou à de mauvaises décisions.

Les études de Hugo Mercier et Dan Sperber montrent que le raisonnement est plutôt un outil de construction et évaluation d’argumentaires, d’où  son intrication profonde avec le biais de confirmation, et l’exceptionnelle force de celui-ci,  expliquant aussi la vulnérabilité de l’humain à la désinformation. Il a été montré que les argumenteurs aguerris ne sont pas à la recherche de la vérité mais cherchent des arguments qui vont dans le sens de leurs croyances : ils cherchent à persuader.

Ce phénomène se manifeste aussi chez ceux qui proactivement cherchent à défendre une position, avec le bénéfice secondaire que la préparation rend la position aisée à défendre. Par suite, l’individu préférera les conclusions pour lesquelles des arguments sont disponibles.

Bien, ces nouvelles ne sont pas à voir comme négatives : notre connaissance de nous-mêmes progresse, nul doute que la science nous fournira bientôt les moyens de défense contre ce défaut à notre cuirasse !

En attendant, je vous rappelle que l’intelligence collective, d’une loge par exemple, permet d’éliminer pas mal de raisonnements buggés !

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Patrick Van Denhove
Patrick Van Denhovehttps://www.lebandeau.net
Après une carrière bien remplie d'ingénieur dans le secteur de l'énergie, je peux enfin me consacrer aux sciences humaines ! Heureux en franc-maçonnerie, mon moteur est la curiosité, et le doute mon garde-fou.

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