mer 24 avril 2024 - 08:04

Les calendriers maçonniques

Faire date, c’est installer un récit dans un espace, c’est lui trouver un lieu pour que ça se raconte,  pour qu’on s’en souvienne et pour qu’on y revienne afin de le commémorer.

Le 9 août 1564, par l’édit de Roussillon, le roi Charles IX impose le 1er janvier comme point de départ obligatoire de chaque année, manière d’uniformiser et de mettre de l’ordre dans son royaume en pleine guerre de religion. En 1582, un nouveau calendrier naît : le calendrier dit grégorien, du nom du pape Grégoire XIII (pape de 1572 à 1582). C’est ce calendrier qui est toujours en vigueur aujourd’hui. Mais, La Grande-Bretagne et les pays protestants n’adoptèrent le calendrier grégorien (décrété en 1582) qu’en 1752, préférant, selon l’astronome Johannes Kepler, «être en désaccord avec le Soleil, plutôt qu’en accord avec le pape».

1789, révolution française et révolution dans les calendriers ! Le 22 septembre 1792, la Convention proclame la République. Symbolisant une rupture avec l’ordre ancien, le début de la nouvelle ère est fixé au 22 septembre 1792 qui devient ainsi le 1er vendémiaire an I. Chaque année commence le jour de l’équinoxe d’automne, moment où la durée du jour est égale à celle de la nuit, ce qui, selon les années, peut correspondre au 22, 23 ou 24 septembre, date qui est fixée par décret. L’année est divisée en douze mois de trente jours, eux-mêmes divisés en trois “décadi ” de dix jours (pour supprimer toute référence biblique à la semaine de sept jours), suivis de cinq jours complémentaires appelés aussi «sans-culottides». L’année bissextile est appelée «franciade» et le jour rajouté tous les quatre ans, jour de la Révolution. La France est la seule à avoir ce calendrier ! En 1805, un retour à l’ancien système devient nécessaire : la France doit avoir le même calendrier que le reste de l’Europe. Le 1er janvier 1806 (11 nivôse an XIV) marque ainsi l’abandon du calendrier révolutionnaire pour le calendrier grégorien.

Au REAA, dans les loges bleues, on obtient la valeur de l’année dite vraie année lumière en ajoutant 4000 ans au calendrier chrétien. C’est le Révérend Uscher, prélat anglican du XVIe  qui a donné cette date. Les Constitutions d’Anderson reprennent à peu près cette datation. Il convient d’utiliser le calendrier Julien faisant commencer l’année le 1er Mars (car c’est le mois du Bélier, 1er signe du Zodiaque), pour cela, il faut décomposer les éléments de la date, on n’emploie pas les noms des mois courants, seulement leurs quantièmes. Ainsi, le 11 février 2022 ère vulgaire (anno domini) devient  le 11ème jour du 12ème mois de l’année de la Vraie Lumière 6021 ;  le 18 avril 2022 est le 18ème jour du 2ème mois de l’année de Vraie Lumière 6022 (anno lucis). 

En fait, Anderson fait débuter l’ère maçonnique, non il y a 4000 ans mais bien il y a 4003 ans. Il s’agit d’une chronologie qui se rapporte à la création du monde. Selon cette chronologie adoptée depuis le XVIIe siècle, la création du monde aurait eu lieu en l’an 4004 avant notre ère (selon l’évêque irlandais James Ussher repris dans son ouvrage Chronology daté de 1611).  Anderson fait donc coïncider symboliquement le début de la Franc-maçonnerie avec la création du monde sans exclusive maçonnique. La date de «anno lucis», qui est apposée sur tous les documents maçonniques, n’est qu’un mythe philosophique, symbolisant l’idée qui relie analogiquement la création de la lumière physique dans l’univers avec la naissance de la lumière maçonnique ou spirituelle et intellectuelle chez le candidat.

Il y eut, au fil des siècles, plusieurs chronologies arrêtées : 3761 ans avant la naissance du Christ par Jose Ben Halatt, 3952 ans par Bede, 4000 ans par Isaac Newton.

