jeu 25 avril 2024 - 17:04

COTE-D’IVOIRE : Franc-maçonnerie coloniale : « Il était considéré que les Noirs n’étaient pas encore initiables »

De notre confrère afriksoir.net – Par Marie Miran-Guyo

Dans un texte de recherche sous forme d’interview (réalisée par Marie Miran-Guyo) accordé à Francis Akindès et intitulé « La franc-maçonnerie en Côte d’Ivoire, brève histoire des enjeux actuels », l’on en sait un peu plus sur le rapport quelque peu raciste de cette organisation, pendant la colonisation. Extrait.

La franc-maçonnerie est venue en Côte d’Ivoire dans la gibecière de la colonisation. L’aventure maçonnique ivoirienne a commencé en 1930 avec la création à Abidjan d’une loge affiliée au Grand Orient de France (GODF), nommée « Fraternité africaine ». La plupart des membres de cette loge étaient des Français, administrateurs, commerçants ou militaires. Tous étaient des colons ou expatriés. À l’époque, en effet, seuls des Européens pouvaient être initiés.

Dans un état d’esprit un peu raciste, il était considéré que les Noirs n’étaient pas encore « initiables ». Ce qui se passait dans la colonie ivoirienne tranchait, de fait, avec ce que l’on observait en métropole car, en France, des Africains comme Blaise Diagne avaient déjà été initiés. Éduqué en France, celui qui fut le premier député africain élu à la Chambre des députés française est connu pour avoir aidé Clemenceau à recruter des tirailleurs sénégalais pendant la Première Guerre mondiale.

Franc-maçonnerie en Côte d’Ivoire

La loge Fraternité africaine peut donc être considérée comme la loge mère de la franc-maçonnerie en Côte d’Ivoire. Son histoire est marquée par deux événements dramatiques. Le premier remonte au 12 janvier 1941. Sur requête du procureur de la République de Vichy, le président du tribunal de Grand-Bassam mit sous séquestre tous les biens de la loge Fraternité africaine. Puis, le 7 mars 1941, tous les emblèmes, décors et autres insignes de l’obédience furent incinérés en public à Abidjan dans une sorte d’autodafé.

Francis Akindès

L’immeuble de la loge fut aussi vendu aux enchères (curieusement, il a été racheté par des sympathisants de la franc-maçonnerie). C’est une part de l’histoire qui est peu connue. Elle a partie liée avec les idéologies vichyste et nazie les nazis occupaient alors la moitié de la France pour lesquelles la franc-maçonnerie, ainsi que le communisme et le socialisme, étaient des mouvements à combattre et à éradiquer. Cette adversité politique s’est conjuguée, en France comme dans les colonies françaises, à l’inimitié séculaire de l’Église catholique vis-à-vis de la franc-maçonnerie. En Côte d’Ivoire, l’hostilité de l’Église romaine contre la franc-maçonnerie ne date pas d’aujourd’hui.

Après la guerre, la loge Fraternité africaine a mis du temps à se remettre sur pied. Elle s’est ensuite reconstituée autour d’un vénérable maître du nom de Villot, un Français, qui tenta de réveiller et de réorganiser la vie maçonnique à Abidjan. Les douloureux événements de 1941, toutefois, ont profondément affecté les francs-maçons de cette époque, qui développèrent une culture de la clandestinité, à l’instar de ce qui se passait d’ailleurs en France.

L’aventure maçonnique ivoirienne a commencé en 1930 avec la création à Abidjan d’une loge affiliée au Grand Orient de France

Ce traumatisme est un élément essentiel pour comprendre la culture de clandestinité des francs-maçons de tradition française. La période entre 1948 et 1958 fut donc ponctuée de difficultés pour ranimer la vie maçonnique et gérer les séquelles de l’hostilité de l’État colonial vichyste. Les francs-maçons de Fraternité africaine affiliés au GODF firent profil bas et continuaient de développer leur sens de la fraternité humaine en s’investissant dans toutes sortes d’associations : la Croix-Rouge, la Ligue des droits de l’homme, la Ligue de l’enseignement, les crèches publiques, les associations de parents d’élèves, le Rotary Club, etc.

Franc-maçonnerie en Côte d’Ivoire, Il était considéré que les Noirs n’étaient pas encore initiables (Francis Akindès)

Dans la période, fait notoire, Niangoran Eyemon devint, en 1953, le premier Ivoirien initié dans la loge Fraternité africaine. S’en suivit un lent processus d’africanisation de la maçonnerie ivoirienne. En 1957, la Grande Loge de France (GLDF) ouvrait une première loge à Abidjan appelée « Concorde universelle ». Avec la GLDF, le Grand Orient de France initia ensuite le projet de faire fusionner leurs loges ivoiriennes. Mais la Grande Loge de France souleva des réticences à ce projet œcuménique, qui s’enlisa. Les querelles maçonniques de France se déportent en terre africaine !

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