D’une façon générale, les loges françaises et allemandes utilisent «en l’an de la Vraie Lumière» ou l’anno lucis pour faire remonter symboliquement l’origine de la Maçonnerie à la création du monde selon la tradition biblique. L’emploi des mois hébraïques est aujourd’hui sorti d’usage (sauf parfois au Rite Écossais).

Ce style n’est pas accepté partout : les maçons écossais emploient parallèlement, surtout aux Hauts Grades, en même temps que les mois hébraïques, un calendrier utilisant la chronologie juive, l’anno hebraico ou l’anno mundi. Ce calendrier commence mi-septembre et il faut ajouter au calendrier grégorien 3760 ans jusqu’en septembre ou 3761 ans postérieurement.

Le Rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm définit le début du calendrier en  l’an 1292 avant notre ère vulgaire, qui correspond à l’accession au trône de Ramsès II. Il s’appuie aussi sur le  calendrier de l’Égypte antique, (également appelé calendrier nilotique) basé sur les fluctuations annuelles du Nil et qui avait comme but premier la régulation des travaux agricoles au cours de l’année. On trouve dans ce rite que l’année commence au 29 août en ajoutant 1291- correspondant au couronnement de Sethi1- d’autres proposent 1294 année de la construction du grand temple d’Abydos et de son Osiréion. Dans le Rite de Misraïm (officiel) il débute en l’An 1356 avant notre ère, date présumée du début du règne du 9e pharaon de la XVIIIe dynastie, sous le nom d’Akhenaton. L’anniversaire de la mort d’Osiris (nombre d’auteurs voient dans la mort de ce dieu l’origine du mythe d’Hiram), était fêté en Égypte ancienne le 17ème jour du mois d’Athyr (du nom de la déesse Hathor).

Au grade de Royal Arch, la date du point de départ du calendrier est celle du début de la reconstruction du Second Temple par Zorobabel, date fixée à 530 avant J.-C. C’est l’anno inventionis. Au grade de Royal and Select Master, le point de départ est la date de la dédicace du Temple de Salomon, soit 1000 ans avant J.-C. ; c’est l’anno depositionis. Aux grades Templiers, on compte depuis la date de création de l’Ordre du Temple (1118 après J.-C.) ; c’est l’anno ordinis.

Passionnante approche des âges du Monde par Jacob Perlman dans la revue  Renaissance Traditionnelle n° 195-196 à partir de la page 260 : storage.googleapis.com/mtl-assets/rt/195-196/RT-195-196-gratuit.pdf.

Consulter le Vade-mecum maçonnique, pour les trois premiers degrés du rite écossais ancien et accepté, à partir de la page 65 : numelyo.bm-lyon.fr/f_view/BML:BML_00GOO0100137001100408215# (télécharger le fichier pour un accès plus confortable).

Il existe une tradition maçonnique qui situe précisément le jour de la mort d’Hiram Abif. Cette date est citée dans les rituels de la Maçonnerie opérative anglo-saxonne représentée, de nos jours, par l’ordre maçonnique reconnu par la Grande Loge Unie d’Angleterre, The Worshipful Society of Free Masons, Rough Masons, Wallers, Slaters, Paviors, Plaisterers and Bricklayers, ou The Operatives. Au chapitre du 7ème degré, du livre Guild Masonry in the Making (aperçu assez large des rites et symboles de ce système opératif) de Charles H. Merz, on peut lire 1. The Commemoration of the Founding of King Solomon’s Temple held in April. 2. The Commemoration of the Death of Hiram Abif, held on October 2nd. 3. The Commemoration of the Dedication of the Temple, held on October 30th (p. 112 : tbm100.org/Lib/Mer18.pdf)

1 COMMENTAIRE

  1. Je ne doute pas un seul instant que nous ne trouvions pas dans l’ouvrage de notre TCS Solange “Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique” primé en 2017 au SML Paris par l’IMF en “Essais et Symbolisme” une référence au “calendrier maçonnique”…
    Un ouvrage à lire sans modération !!!

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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